La géopolitique est entrée de plain-pied dans le monde du sport. Les athlètes, clubs et organisations sportives russes ont fait les frais du conflit ukrainien. Une indignation que dénonce le journaliste sportif Achille Ash.
En principe, le sport est apolitique. Cependant, des faits récents ont remis en cause cet idéal. Le terme apolitique qualifie quelque chose ou quelqu’un qui se place en dehors de la politique, qui refuse tout engagement politique et toute interprétation de sa conduite comme politique.
Achille Ash est journaliste, animateur TV/Radio, spécialisé dans le domaine du sport et de la géopolitique sportive.
Dès 1911, un certain Pierre de Coubertin expliquait qu’une équipe n’avait pas forcément а émaner d’un pays indépendant, marquant la différence entre géographie sportive et géographie politique. Depuis 1996, néanmoins, le Comité international olympique (CIO) ne reconnait plus que les comités représentant «un état indépendant reconnu par la communauté internationale». Depuis, les choses semblent aller en s’aggravant.
La Fifa a exclu la Russie de toutes les compétitions
Le 28 février 2022, la Fifa actait l’exclusion de la Russie de toutes les compétitions internationales de football, dont la Coupe du monde 2022. Les joueurs russes, victimes à leur insu, devaient affronter la Pologne à Moscou le 24 mars dans le cadre des barrages qualificatifs. Le président de la fédération polonaise Cezary Kulesza indiquait : « Cela ne nous intéresse pas de participer à ce match d’apparences. L’équipe nationale de Pologne ne VA PAS JOUER contre la Russie, peu importe le nom de l’équipe ».
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Dans l’escalade des sanctions, la Fédération Russe a perdu de nombreuses compétitions sportives, comme le Grand Prix de Russie en Formule 1, les épreuves de ski jusqu’à la fin de la saison, mais aussi la finale de la Ligue des champions, initialement prévue à Saint-Pétersbourg, et déplacée au Stade de France. Les sportifs russes et biélorusses furent, eux aussi, exclus des Jeux paralympiques d’hiver de Pékin, comme l’a finalement annoncé le Comité international paralympique, malgré son souhait initial de faire participer les sportifs sous une bannière neutre, une décision qui avait été durement contestée par plusieurs pays.
Doubles standards
En 2001, une coalition internationale menée par les Etats-Unis d’Amérique intervenait en Afghanistan à la suite des attentats du 11 Septembre. Un an plus tard, se déroulait la Coupe du monde de Football en Asie. Les USA ainsi que les pays participant à la coalition n’en furent pas exclus, malgré un conflit bien enlisé provocant des millions de morts….
Autre fait, l’Etat d’Israël, pays du Moyen Orient, joue les compétitions européennes. Est-ce avant tout pour une question de rapports de voisinage, Israël étant encerclé par des pays hostiles ou ne reconnaissant pas son existence ? La nation israélienne s’est en tout cas retrouvée, par le passé, confrontée à de très nombreux boycotts qui n’ont guère ému les puissances occidentales. Autre exemple, les J.O. d’hiver ont été maintenus à Pékin, malgré le scandale en Occident de la communauté Ouïgour en Chine.
Toutes ces situations auraient pu mériter une indignation et une réaction de la part de la communauté occidentale, si l’on en croit ses réactions à l’encontre de la Russie. D’ailleurs, l’heure est encore une fois à l’hypocrisie et à l’indignation, quelques semaines avant le début de la Coupe du monde de football au Qatar.
Une indignation et un greenwashing à géométrie variable ?
Le coup d’envoi est prévu le 20 novembre, et la coupe sera soulevée le 18 décembre. Or, les plus grandes agglomérations françaises telles que Strasbourg, Lille, Paris, Marseille, Bordeaux, n’installeront ni fan zone ni écrans géants. Celles-ci ont en effet invoqué des raisons humanitaires et environnementales, dénonçant «l’usage de stades climatisés durant cette Coupe du monde », en contradiction avec «les enjeux de transition écologique», et appelant les organisateurs à sérieusement revoir les règles d’attribution des prochaines Coupes du monde afin d’intégrer les enjeux de «sobriété» et de «respect du droit humain ». Pourtant, rares sont ceux à s’inquiéter du saccage écologique que plusieurs associations dénoncent en Seine-Saint-Denis, du fait de l’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024.
Reste que le pays organisateur, médiatiquement boycotté par certains le temps de ces événements, est toujours considéré par la France comme un allié économique de choix, que ce soit pour la vente d’armes, l’achat d’hydrocarbures… ou le rachat du PSG.
Un double standard pour le moins gênant. «Si boycott il doit y avoir sur la base des violations de droits humains et d’une aberration écologique, on boycotte à tous les niveaux et on ne fait pas les choses à moitié», tranchait ainsi l’auteur du livre L’énigme du Qatar et spécialiste du pays Nabil Ennasri au micro de RMC.
Le mal est-il fait ? L’accumulation des leçons de morale occidentales, leur hypocrisie, pourraient bien avoir des conséquences à long terme.
Demain, un monde du sport lui aussi multipolaire ?
Le 15 septembre 2022, à Samarcande en Ouzbékistan, à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï, Vladimir Poutine plaidait pour que ladite organisation créé sa propre organisation sportive, en marge de celles déjà existantes à l’heure actuelle (FIFA-JO…). L’objectif ? Faire contrepoids aux organisations de facto dirigées, selon le dirigeant russe, par l’Occident, en incluant les pays les plus peuplés du monde, à savoir l’Inde et la Chine. Un projet qui pourrait séduire d’autres Etats en contradiction avec l’Occident, approfondissant une fracture qui nous rappelle étrangement la guerre froide.
Pour l’heure, seule l’idée semble jetée. Reste qu’une scission se dessine dans le monde du sport, scission générée par les ingérences occidentales au détriment des valeurs d’équité, d’égalité, de respect et d’inclusion que le sport est censé véhiculer.
Achille Ash
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