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Jeux asiatiques d’hiver 2029 : Qu’est-ce que Neom, le projet pharaonique et controversé de MBS ?

L'Arabie saoudite recevra les Jeux asiatiques d'hiver de 2029 à Neom. Une ambition du prince héritier Mohamed Ben Salmane qui entend faire de ce projet de mégalopole la vitrine d'un nouveau monde. Et pour ce faire, il ne lésine pas sur les moyens.

Décidément l’Arabie saoudite ne veut rien faire comme tout le monde : le pays organisera les Jeux asiatiques d’hiver en 2029 dans la province de Tabuk (nord-ouest), vaste étendue désertique où doit sortir de terre Neom, une mégalopole aux accents très futuristes. 

Malgré les doutes quant à la bonne tenue d’une compétition hivernale en plein désert saoudien, le directeur de Neom, Nadhmi al-Nasr, a affirmé que Trojena, la partie montagneuse de la région, serait dotée «des infrastructures adéquates pour créer une atmosphère hivernale au cœur du désert, et de faire de ces Jeux d’hiver un événement mondial sans précédent».

En juillet dernier, une vidéo mise en ligne par le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS) montre le projet mégalomane du centre-ville. Grâce aux images de synthèse, on peut voir s’étendre The Line (le centre-ville) sur 170 kilomètres tout en abritant deux gratte-ciels massifs recouverts de miroirs. Deux immenses bâtiments effilés de 500 mètres de haut, placées parallèlement, formeront ainsi le centre de la ville, un projet estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars.

Pour le financer, MBS a annoncé en juillet dernier la création du Neom Investment Fund, un fonds d’investissement de 80 milliards de dollars. Il a par ailleurs précisé que la société en charge de la gestion et du développement de Neom sera introduite à la Bourse de Ryad en 2024. De quoi attirer les investisseurs locaux et internationaux.

Un projet de 500 milliards de dollars

MBS a depuis longtemps entretenu cette ambition. Ce projet a été évoqué pour la première fois en 2017, et celui-ci en a fait rapidement son leitmotiv, l’intégrant à sa politique «vision 2030». En effet, le prince héritier cherche à diversifier l’économie saoudienne, à attirer des investisseurs étrangers, à prendre le contrepied de la vieille garde, et à marcher sur les plates-bandes de ses voisins émiratis et qataris qui veulent aussi le concurrencer. Pour MBS, Neom doit devenir la vitrine d’une Arabie saoudite 2.0. 

Le nom même de Neom renvoie à cette notion de modernité. Il associe aussi bien la nouveauté occidentale par le préfixe neo et orientale avec la dernière lettre m pour moustaqbal ou «avenir» en arabe. Après la ville du roi Abdallah, modestement nommée King Abdullah Economic City, sur le pourtour saoudien de la mer rouge, MBS veut également sa ville, bâtie à son image : le dirigeant trentenaire féru de nouvelles technologies (celui-ci aurait un penchant excessif notamment pour les jeux vidéos).

Neom comprend trois parties : The Line le centre-ville, Oxagon la zone portuaire ultra-moderne en partie flottante, et Trojena la province montagneuse qui recevra les Jeux asiatiques d’hiver en 2029. Neom The Line pourra accueillir pas moins de neuf millions d’habitants d’ici 2045 et «n’aura ni voitures, ni route et émettra zéro émission de carbone» grâce à un réseau de transports en commun souterrain, annonçait MBS lors du lancement du projet le 10 janvier 2021. 

Sur le site internet de Neom, l’ambition est d’en faire «le projet le plus ambitieux du monde sur 10 000 milles [soit 25 900 kilomètres carrés]» que «ni le temps, ni l’histoire ne limitent». MBS précise aussi que Neom «compterait plus de robots que d’habitants». En outre, la ville pourrait être dotée d’une lune artificielle, de plages phosphorescentes, de taxis volants, ainsi que de majordomes robotisés. Le coût de la mégapole avoisine les 500 milliards de dollars.

Un projet controversé 

Ce projet dans le Golfe d’Aqaba fait également partie intégrante de la volonté saoudienne d’aménager le littoral. Le programme touristique Amaala (dérivé du mot arabe amal qui signifie espoir) est prévu sur un périmètre de 4155 kilomètres carrés, sur la côte allant d’al-Wejh à Neom. En effet, trois complexes touristiques sont en construction avec plus de 25 hôtels de luxe. Le site est basé sur une réserve naturelle. Si ce pari est une réussite, l’Arabie saoudite entend devenir un nouveau pôle mondial du tourisme balnéaire, à l’instar de l’Egypte voisine. A ce titre, MBS souhaite relier Neom au Sinaï égyptien par un pont qui devrait franchir le détroit de Tiran. Ce projet pharaonique avoisine les trois milliards de dollars.  

Au-delà des doutes sur la faisabilité architecturale d’un tel projet et les conséquences environnementales, Neom ne fait pas totalement consensus au sein de la société saoudienne. Près de 20 000 membres de la tribu Howeitat résidant dans la province depuis plusieurs siècles ont été déplacés de force par les autorités. D’ailleurs, des ONG ont alerté sur le manque de respect des droits de l’homme par Riyad.

Dans une lettre ouverte rendue publique en juin 2020, plusieurs organisations humanitaires ont appelé les entreprises travaillant pour Neom à publier «une déclaration publique condamnant explicitement les violations commises». De surcroît, les ONG accusent l’Arabie saoudite de vouloir détourner l’attention de l’autoritarisme du royaume, de la censure et de l’emprisonnement des opposants, et surtout de la guerre au Yémen par une campagne de promotion à coup de millions de dollars.

Malgré ce problème, MBS cherche véritablement à changer l’image du royaume, trop souvent perçu comme étant isolé, méconnu et rétrograde sur les questions religieuses. Depuis seulement septembre 2019, l’Arabie saoudite a inauguré son visa touristique, auparavant il était impossible de visiter le pays sans l’invitation d’un local et l’autorisation spéciale des autorités. 

Ainsi par ce projet grandiose, MBS veut casser les codes, quitte à donner un coup de pied dans la fourmilière de la vieille garde saoudienne, en qualifiant son fantasme post-moderne de Neom de «révolution civilisationnelle».




Des ONG et des députés dénoncent la visite «choquante» du prince saoudien Mohammed ben Salmane


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