Les méthodes de l'infectiologue ont été durement mises en cause par un rapport et font l'objet d'une information judiciaire ouverte par le parquet de Marseille. Contestant les reproches qui lui sont faits, le professeur reste néanmoins confiant.
Le professeur Didier Raoult est sur le grill, mais reste combatif. Outre la publication le 5 septembre d’un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de son homologue pour l’enseignement supérieur et la recherche (IGESR) étrillant sa gestion de l’IHU de Marseille, le parquet de la cité phocéenne a confirmé ce 6 septembre avoir ouvert, depuis le 4 juillet, une information judiciaire concernant aussi la période durant laquelle il était aux commandes de l’établissement, suite aux signalements de l’Agence nationale du médicament (ANSM) effectués en avril.
L’infectiologue, qui a quitté la tête de l’IHU Méditerranée fin août, est mis en cause sur toute une série de points par le rapport conjoint IGAS-IGESR : selon le communiqué commun des ministres de la Santé et de la Recherche, le document «met en lumière des dysfonctionnements graves», à la fois sur le plan médical et scientifique, mais aussi sur le volet managérial et financier. «Certaines pratiques médicales et scientifiques […] ne respectant pas la réglementation en vigueur et pouvant générer un risque sanitaire pour les patients» sont ainsi pointées, ainsi que des «dérives dans les pratiques de management pouvant générer harcèlement et mal-être au travail», sans oublier des «dérives dans la gouvernance» de l’IHU. Une dégradation progressive de la situation financière de l’établissement est aussi mentionnée.
Les inspecteurs relèvent notamment que des patients soignés à l’IHU pour le Covid-19 ou la tuberculose se voyaient administrer des «molécules en dehors de leur autorisation de mise sur le marché», avec des prescriptions comprenant par exemple un traitement à base d’hydroxychloroquine, interdit depuis mai 2020 mais dont l’efficacité a été défendue contre vents et marées par Didier Raoult.
S’agissant des recherches cliniques, le rapport dénonce «des manquements graves […] jusqu’à une période très récente (fin 2021-début 2022)». Plusieurs études auraient ainsi été conduites sans respecter les dispositions du code de la santé publique applicables aux recherches impliquant la personne humaine. Après lecture du rapport, les deux ministres ont annoncé qu’ils convoqueraient prochainement les dirigeants des établissements fondateurs et le directeur de l’IHU – désormais le professeur Pierre-Edouard Fournier – afin de mettre en œuvre «un plan d’actions volontariste», avec l’objectif que l’IHU «redevienne un lieu d’excellence scientifique et médicale».
L’infectiologue se dit confiant pour l’avenir
Face à ces multiples reproches, Didier Raoult s’est dit «très serein» sur Cnews, y voyant «un épisode de plus» dans le harcèlement dont il estime être victime. «Nous avons eu sept inspecteurs pendant six mois, qui ont essayé […] de confirmer […] une injonction des deux ministres de prouver que nous faisions des essais illégaux sur la tuberculose et que nous harcelions les gens», deux éléments qui ont «disparu» du dossier selon lui, remplacés par des reproches sur le non-respect de règles administratives.
«J’ai fait ce que je pensais devoir faire», a-t-il poursuivi. «Si les instituts qui ont traité le plus de gens, qui ont le plus contribué à la connaissance […] font l’objet d’une volonté de destruction […] l’histoire passe et […] dira ce qu’elle voudra», a-t-il lancé.
L’infectiologue a développé des arguments similaires dans un tweet, regrettant «que la mission IGAS/IGAENR ne tienne pas compte de la réponse détaillée» qu’il a apportée. Dans cette argumentation de plus de 80 pages, il conteste la méthodologie retenue par les inspecteurs et met en cause une enquête menée «à charge», sur la base d’entretiens anonymisés, tout en réfutant point par point les reproches qui lui sont adressés. Il y déplore «une absence de distance de la mission qui s’apparente ainsi plus à une mission commando qu’à une inspection au service de l’Etat français».
«Il y a en tout cas un point sur lequel je suis d’accord avec le rapport», a-t-il ironisé dans un autre message : les inspecteurs ont en effet salué «les capacités de réactivité et d’action de l’IHU» pendant la période Covid. Avec un million de tests réalisés, le pôle maladies infectieuses et tropicales a apporté «une contribution importante» dans le cadre de la pandémie, écrivent-ils.
Il y a en tout cas un point sur lequel je suis d'accord avec le rapport de l'IGAS-IGAENR !https://t.co/E2nVdwP21Ipic.twitter.com/gmuepApfqS
— Didier Raoult (@raoult_didier) September 6, 2022
L’information judiciaire initiée par le parquet de Marseille le 4 juillet fait quant à elle suite à des signalements de l’ANSM reçus en octobre 2021 et mai 2022. Elle a été ouverte pour «faux en écriture», «usage de faux en écriture» et «recherche interventionnelle impliquant une personne humaine non justifiée par sa prise en charge habituelle sans obtention de l’avis du comité de protection des personnes et de l’autorisation de l’ANSM». L’Agence du médicament avait relevé «de graves manquements à la réglementation des recherches impliquant la personne humaine», lors d’essais cliniques irréguliers.
En avril, Didier Raoult avait réagi au rapport de l’ANSM en se disant satisfait de voir certaines allégations de l’Assistance publique- Hôpitaux de Marseille et de Mediapart battues en brèche. Selon l’infectiologue, les reproches formulés par l’ANSM sur d’autres études ne paraissaient «pas justifier une remise en cause du projet IHU dans son ensemble».
Didier Raoult défend le projet de l’IHU de Marseille après les conclusions d’une enquête de l’ANSM