Le docteur spécialiste en santé publique Ariel Beresniak analyse l'introduction par les gouvernements d'un nouveau privilège dans la société : celui du pass sanitaire. Une manière de diviser pour mieux régner ?
Par nature, l’homme apprécie de se sentir privilégié. Dans la France de l’Ancien régime, une certaine stabilité sociale était maintenue par l’octroi de privilèges à des groupes de populations qui organisaient ainsi leur existence en fonction de ces droits. L’abolition des privilèges à la Révolution française est probablement l’acte qui a le mieux scellé la fin de l’incarnation du droit discrétionnaire par le monarque.
Il n’en reste pas moins que le goût pour les faveurs est resté, aussi bien du point de vue des favorisés qui apprécient leur grâce, que du point de vue des autorités qui entretiennent leur pouvoir de distribuer des passe-droits.
Ariel Beresniak est docteur en médecine spécialiste en santé publique, docteur en sciences économiques, titulaire d’une habilitation à diriger des recherches, professeur invité à l’Université russe d’économie Plekhanov.
Il est l’auteur d’Economie de la Santé (Elsevier-Masson), Dictionnaire commenté d’économie de la santé (Masson), Comprendre la pharmacoéconomie (John Libbey), Dictionnaire raisonné des termes des entreprises du médicament (Flammarion Médecine Sciences).
L’émission de pass sanitaires pendant la pandémie de coronavirus en est un parfait exemple. Complètement dépassé par les événements et aveuglé par les projections délirantes des prédicateurs en blouse blanche de l’Institut Pasteur et de l’Imperial College de Londres, le gouvernement a en premier lieu choisi d’instaurer une peur généralisée dans le but de sidérer la population et d’amenuiser sa capacité de réaction à ce qui aurait été totalement inacceptable auparavant : assignation à résidence, couvre-feu et interdictions multiples. Puis les nouveaux vaccins anti-coronavirus développés en quelques mois ont été présentés comme LA solution avec son corolaire, le «pass sanitaire», instituant le retour des privilèges pour tous ceux qui ont accepté de se faire vacciner : accès aux bars, restaurants, lieux de loisirs, installations sportives, hôpitaux, transports, etc. La liberté des non-vaccinés s’est en revanche réduite progressivement comme peau de chagrin, le président de la République n’hésitant pas à les traiter de sous-citoyens irresponsables à «emmerder».
Cette communication clientéliste en période électorale n’a échappé à personne puisqu’elle était destinée à conforter la majorité des votants habilités à brandir leur hochet sanitaire.
Cette nouvelle distinction n’a pas la forme d’une carte ou d’un badge au bout d’un ruban. Elle a pris la forme d’une allégorie mystérieuse baptisée QR code. Celui-ci a été popularisé et généralisé de façon synchronisée dans toute l’Europe par une nébuleuse de mercenaires consultants privés toujours à l’affut de nouvelles missions gouvernementales pour jouer les éminences grises.
Il faut dire que ce nouveau système de laissez-passer électronique a beaucoup d’avantages par rapport à la distribution de simples papiers ou cartes plastiques : installé dans un simple smartphone, le QR code peut être lu par n’importe quel autre smartphone. L’évolution des règles de privilèges peut ainsi instantanément être prise en compte par de simples mises à jour grâce à la fée internet mobile.
Un nouveau ballet de présentation des téléphones et lecture de codes s’est ainsi installé du jour au lendemain à tous les niveaux de la vie sociale. Celui qui lit le code (le garçon de café , l’employé des transports publics ou la caissière de la piscine) se qualifie comme le contrôleur qui autorise l’accès ou non au service revendiqué. La grande majorité de la population accaparée par le maintien de la validité de son pass pour la préservation de ses besoins élémentaires a oublié de se poser la question de la légitimité d’un tel système. Seule une minorité s’est posé la question du bien-fondé de ce pass sanitaire qui autorise allègrement la circulation des sujets vaccinés contaminants pour bloquer des sujets non contaminants non vaccinés. La liste des mauvaises décisions durant la gestion de la pandémie de coronavirus est longue et fera probablement l’objet de nombreuses analyses dans les livres d’histoire. Une seule aberration cependant aurait dû alerter immédiatement l’ensemble de la population : l’interdiction de vendre des livres pendant le confinement de la population. Le livre étant le symbole de la connaissance, interdire les livres revient à bannir la connaissance, ce qui aurait dû disqualifier immédiatement et définitivement ce gouvernement. Le fait que le chef d’Etat ait été réélu ne peut s’expliquer que par le goût de ses électeurs pour la servitude.
Etienne de la Boétie avait parfaitement décrit au XVIe siècle cette capacité humaine à accepter les contrôles dans son discours sur la servitude : les peuples acceptent volontairement le joug des puissants. Sinon comment concevoir qu’un petit nombre contraigne l’ensemble des autres citoyens à obéir aussi servilement ? Tout pouvoir ne peut dominer et exploiter durablement une société sans la collaboration, active ou résignée, d’une partie notable de ses membres. Il suffit alors que cette partie soit majoritaire pour s’assurer une élection ou réélection présidentielle.
La ficelle est grosse mais totalement assumée. Capitalisant sur la phobie vis-à-vis d’un agresseur venant de l’extérieur (le virus, la Russie, le changement climatique), les sujets sont prêts à tout accepter si on leur promet protection.
Il n’y a alors plus de limites pour ostraciser officiellement les récalcitrants qui sont qualifiés de traitres et complotistes dignes du bûcher. La stratégie «identification d’un agresseur extérieur-peur-solution unique-protection contre liberté» est si efficace que même les garants philosophiques de la devise républicaine «Liberté, Egalité, Fraternité» ont embrassé avec zèle cet antihumanisme. C’est ainsi que le Grand Orient de France, plus grande obédience maçonnique en France issue du Siècle des lumières, a prolongé volontairement l’obligation du pass sanitaire au cours du premier trimestre 2022 pour l’entrée de ses propres membres dans ses locaux parisiens, alors que les associations non sportives en étaient légalement dispensées…
L’acceptation de la population à plus de restrictions contre une promesse de lendemains qui chantent en occultant les surlendemains qui déchantent n’a plus de limites. Les thèmes ne manquent pas pour instaurer de nouveaux pass. Se protéger contre les effets du changement climatique justifie d’interdire l’accès des centres-villes aux automobiles ne disposant pas du sésame adéquat. Là aussi, la pollution n’est qu’un prétexte puisque celle-ci ne s’arrête pas aux portes des centres. Se protéger contre l’impérialisme russe justifie l’acceptation de la flambée des prix de l’énergie avec menaces coercitives pouvant prendre la forme d’un pass énergétique réclamé par beaucoup.
Le fait que les gouvernants tentent de se dédouaner en rappelant sans cesse qu’ils ont été démocratiquement élus et en montrant que leurs voisins font la même chose ne peut que confirmer qu’ils ont succombé à une pathologie contagieuse incurable : la cratophilie. Cette maladie narcissique, qui est une forme de jouissance perverse du pouvoir, peut être extrêmement grave car elle rend le sujet fou, stupide et totalement dépendant d’autres cratophiles plus puissants ou mieux placés que lui (Allemagne, Europe, OTAN, USA…).
Ces gouvernants passent leur temps à donner des leçons de valeurs à l’étranger alors qu’ils piétinent ces mêmes valeurs pour leur propre peuple. Ainsi, de nombreux chefs d’Etat actuels, issus de sociétés démocratiques et civilisées, s’assoient sur les constitutions considérées «has been» pour reproduire entre eux leurs représentations de «prêts à penser». Ils cultivent l’estime d’eux-mêmes avec l’engrais du mépris des autres, les hérétiques, les schismatiques, les apostats, les pollueurs, les non vaccinés.
Le chef d’Etat cratophile est convaincu qu’il siège sur les hauteurs d’où vient la lumière. Il bénéficie de la croyance selon laquelle plus le poste politique est élevé, plus on est considéré comme «brillant». Mais briller n’est pas rayonner par l’émission de sa propre lumière. Sans lumière extérieure, celui qui brille n’est plus qu’une ombre.
Quand la population est inquiète, nos gouvernants usent et abusent des techniques de manipulation en leur offrant en pâture un «bouc émissaire» : le dissident. Diviser les gens par un pass, leur donner l’idée qu’ils font partie des élus par leur QR code face à ceux qui sont rejetés permet de contrôler leurs esprits. Qu’importe si on attise en même temps une violence entre les communautés.
L’idée de notre République française de liberté, d’égalité et de fraternité n’est plus. Nous sommes acculés par le chef d’Etat et ses courtisans à vivre désormais dans un monde en noir et blanc. Apprendre à toujours vérifier, en développant sans cesse son esprit critique, c’est aller contre l’endoctrinement des intégristes des pass.
Diviser les médecins pour mieux régner