L'appel du chef de l'Etat aux Français afin qu'ils participent aux débats du Conseil national de la refondation n'a pas convaincu ses opposants, échaudés par le précédent du grand débat et sceptiques quant à la «nouvelle méthode» du président.
«Aidez-moi à transformer le pays» : dans une vidéo publiée le 3 octobre, Emmanuel Macron a tenté de clarifier la «nouvelle méthode» censée marquer son second mandat, avec davantage de concertation et de dialogue pour parvenir à des consensus sur les réformes à mener.
«Nous pouvons changer les vies si nous décidons de le faire», a déclaré le chef de l’Etat dans cette intervention d’un quart d’heure durant laquelle il donne le mode d’emploi du Conseil national de la refondation (CNR), installé début septembre mais véritablement lancé ce 3 octobre autour des deux thèmes de la santé et de l’éducation, présentées comme prioritaires. Le ministre de la Santé François Braun a ainsi lancé une première session de discussions sur les solutions à apporter à la crise du système de santé hexagonal.
«Je serai à vos côtés pour le faire, envers et contre tous les blocages», ajoute Emmanuel Macron dans la vidéo, portant un col roulé sous sa veste comme l’a fait récemment le ministre de l’Economie Bruno Le Maire pour «faire preuve de sobriété». Invitant les citoyens à «trouver de manière intelligente, tous ensemble, les bonnes solutions, loin des postures, des conservatismes, loin des débats qui sont parfois caricaturaux», le président appelle donc les Français à se connecter à la plateforme conseil-refondation.fr pour «apporter leurs idées» sur «l’écologie, l’école, la santé, la démographie, le travail».
Les oppositions critiquent à l’unisson l’utilité et la légitimité du CNR
Ces annonces ont été fraîchement accueillies par les oppositions : à gauche, Jean-Luc Mélenchon a estimé que «Macron bavarde» en employant «un jargon hors-sol et abscons», dissimulant mal le fait que «le problème c’est lui». «On n’attend rien de Macron, mais il arrive quand même à nous décevoir», a déploré Mathilde Panot, présidente du groupe de la France insoumise à l’Assemblée nationale, les deux responsables appelant à participer la marche contre la vie chère et l’inaction climatique programmée par le mouvement le 16 octobre.
#Macron bavarde. Un jargon hors-sol et abscons. Le problème c'est lui. Le 16 octobre on marche pour le retour aux réalités de la vie chère, des retraites, de l'inaction climatique, de la faim, du froid.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) October 3, 2022
«Est-ce qu’il organise un nouveau “Grand Débat” qui ne servira à rien alors qu’il avait déjà organisé un “Grand Débat” qui n’avait servi à rien..?», a ironisé Louis Boyard, député insoumis du Val-de-Marne, en référence aux faibles retombées concrètes du grand débat organisé en 2019 par la majorité en réaction au mouvement des Gilets jaunes.
Est-ce qu’il organise un nouveau #GrandDébat qui ne servira à rien alors qu’il avait déjà organisé un #GrandDébat qui n’avait servi à rien..? https://t.co/CVIZ5P5h3c
— Louis Boyard (@LouisBoyard) October 3, 2022
De l’autre côté de l’échiquier politique, Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée, a elle aussi dressé ce parallèle avec les précédentes concertations lancées par le président : «Des cahiers de doléances des gilets jaunes à la convention [citoyenne pour le] climat, Emmanuel Macron n’a jamais tenu compte des aspirations des Français», a-t-elle dénoncé, jugeant le CNR illégitime et exprimant sa préférence pour un «référendum d’initiative citoyenne» permettant de consulter les Français.
Candidat à la présidence du RN, Jordan Bardella s’en est lui pris au style présidentiel, critiquant Emmanuel Macron pour «une allocution creuse et verbeuse dont il a le secret ». Il s’est de plus interrogé sur l’objectif de cette grande concertation : «Doit-on comprendre que le président de la République n’a strictement aucune idée sur où il mène la France ?», a-t-il questionné.
Dans une allocution creuse et verbeuse dont il a le secret, Emmanuel Macron nous propose de bâtir des « stratégies nationales » sur les « grands sujets ».
Doit-on comprendre que le président de la République n’a strictement aucune idée sur où il mène la France ? 😳
— Jordan Bardella (@J_Bardella) October 3, 2022
Ayant récemment appelé à une large union des droites sur le modèle italien, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan a jugé que les annonces du président en col roulé relevaient de la «mascarade», en mettant l’accent sur le domaine de la santé. Il a ainsi vilipendé l’objectif affiché par le chef de l’Etat de «redonner le pouvoir aux soignants», décrédibilisé selon lui «après avoir supprimé des milliers de lits, ruiné l’hôpital public et suspendu les soignants non vaccinés».
Macron en col roulé veut réformer l’école et la santé et « redonner le pouvoir aux soignants ». Après avoir supprimé des milliers de lits, ruiné l’hôpital public et suspendu les soignants non vaccinés. Quelle mascarade !
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) October 3, 2022
Sur un ton plus humoristique, le porte-parole de Reconquête! Gilbert Collard a moqué la tenue du président, qui vient s’ajouter à la collection de cols roulés et de polaires arborés par les membres du gouvernement récemment. «Ce n’est plus un gouvernement, c’est un défilé d’esquimaux !», a-t-il lancé.
Macron se met à la mode du col roulé : ce n'est plus un gouvernement c'est un défilé d'esquimaux ! pic.twitter.com/4ZUe80AUdV
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) October 3, 2022
Le CNR avait déjà été vivement critiqué par les oppositions lors de son lancement le 8 septembre à Marcoussis (Essonne), y compris jusque dans les rangs de la droite et la gauche modérées. Le président du Sénat Gérard Larcher y avait vu un possible concurrent du Parlement, tandis que l’ex-président François Hollande avait douté de la nécessité d’un «nouveau “machin”», en reprenant à son compte une formule du général de Gaulle à propos de l’ONU.
Dussopt annonce que Macron dissoudra l’Assemblée en cas de motion de censure sur les retraites