Des combats acharnés se poursuivent ce 7 décembre dans la bande de Gaza entre le Hamas et l'armée israélienne, qui a pris la grande ville de Khan Younès où elle traque l'architecte de l'attaque sanglante du 7 octobre contre Israël.
Prédisant un «effondrement total de l’ordre public bientôt» à Gaza, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a de nouveau appelé à un cessez-le-feu humanitaire, s’attirant une fin de non-recevoir cinglante d’Israël. Le gouvernement israélien a toutefois autorisé la livraison d’un «supplément minimal» de carburant à Gaza pour éviter un «effondrement humanitaire» et des épidémies.
Engagée depuis le 27 octobre dans une offensive terrestre contre le Hamas dans le nord de Gaza, en parallèle à sa campagne de frappes aériennes massives, Israël a étendu ses opérations au sol à l’ensemble du petit territoire palestinien surpeuplé. La population civile est poussée à se déplacer vers un périmètre de plus en plus exigu à Rafah, le long de la frontière égyptienne.
A Khan Younès, la plus grande ville du sud de la bande de Gaza, fantassins, blindés et bulldozers israéliens ont atteint le centre-ville, selon des témoins. L’armée israélienne a affirmé le 6 décembre au soir avoir «percé les lignes défensives» du Hamas, «éliminé un certain nombre de terroristes» et détruit environ «30 entrées de tunnels».
A la tombée de la nuit, d’épais nuages de fumée noire et des flammes ont continué de s’élever de Gaza. Dans la journée, des trainées dessinées par des roquettes tirées vers Israël depuis Rafah, dans le sud du petit territoire palestinien, ont aussi émaillé le ciel.
Tsahal affirme avoir tué à ce jour «la moitié des commandants» du Hamas.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que les forces israéliennes «encerclaient la maison de (Yahya) Sinouar», le chef du Hamas, dans la bande de Gaza, à Khan Younès. «Sinouar se cache sous terre», a affirmé ensuite Daniel Hagari, un porte-parole de l’armée, en allusion aux tunnels du Hamas sous Gaza.
Yahya Sinouar, 61 ans dont 23 passés dans des prisons israéliennes, est considéré comme l’architecte de l’attaque sans précédent du 7 octobre : ce jour-là, des centaines de commandos du Hamas infiltrés en Israël depuis Gaza avaient tué 1 200 personnes, en majorité des civils selon les autorités israéliennes, et pris quelque 240 personnes en otage.
D’après le gouvernement israélien, 138 otages sont toujours retenus à Gaza, après la libération fin novembre dans le cadre d’une trêve de sept jours de 105 personnes enlevées, dont 80 en échange de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël. Yahya Sinouar n’a pas été vu publiquement à Gaza depuis le 7 octobre. Trois soldats israéliens ont été tués au combat le 6 décembre dans la bande de Gaza, selon l’armée.
L’armée israélienne a aussi annoncé la découverte dans le nord du territoire, «au cœur de la population civile», près d’une clinique et d’une école, «d’un dépôt d’armes très important» y voyant une «preuve supplémentaire» de l’utilisation par le Hamas de «boucliers humains». Elle a aussi dit avoir tué à ce jour «la moitié des commandants» du Hamas.
Sur sa chaîne Telegram, le mouvement islamiste palestinien a affirmé que sa branche armée, les brigades Ezzedine al-Qassam «se bat violemment contre les forces d’occupation sur toutes les lignes d’incursion dans la bande de Gaza».
Nations unies : Guterres active l’article 99 de la Charte
«Toute la ville subit des destructions et des bombardements incessants. Beaucoup de gens arrivent du nord dans des conditions désastreuses, sans abri, à la recherche de leurs enfants», a raconté à l’AFP Hassan Al-Qadi, un habitant de Khan Younès déplacé plus au sud à Rafah, ville frontalière avec l’Egypte.
Face au bilan qui s’alourdit, au manque de vivres et aux milliers de déplacés totalement démunis, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a mis en garde contre un «effondrement total de l’ordre public bientôt» à Gaza.
Antonio Guterres a employé pour la première fois de son mandat une procédure rare, l’article 99 de la Charte des Nations unies, qui lui permet d’«attirer l’attention» du Conseil de sécurité sur un dossier qui «pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationale». Selon plusieurs diplomates, le Conseil de sécurité devrait se réunir le 8 décembre pour examiner cet appel.
«Le mandat de Guterres est un danger pour la paix mondiale», a rétorqué sur X (ex-Twitter) le chef de la diplomatie israélienne Eli Cohen, en estimant que l’activation de l’article 99 et l’appel à un cessez-le-feu «constituent un soutien à l’organisation terroriste Hamas».
Selon le ministère de la Santé du Hamas, 16 248 personnes, pour plus de 70% des femmes, des enfants et des adolescents, ont été tuées depuis le 27 octobre dans la bande de Gaza par les bombardements israéliens lancés en représailles de l’attaque du 7 octobre.
Gaza : 85% la population déplacée selon l’ONU
Israël a promis d’anéantir le mouvement islamiste palestinien au pouvoir à Gaza depuis 2007, classé organisation terroriste par les Etats-Unis, l’Union européenne et Israël.
Le gouvernement israélien a toutefois approuvé le 6 décembre une «livraison minimale de carburant – nécessaire pour éviter un effondrement humanitaire et l’apparition d’épidémies – dans le sud de la bande de Gaza», a annoncé sur X le bureau du Premier ministre. La quantité livrée sera «déterminée au fur et à mesure» en fonction de la situation humanitaire, a-t-il ajouté. L’annonce israélienne intervient deux jours après l’appel de leur principal allié, les Etats-Unis, à laisser davantage de carburant entrer à Gaza.
Selon l’ONU, 1,9 million de personnes, soit environ de 85% la population, ont été déplacées par la guerre dans la bande de Gaza où plus de la moitié des habitations sont détruites ou endommagées par les bombardements israéliens.
L’ONU a calculé que 30% du territoire tombe désormais sous le coup des ordres d’évacuation quotidiens israéliens, et juge «impossible» de mettre en place des zones sécurisées pour accueillir les civils fuyant les combats.
«Nous sommes dévastés, mentalement dépassés»
La ville de Rafah, à la frontière avec l’Egypte, est le seul endroit où de l’aide humanitaire est encore distribuée, en quantité limitée, selon l’ONU. Le 6 décembre, 80 camions transportant des vivres et du carburant y ont accédé, contre 170 par jour en moyenne pendant la trêve en vigueur du 24 au 30 novembre et 500 avant le 7 octobre, a indiqué le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (Ocha) dans son point quotidien.
Des Palestiniens ayant fui Khan Younès, à moins de 10 kilomètres, y ont monté un camp avec des moyens de fortune – toiles pour des tentes, bâches en plastique, lattes de bois. Des branches ramassées ici et là permettent de faire du feu et de préparer dans des gamelles de la semoule, leur unique nourriture. Des déplacés errent avec leur jerrican à la recherche d’eau.
«Nous sommes arrivés ici, sans abri, il a plu sur nous cette nuit, il n’y a rien à manger, pas de pain, pas de farine», raconte à l’AFP Ghassan Bakr. «Nous sommes dévastés, mentalement dépassés», se désole Amal Mahdi, qui a survécu à un raid. «Nous avons besoin que quelqu’un nous soutienne, trouve une solution pour nous sortir de cette situation».
Gaza : violents combats à Khan Younès, encerclé par Tsahal