Le représentant adjoint de la Fédération de Russie auprès de l'ONU s'est fermement opposé le 8 février au projet de Washington de livrer des missiles antichars Javelin à Pristina. Une décision qui interviendrait alors que de vives tensions subsistent entre Serbes et Albanais dans la province du Kosovo.
«Les Etats-Unis, un des fondateurs de l’ONU et membre permanent de son Conseil de sécurité, en sont arrivés à déclarer publiquement leur intention de violer une de ses résolutions», s’est indigné le 8 février le représentant adjoint de la Fédération de Russie auprès de l’ONU, Dmitri Poliansky, lors d’une réunion du Conseil de sécurité. «Washington et ses satellites continuent ainsi à soutenir activement la ligne agressive des Albanais du Kosovo contre les Serbes».
Le diplomate faisait référence au projet de vendre 246 missiles antichar Javelin et 24 lanceurs, annoncé le 11 janvier sur le site de la Defense Security Cooperation Agency (la DSCA), l’agence du Pentagone chargée des exportations d’équipements militaires américains).
Selon le communiqué de l’Agence, cette opération, d’un montant de 75 millions de dollars, «améliorera la capacité de défense du Kosovo pour la défense de sa souveraineté» et servira à «soutenir les objectifs de politique extérieure de sécurité des Etats-Unis en améliorant la sécurité de leur partenaire européen». Il y est précisé que cette possible vente «n’altérerait pas l’équilibre militaire principal dans la région».
Selon la diplomatie russe, cette vente, si elle était effective, violerait la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU. Votée le 10 juin 1999 au lendemain du cessez-le-feu accepté par Belgrade qui mettait fin à la guerre du Kosovo, ce texte prévoyait les modalités de la mission de maintien de la paix appelée Joint Guardian. Elle réclamait en outre le désarmement de l’Armée de libération du Kosovo (UCK). Le diplomate russe a en outre dénoncé les conditions de vie «insupportables» des Serbes du Kosovo.
Une «étape temporaire vers un rattachement à l’Albanie», estime Poliansky
Selon Poliansky, il pèserait une «menace directe sur la survie physique» des Serbes du Kosovo, les autorités kosovares faisant régner une «véritable terreur antiserbe». Et le diplomate d’évoquer une «atmosphère de haine qui atteint un sommet critique», cette dernière s’illustrant dans «une rhétorique agressive, des actions d’intimidation impliquant les autorités de Pristina, des attaques régulières contre les Serbes et leurs biens et un vandalisme systématique contre les lieux de culte orthodoxes»
Le représentant russe s’est inquiété des déclarations des Albanais du Kosovo affirmant que le Kosovo actuel ne serait qu’une «étape temporaire vers un rattachement à l’Albanie», rappelant qu’étaient prévu un réarmement des policiers du Kosovo et l’introduction d’ici 2028 d’un service militaire obligatoire dans la province. Des mesures qui «constitueront également une violation de la résolution 1244», a précisé le diplomate. Ce dernier a estimé que la seule voie vers une paix «durable et mutuellement acceptable» dans la région ne pouvait être trouvée que sur les bases de cette même résolution.
Pour rappel, le Kosovo, province historiquement serbe, compte désormais 120 000 Serbes sur une population totale de 1,8 million de personnes, cette minorité étant majoritaire dans le nord. La province a déclaré unilatéralement son indépendance en 2008, reconnue par les Etats-Unis et la plupart des pays occidentaux, mais pas par la Serbie, la Russie, la Chine, l’Inde ou encore l’Espagne.
Les tensions entre la Serbie et les autorités autoproclamées du Kosovo ont connu un vif regain en 2023, lorsqu’en mai Pristina avait organisé des élections anticipées dans des localités majoritairement peuplées de Serbes, puis en septembre, quand un groupe d’hommes armés serbes a tué un policier kosovar avant que les forces de l’ordre de Pristina ne tuent trois membres du groupe à l’issue du siège d’un monastère orthodoxe dans lequel ils s’étaient réfugiés.
Le nord du Kosovo est «de fait sous blocus», dénonce la Russie à l’ONU