Chroniques

Ils ont défié les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite : qui sont les Houthis du Yémen ?

En 20 ans d’existence, leur mouvement s’est habitué à des luttes incessantes pour sa foi chiite et son pays. Après avoir défié les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite, les Houthis du Yémen promettent de «se venger».

Cet article a été initialement publié RT International par Abbas Juma, journaliste international, commentateur politique, spécialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique.

«À mon grand regret, les Yéménites ne peuvent pas régler la situation eux-mêmes. Mais les principaux acteurs de la région et la communauté internationale peuvent aider parce que la solution est entre leurs mains. Par conséquent, nous leur demandons d’aider notre pays et notre peuple à mettre fin à la guerre, à faire asseoir les parties belligérantes à la table des négociations, à commencer à chercher une solution qui réponde aux intérêts de toutes les forces, yéménites, régionales et mondiales. La sécurité et la stabilité du Yémen font partie intégrante de la sécurité et de la stabilité de la région et du monde.»

Ali Nasir Muhammad, ancien président du Yémen du Sud (1980-86), lors d’une conférence du Club Valdaï, février 2018.

 

La plupart des gens ne sont conscients que des problèmes mondiaux qui font l’actualité. Si les médias ne traitent pas une question, nous avons l’impression que le problème n’existe pas. Pour cette raison, contrairement aux événements en Syrie, en Irak ou en Afghanistan, la crise au Yémen est longtemps restée un sujet vague et lointain pour la plupart des gens du monde entier.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian et son homologue indien, Subrahmanyam Jaishankar, s'adressent à la presse après leur rencontre à Téhéran, le 15 janvier 2024.

L’Iran exhorte le Royaume-Uni et les États-Unis à cesser leurs attaques sur le Yémen

Mais ces derniers jours, lorsque les Yéménites se sont tournés contre les États-Unis et leurs alliés, tout a soudainement changé. Le mouvement houthi était le seul groupe de la région à oser dire la vérité sur les événements en Palestine et à défendre les Palestiniens. D’un seul coup, tout le monde s’est mis à parler d’eux. Le 12 janvier, les États-Unis et le Royaume-Uni ont attaqué les Houthis au Yémen. L’attaque était une réponse au blocus imposé par les Houthis aux navires israéliens (ainsi qu’aux navires à destination et en provenance d’Israël) en mer Rouge.

Des millions de personnes à travers le monde soutiennent les Houthis, officiellement connus sous le nom de mouvement «Ansar Allah». Il est temps d’en apprendre davantage sur ce mouvement et de mieux comprendre ce qui se passe au Yémen.

Une guerre sans fin

Il est assez difficile de surprendre le peuple yéménite par des bombardements. Pendant de nombreuses années, une guerre sanglante entre les autorités et les insurgés houthis a fait rage dans la région. La situation s’est aggravée en 2015 lorsqu’une coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite est intervenue dans le conflit. Selon le Centre yéménite pour les droits de l’homme et le développement, plus de 10 000 civils ont été tués dans le pays en trois ans de combats. Parmi les victimes figurent près de 2 000 femmes et 2 500 enfants.

En novembre 2017, l’Arabie saoudite et ses alliés ont décidé de fermer tous les ports terrestres, maritimes et aériens yéménites. En conséquence, le pays dévasté a été soumis à un blocus total, ce qui a entraîné une catastrophe humanitaire. En plus de ceux qui ont péri sur le champ de bataille, des milliers sont morts de faim et du choléra. Lorsque les principaux ports du pays et le pont aérien vers Marib ont finalement été débloqués et que les Yéménites ont pu recevoir l’aide humanitaire, cela n’a pas complètement résolu le problème. À ce jour, plus de 70% de la population a encore besoin d’aide humanitaire.

L’apparition des Houthis

Le Yémen a plongé dans le chaos après l’unification du Yémen du Sud et du Yémen du Nord en 1990. Le conflit actuel a débuté par un litige entre les sunnites et les chiites en 2004. À Saada, une ville du nord-ouest du Yémen, les chiites se sont prononcés contre les autorités sunnites, qui, selon eux, les opprimaient pour des raisons religieuses et étaient corrompues. La minorité religieuse a déclaré qu’elle voulait l’indépendance, et bientôt un soulèvement armé a éclaté.

La rébellion était dirigée par le leader chiite, Imam Hussein Badreddin al-Houthi, tué fin 2004. C’est pourquoi les combattants du mouvement sont maintenant appelés «Houthis». Cependant, le mouvement s’appelle officiellement «Ansar Allah» («Partisans de Dieu»). Après la mort de Hussein, son frère Abdul-Malik al-Houthi a pris sa place et les combats se sont poursuivis. Les autorités yéménites ont qualifié les Houthis de «cinquième colonne pro-iranienne». En réponse, le mouvement a accusé l’establishment politique yéménite de trahison et de servir les intérêts du mouvement religieux wahhabite d’Arabie saoudite. Cependant, en 2010, les parties ont réussi à parvenir à un accord et la trêve tant attendue a été établie. Mais cela n’a pas duré longtemps.

En 2010-2011, une série de soulèvements révolutionnaires appelés les printemps arabes s’est répandue dans tout le Moyen-Orient, y compris au Yémen. Des milliers d’habitants en colère sont descendus dans la rue pour exiger la démission du président Ali Abdullah Saleh qui dirigeait le pays depuis 33 ans. Pendant une longue période, le président a résisté et a même survécu à une tentative d’assassinat, mais il a finalement été forcé de démissionner. En novembre 2011, alors qu’il était en Arabie saoudite, Saleh a renoncé à ses fonctions. En février 2012, le pro-saoudien Abdrabbuh Mansur Hadi a été élu président. Les affirmations des Houthis selon lesquelles l’Arabie saoudite s’est ingérée dans les affaires intérieures du Yémen ne sont d’ailleurs pas sans fondement.

Après les révoltes arabes, la guerre commence

La démission de Saleh et l’arrivée au pouvoir d’un nouveau dirigeant n’ont certainement pas résolu les problèmes du pays. Au contraire, les terroristes sont devenus encore plus puissants et la corruption s’est intensifiée, tandis que le nombre de pauvres et de chômeurs augmentait.

Au milieu de la haine et des troubles civils, les Houthis ont repris les armes, et cette fois se sont battus non seulement contre les autorités mais aussi contre les militants d’Al-Qaïda, le parti Al-Islah (la version locale des «Frères musulmans») et d’autres radicaux. Le président nouvellement élu, qui ne voulait pas établir de dialogue avec les Houthis, n’a fait que jeter de l’huile sur le feu.

En conséquence, à l’été 2014, les combattants d’Ansar Allah ont pris le contrôle des provinces septentrionales d’Amran et de Saada et les ont débarrassées des terroristes. Quand les Houthis ont atteint la capitale Sanaa, Hadi a été contraint de se réfugier à Aden. Lorsqu’Aden a également été prise par les chiites, le président yéménite s’est enfui en Arabie saoudite.

En fait, le président renversé s’était initialement rangé du côté des Houthis. Malgré de nombreuses tentatives par leurs ennemis de rompre leur alliance, la coopération entre Saleh et les Houthis semblait assez forte – du moins à l’époque.

L’Arabie Saoudite entre dans le jeu

Les victoires des Houthis sur le champ de bataille n’ont pas seulement chassé Hadi du pays. Elles ont également provoqué une vive réaction en Arabie saoudite. En mars 2015, le Royaume saoudien a annoncé le début d’une opération militaire internationale contre l’organisation Ansar Allah qu’il déclarait maintenant organisation terroriste. Unie par l’idée de rejet du chiisme, une coalition arabe a été formée qui comprenait le Qatar, les Émirats arabes unis, la Jordanie, Bahreïn, le Koweït, le Soudan du Nord, l’Égypte et le Pakistan.

Plus tard, les représentants du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) ont accusé Riyad de la crise humanitaire au Yémen.

«L’Arabie saoudite devrait financer 100% [des besoins] causés par la crise humanitaire au Yémen», a déclaré le directeur exécutif du PAM, David Beasley. «Soit arrêter la guerre, soit financer la crise. La troisième option est de faire les deux.»

La fin de l’alliance Saleh-Houthis

«Cela aussi passera» – on pense que ces mots ont été gravés sur l’anneau du roi Salomon. Une fois de plus, l’adage s’est avéré vrai. Saleh et les Houthis qui avaient autrefois combattu côte à côte contre l’intervention étrangère et les autorités, sont finalement devenus des ennemis acharnés. Cependant, ce n’était guère surprenant. L’ancien président était impatient de reprendre le pouvoir et traitait les Houthis uniquement comme des alliés d’occasion.

En novembre 2017, le mouvement Ansar Allah a tenté d’arrêter Saleh et sa famille. À l’époque, les deux parties sont parvenues à trouver un accord. Mais ensuite, un conflit armé a éclaté entre eux. Saleh a qualifié les Houthis de «rebelles» et les a accusés d’inciter à une guerre civile. Il a également appelé l’Arabie saoudite à lever le blocus et à entamer le dialogue.

Les combats ont coûté la vie à des centaines de personnes des deux côtés. Saleh lui-même a été tué.

Les Yéménites ne sont pas étrangers à la guerre et aux bombardements. Ils ont résisté à la pression des pays voisins et, avec l’aide de l’Iran, sont devenus plus forts sur le plan militaire. Malgré ses armes modernes et ses efforts considérables, la coalition anti-Houthis n’a pas été en mesure de vaincre Ansar Allah. Le groupe a même réussi à organiser des unités de défense antimissile, à attaquer une zone près de l’aéroport international de Riyad et à frapper des bases militaires saoudiennes.

Et maintenant, les Houthis du Yémen défient les États-Unis et Israël.

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