La nomination d'Hélène Davo, ex-conseillère justice d'Emmanuel Macron, comme première présidente de la cour d'appel de Bastia (Haute-Corse) suscite des critiques dans le monde judiciaire où d'autres candidats plus expérimentés ont été écartés.
Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a annoncé le 9 juin avoir choisi la magistrate Hélène Davo, ex-conseillère justice d’Emmanuel Macron, pour diriger la cour d’appel de Bastia. Cette nomination doit être officialisée par un décret du président de la République, étape purement formelle.
Juge d’instance à Coulommiers (Seine-et-Marne) entre 1997 et 2000, puis juge d’instruction à Paris entre 2003 et 2005, Hélène Davo a effectué l’essentiel de sa carrière hors des tribunaux.
Elle a notamment été magistrate de liaison en Espagne entre 2012 et 2017, puis directrice adjointe de cabinet de Nicole Belloubet entre 2017 et 2019, avant de devenir conseillère justice d’Emmanuel Macron jusqu’en avril.
Hélène Davo a «très peu d’expérience en juridiction, moins de cinq ans sur toute sa carrière», et n’a jamais présidé un tribunal, a souligné auprès de l’AFP Céline Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).
Par ailleurs, «elle a des liens très directs avec l’exécutif», ce qui jette un doute sur son indépendance, a-t-elle ajouté.
Une nomination politique ?
Treize autres magistrats étaient candidats, dont une première présidente de cour d’appel et six présidents de tribunaux judiciaires, selon la circulaire du CSM datée du 1er juin, annonçant le projet de nommer Hélène Davo.
Selon ce document, consulté par l’AFP, tous étaient classés «hors hiérarchie» – le grade le plus élevé dans la magistrature – depuis 2008 pour le candidat le plus chevronné, et depuis 2020 pour les trois avec le moins d’ancienneté, dont Hélène Davo.
La magistrate avait obtenu ce grade le 17 août 2020, en étant nommée inspectrice générale de la justice en poste «support», c’est-à-dire sans l’occuper réellement.
Selon la circulaire du CSM, son cas n’est pas exceptionnel : sur les dix chefs de juridiction choisis, quatre autres étaient en dernière ou en avant-dernière position en terme d’ancienneté.
Pour Céline Parisot, compte tenu des postes stratégiques occupés par Hélène Davo, c’est bien une décision à «caractère politique», qui «interroge» d’autant plus qu’elle n’émane pas de la Chancellerie (qui choisit les procureurs et procureurs généraux) mais du CSM, organe garant de l’indépendance de la justice mais «constitué majoritairement de non magistrats».
[Le CSM] n’a pas à justifier ses décisions. On ne rend pas compte publiquement de pourquoi tel ou tel candidat est proposé
Bastia est «une petite cour d’appel mais importante par sa sensibilité politique. Tout le monde continuera de voir en elle la conseillère du président», pointe une source judiciaire.
«[Le CSM] n’a pas à justifier ses décisions. On ne rend pas compte publiquement de pourquoi tel ou tel candidat est proposé», a estimé le 14 juin sa co-présidente Chantal Arens, lors d’une conférence de presse. «Sinon je trahirais mon serment fait il y a 42 ans. Le secret du délibéré est une règle sacrée», a expliqué celle qui est également première présidente de la Cour de cassation.
«Certaines nominations, il y a unanimité, certaines nominations, il y a une majorité, il y a un débat fécond au sein du conseil», a conclu Chantal Arens, qui prendra sa retraite le 30 juin et sera remplacée par Christophe Soulard.
Selon Le Figaro, Chantal Arens aurait fait part de ses réserves lors des débats mais «a été totalement mise en minorité pendant le vote».
«Le garde des Sceaux n’intervient à aucun moment dans le processus de nomination»
«Nous nous sommes posé des questions», a reconnu lors de la conférence de presse Sandrine Clavel, membre non magistrate du CSM, expliquant que les candidatures de sortants des cabinets ministériels étaient examinées de façon «pragmatique», «au cas par cas».
«Le garde des Sceaux n’intervient à aucun moment dans le processus de nomination», a indiqué la Chancellerie à l’AFP, sans autre commentaire.
Cette nomination pose de façon plus générale la question des «allers et retours entre l’exécutif et l’autorité judiciaire», a estimé le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche), interrogé par l’AFP.
«Bien sûr, il faut des magistrats pour conseiller les ministres, mais les récompenser en leur donnant des postes de chefs après quelques années de bons et loyaux services n’est-il pas une façon de s’assurer de leur fidélité par la suite ? Nous pensons que le risque est fort et nous le dénonçons», a ajouté la présidente du SM Kim Reuflet.
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