Le 6 septembre, les autorités syriennes ont rapporté la saisie de bols à houmous en captagon. Le trafic de cette drogue provient majoritairement du Liban et de la Syrie, il a pour destination l'Arabie saoudite qui peine à limiter sa prolifération.
Les autorités syriennes ont annoncé le 6 septembre avoir saisi 24 kilogrammes de captagon qui avaient été broyé et reconstitué pour ressembler à des bols à houmous. Cette drogue de la famille des amphétamines pullule au Moyen-Orient.
Ces dernières années, les trafiquants de captagon ont tenté de dissimuler leur marchandise dans de fausses oranges, des grenades évidées ou encore des olives dénoyautées. Les trafiquants ont également recours à divers objets contenant des cavités qui peuvent abriter les pilules. En fabriquant cette fois-ci des bols à partir de poudre d’amphétamine, les trafiquants s’inspirent des méthodes des cartels de drogue latino-américains.
Habituellement produite sous forme de pilules, la drogue a été broyée et la pâte obtenue utilisée pour «confectionner des plats semblables à de la poterie enduite d’un adhésif marron», a annoncé le ministère de l’Intérieur dans un communiqué. Un homme en lien avec la tentative de contrebande a été arrêté à Damas, indique le texte, sans préciser la destination de la cargaison.
Une drogue fabriquée en Syrie et au Liban
Malgré cette saisie des autorités syriennes, Damas est souvent accusé par l’Occident de favoriser ce trafic. En effet, la plus grande partie de la production mondiale de captagon provient de Syrie, qui en est le premier producteur mondial depuis la fin des années 2000. Cette drogue serait le produit le plus exporté par le pays. Rien que sur l’année 2021, selon un rapport du New Lines Institute, un think tank américain, la vente de captagon en provenance de Syrie aurait atteint 5,7 milliards de dollars.
Plus communément appelée «la drogue du djihadiste» ou «la drogue du pauvre», le captagon est un stimulant désinhibant. La molécule d’amphétamine contenue dans le captagon accroît la vigilance du consommateur, et renforce sa résistance à la fatigue. L’inhibition et la peur disparaissent, et laissent place à un sentiment de toute-puissance. Autant de caractéristiques qui la rendent utile aux yeux des combattants et aux adeptes de l’attaque-suicide. Les différents groupes djihadistes dont Daech ont de surcroît longtemps utilisés ce trafic comme source de revenu.
Depuis, les médias et analystes occidentaux accusent régulièrement le gouvernement syrien d’être devenu un narco-Etat pour financer son effort de guerre et pour contourner les sanctions financières américaines. Cette accusation est également formulée contre le Hezbollah libanais, dans un contexte où d’impressionnantes saisies de cette drogue du djihadiste proviennent du pays du Cèdre et de la Syrie. Un phénomène qui s’expliquerait en partie par la déliquescence de l’Etat libanais et l’embargo que subit la Syrie.
La Syrie comme le Liban sont montrés du doigt par l’Office de l’ONU contre la drogue et le crime. «Selon les rapports des États membres des pays d’origine, la majorité des manufactures de captagon semblent être situées au Liban et en Syrie, dans la période de 2015 à 2019», mentionne le rapport 2021 de l’organisation onusienne. De son côté, le parti chiite a toujours réfuté son implication dans sa production.
L’Arabie saoudite marché privilégié des trafiquants
Un autres pays de la région est particulièrement confronté à sa prolifération. L’Arabie Saoudite a saisi plus de 700 millions de comprimés de drogue venant du Liban depuis 2015. Le record date du 31 août dernier: les autorités saoudiennes ont annoncé la plus grande prise de drogue de l’histoire du pays après la découverte dans un entrepôt à Riyad de 47 millions de comprimés d’amphétamine cachés dans une cargaison de farine.
Ce n’était pas la première fois que l’Arabie saoudite était la destination de ce trafic de drogue. En janvier 2022, les autorités saoudiennes ont annoncé s’être emparées de plus de huit millions de comprimés. Riyad a aussitôt pointé du doigt la responsabilité du Liban et plus particulièrement du Hezbollah, son ennemi régional chiite, dans ce commerce illicite. En juin 2021, 4,5 millions de pilules avaient été saisies au port de Djeddah, cachées dans des caisses d’oranges. Et quelques jours plus tôt, une autre cargaison de plus de 14 millions de comprimés, cachée entre des plaques de fer, avait également été confisquée. La drogue avait été introduite en contrebande en Arabie saoudite, encore une fois par le port de Djeddah, après avoir transité par celui de Beyrouth.
Pour tenter de limiter ce négoce, les autorités saoudiennes ont interdit l’importation de produits agricoles libanais en avril 2021, stipulant que le Hezbollah – considéré dans le Royaume saoudien comme terroriste – s’adonnait au trafic de drogue dans toute la région, en utilisant la cavité de différents fruits.
L’Arabie saoudite est le premier consommateur de captagon venant de Syrie. Ce pays de 35 millions d’habitants, dont plus de la moitié a moins de 35 ans, représente un «marché majeur» pour cette drogue, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). D’ailleurs, selon une enquête de la chaîne américaine CNN datant du 2 septembre, l’Arabie saoudite serait devenue la «capitale de la drogue au Moyen-Orient, stimulant la demande et devenant la principale destination des passeurs de Syrie et du Liban».
Selon un rapport du New Lines for Strategy and Policy publié en avril dernier, environ 40 % des personnes qui consommeraient de la drogue en Arabie saoudite prendraient du captagon. La moitié de la drogue saisie au Moyen-Orient entre 2015 et 2019 l’a été dans ce pays. Alors que le haschisch et le khat (plante dont les feuilles sont mâchées pour ses effets stimulants) sont également des drogues courantes dans le royaume, le captagon est populaire parmi la jeunesse saoudienne, car vendu entre 10 et 25 dollars la pilule. Les travailleurs étrangers raffolent également de cette substance qui limite la fatigue et booste la concentration. Elle est donc utilisée à des fins récréatives mais aussi pour être en capacité de travailler plus.
En Arabie saoudite, le trafic de drogue est passible de la peine de mort par décapitation. Compte tenu de la surconsommation dans le royaume, les autorités ont plus que jamais du mal à contenir ce trafic.
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