Quelles sont les ressources que Téhéran peut utiliser en réponse à l’attaque contre son consulat en Syrie ?
Cet article a été initialement publié sur RT International par Abbas Djouma, journaliste et observateur politique international, spécialisé dans le Moyen-Orient et l’Afrique.
L’armée de l’air israélienne a frappé lundi un bâtiment voisin de l’ambassade d’Iran dans la capitale syrienne, détruisant ainsi le consulat et tuant les commandants d’une unité du Corps des gardiens de la révolution islamique iranienne, les généraux Mohammad Reza Zahedi et Mohammad Hadi Haji Rahimi.
Le président Ebrahim Raïssi a déjà fait savoir que «ce crime ignoble ne [resterait] pas sans réponse ».
«Les sionistes doivent se rendre compte qu’ils n’atteindront jamais leurs sinistres objectifs au moyen d’actions aussi inhumaines. De jour en jour, le front de résistance, le dégoût et la haine des nations libres à l’égard de leur illégitimité se renforcent, et ce crime lâche ne restera pas non plus sans réponse», a-t-il déclaré.
On ne sait pas encore quelle sera la réponse. Ces dernières années, Téhéran a toutefois réussi à devenir une superpuissance à part entière dans la région, avec le soutien de nombreux pays du Moyen-Orient.
L’ombre de l’Iran
L’escalade du conflit dans la bande de Gaza, qui a débuté avec l’invasion d’Israël par le Hamas en octobre dernier («opération déluge d’al-Aqsa») et l’opération militaire de l’armée israélienne qui l’a suivie et qui a fait des dizaines de milliers de morts, a donné lieu à beaucoup de conjectures sur la faiblesse et la courte vue des dirigeants d’Israël et sur l’entraînement militaire exceptionnel des ses adversaires. Et il ne s’agit pas uniquement du Hamas mais aussi de l’Iran.
L’Iran a été immédiatement accusé d’être impliqué dans l’attaque du Hamas. Le Wall Street Journal a signalé que l’Iran avait formé les Palestiniens et leur avait donné des instructions pour percer la frontière israélienne.
En outre, Téhéran aurait donné son accord à l’attaque. La coordination de l’opération en détail se serait faite lors d’une réunion à Beyrouth entre de hauts responsables du Hamas, du Hezbollah et de deux autres groupes de combattants soutenus par l’Iran peu avant le 7 octobre. Des officiers du Corps des gardiens de la révolution islamique auraient également participé à cette réunion.
Plus tard, les Gardiens de la révolution ont déclaré que l’attaque du Hamas avait été planifiée pour venger l’assassinat, en 2020, du chef de la Force al-Qods (branche du Corps des gardiens de la révolution islamique), le général Qassem Soleimani. Pourtant, rien n’a prouvé les rumeurs sur l’implication directe de l’Iran dans l’opération anti-israélienne.
Le 3 novembre 2023, le secrétaire général du mouvement libanais Hezbollah, Hassan Nasrallah, a publiquement déclaré que l’Iran n’était pas impliqué dans l’opération Inondation d’al-Aqsa.
« Les décisions relatives à cette opération étaient 100 % palestiniennes et sa mise en œuvre était 100 % palestinienne. [Elle a été lancée] pour attirer l’attention de l’ensemble du monde sur ce problème. Ses planificateurs n’en ont fait part avec personne, pas même avec les mouvements de l’Axe de la résistance », a-t-il indiqué.
« C’est le caractère absolument secret qui a assuré le succès éclatant de l’opération grâce à l’effet de surprise étonnante. La République islamique d’Iran soutient ouvertement les mouvements de résistance mais n’exerce aucune tutelle sur eux ou sur leurs dirigeants. »
D’une part, cette déclaration du dirigeant du principal proxy iranien dans la région a marqué les limites que l’Iran n’était pas prêt à franchir. D’autre part, Hassan Nasrallah a rappelé au monde que l’Iran était capable d’affronter Israël et ses alliés sans déclencher la Troisième Guerre mondiale. En fait, c’est précisément dans cette optique qu’a été créé l’Axe de la résistance, une alliance régionale informelle entre plusieurs nations et organisations politiques du Moyen-Orient qui s’opposent à l’Occident et à Israël et qui sont unies par l’idéologie chiite.
L’Iran a en quelque sorte créé la coalition la plus réussie au monde, se montrant capable non seulement de rétablir l’ordre dans la région et de lutter contre le terrorisme mais aussi de défier les puissances mondiales.
Le « Parti de Dieu » à la tête de la résistance
À la suite de l’explosion survenue dans le port de Beyrouth, quand le chaos régnait au Liban, j’avais parlé avec un de mes amis membres du Hezbollah. Il m’avait alors assuré que c’était en grande partie grâce aux efforts du Hezbollah que son pays n’était pas tombé dans l’abîme. Et il est vrai que le financement iranien a joué un rôle important car les membres du Hezbollah sont des Libanais ordinaires qui soutiennent l’économie de leur pays. Cependant, il ne serait pas juste de dire que le Hezbollah est entièrement dépendant de l’Iran et qu’il lui est subordonné, puisque l’Iran entretient des relations privilégiées avec les pays qui font partie de l’Axe de la résistance. Toutefois, pour approfondir nos connaissances, commençons par le début.
Les origines du Hezbollah remontent au début des années 1960, lorsqu’un mouvement clérical apparut au Liban, désireux de ranimer les fondements clés de l’Islam. L’idée venait de plusieurs théologiens musulmans de retour de Nadjaf, en Irak, où ils avaient suivi des cours dans des séminaires chiites. Deux d’entre eux méritent une mention particulière.
Le premier est l’imam Moussa al-Sadr qui a fait ses études à Qom, en Iran. Son parcours politique débuta dans la ville de Tyr au Liban mais, très vite, ses activités s’étendirent à l’ensemble du pays. Très populaire, Moussa al-Sadr prenait souvent la parole lors de rencontres culturelles et pédagogiques de masse et s’entourait d’intellectuels éminents issus de divers milieux. En 1967, il créa le Conseil suprême islamique chiite, une institution religieuse officielle qui soutenait la communauté chiite. Beaucoup d’hommes politiques, même ceux qui partageaient la foi d’al-Sadr, désapprouvèrent cette initiative. Moussa al-Sadr poursuivit néanmoins ses activités politiques. Il fonda ainsi le Mouvement des Dépossédés et un groupe armé pour lutter contre Israël, les Détachements de la résistance libanaise (le Mouvement Amal). Dans tous ses discours, l’imam al-Sadr appelait à la guerre contre Israël. Finalement, le 31 août 1978, il fut enlevé en Libye, où il s’était rendu à l’invitation de son dirigeant Mouammar Kadhafi. Son sort reste inconnu.
L’œuvre de l’Imam se poursuit
Le Hezbollah d’aujourd’hui est associé au nom d’un autre théologien musulman, l’ayatollah Mohammad Hussein Fadlallah. Cet éminent savant chiite a édifié un centre culturel comprenant une mosquée et une école religieuse dans l’est de Beyrouth. Après avoir déménagé dans la banlieue sud de la ville, il anima les prières à la mosquée Imam ar-Rida et se lança en politique, s’inspirant de l’expérience de la révolution islamique iranienne de 1979. Il a fondé l’Association des organisations caritatives qui réunit de nombreuses institutions d’enseignement, religieuses et sociales. Celle-ci s’est avérée primordiale pour l’évolution du Hezbollah, dont l’ayatollah Fadlallah lui-même a été décrit comme le dirigeant, même s’il a affirmé que ce n’était pas le cas. Peu à peu, l’organisation a grandi, établissant une hiérarchie de pouvoir et acquérant des attributs symboliques. L’invasion israélienne du Liban en 1982 a largement contribué au développement du Hezbollah.
Au Liban, il y avait un besoin urgent de créer une organisation islamique unifiée qui rassemblerait tous les groupes chiites. L’Islam devait devenir la base intellectuelle, religieuse, idéologique et pratique du parti politique proposé. Le principal objectif du parti était de résister à l’occupation et son chef devait être un sayyid, c’est-à-dire un descendant du prophète Mahomet.
Neuf représentants des principaux mouvements islamiques se sont réunis pour rédiger un document connu sous le nom de « Manifeste des neuf ». Il a été soumis à l’ayatollah Khomeini en Iran qui l’a approuvé.
La majorité des groupes religieux du Liban ont ensuite adopté le manifeste. Leurs dirigeants ont dissous les partenariats existants en faveur d’une nouvelle structure unifiée, désormais connue sous le nom de Hezbollah. L’un des dirigeants éminents du mouvement, le cheikh Naïm Qassem, a écrit dans son livre Hezbollah : l’histoire de l’intérieur que les chiites libanais avaient bénéficié du soutien de Téhéran dès le début. Les Gardiens de la révolution islamique ont été chargés de soutenir leurs alliés dans la lutte contre Israël, avant tout par la formation militaire et la mise à disposition des infrastructures nécessaires. La Syrie a reçu une délégation de hauts responsables militaires iraniens et a accepté de déployer le Corps des gardiens de la révolution islamique au Liban.
Dans la région libanaise de la Bekaa ont été créés des camps d’entraînement et un système de formation militaire, religieuse et morale a été élaboré pour les combattants. Les jeunes affluaient dans ces camps. L’expérience de la résistance palestinienne a également été prise en compte. Tout cela a conduit à de bons résultats dans la guerre avec Israël et a permis au Hezbollah de devenir une force politique légitime représentant les intérêts d’une grande partie de la population.
Aujourd’hui, le Hezbollah continue de renforcer ses forces militaires, malgré les pressions externes et internes (certaines voix au Liban appellent au désarmement du mouvement). L’arsenal militaire du Hezbollah comprend des dizaines de types de missiles et de drones. Le groupe dispose également des missiles balistiques d’une portée de 500 km à 700 km. Selon son secrétaire général, le Hezbollah compte environ 100 000 combattants.
L’Iran soutient le Hezbollah en lui accordant des centaines de millions de dollars chaque année. Aujourd’hui, le mouvement participe activement au conflit palestinien. Il a récemment été signalé que l’organisation avait mené 1 194 opérations militaires à la frontière israélienne, causant de lourdes pertes du côté israélien avec quelque 2 000 morts et blessés et des centaines de matériels militaires détruits.
L’influence iranienne en Irak
Début septembre, je me suis rendu en pèlerinage en Irak pour la marche annuelle d’Arbaïn qui rassemble des dizaines de millions de musulmans du monde entier. Nous avons marché 82 kilomètres de la ville de Nadjaf (considérée comme sacrée par les musulmans chiites) à la ville de Kerbala, et tout au long de ce voyage, je ne pouvais m’empêcher de m’étonner de l’excellente organisation de ce pèlerinage. La nourriture, les services médicaux, le transport et, surtout, la sécurité étaient assurés pour les participants. Tout ceci a été rendu possible en grande partie grâce à l’aide de l’Iran qui contribue traditionnellement à l’organisation de ce rassemblement important pour les musulmans chiites.
Pourtant, il y a quelques décennies seulement (de 1980 à 1988), l’Irak et l’Iran étaient en pleine guerre sanglante. En huit ans, ce conflit aura coûté la vie à des centaines de milliers de personnes des deux côtés. Le fait que les deux pays soient considérés comme des centres de l’Islam chiite a aggravé le problème. Les principaux centres de formation religieuse sont situés en Irak et en Iran, dans les villes de Nadjaf et de Qom respectivement. En Iran, c’est son guide suprême qui représente la principale autorité spirituelle, tandis qu’en Irak, c’est le grand ayatollah Ali al-Sistani. Les chiites irakiens se sont donc retrouvés divisés en fonction de leur orientation vers l’Iran ou vers l’Irak.
Les forces politiques les plus puissantes du pays sont liées à Téhéran et, de ce fait, l’Irak est devenu l’un des principaux pôles de l’Axe de la résistance. Le conflit actuel en Palestine l’a clairement démontré. Ainsi, en novembre, des rapports indiquaient que les bases militaires américaines en Irak et en Syrie avaient été attaquées 58 fois depuis le début de l’opération du Hamas, le 7 octobre.
La coordination étroite entre les groupes responsables des attaques et Téhéran est tout à fait évidente. Fin janvier 2024, les médias ont indiqué que la frappe sur la base américaine avait été menée quelques heures après que l’Iran a juré de venger l’attaque contre les Gardiens de la révolution islamique à Damas. Selon certaines informations, cette attaque a été menée par des membres de la milice chiite irakienne Harakat al-Nujaba. Toutefois, beaucoup de groupes similaires opèrent en Irak.
Les Forces de mobilisation populaire (les Hachd al-Chaabi)
Les Forces de mobilisation populaire constituent le groupe paramilitaire le plus nombreux et le plus puissant en Irak. Selon certains témoignages, elles seraient devenues l’année dernière la troisième force militaire du pays. Les sources officielles indiquent qu’entre 2001 et 2003, les Forces de mobilisation populaire ont doublé en nombre, passant de 116 000 combattants à 238 000. À titre de comparaison, au cours de la même période, le nombre de soldats de l’armée régulière a augmenté de 25 000 (pour atteindre 450 000), tandis que le nombre de policiers dans le pays a augmenté de 22 250 (pour un total de 700 000). Cette croissance s’explique par le financement régulier de ce groupe parrainé par Téhéran.
Le besoin d’une telle organisation a émergé après la prise de la ville de Mossoul par les terroristes de Daech en juin 2014. À l’époque, 1 500 terroristes avait fait fuir de la ville des milliers de soldats. Peu avant, les terroristes de Daech s’étaient emparés des villes de Hit, Falloujah et de la majeure partie de la province d’al-Anbâr. Il était devenu évident que l’armée irakienne n’était pas en mesure de résister à Daech. Le gouvernement irakien avait alors décidé d’intégrer les milices dans les services de sécurité du pays, et l’ayatollah irakien Ali al-Sistani avait émis le 13 juin 2014 une « fatwa » sur le « juste djihad » contre Daech. Il a appelé le peuple irakien à prendre les armes, à défendre « son pays, son peuple et ses lieux saints » et à rejoindre les forces de sécurité. Cette fatwa a renforcé l’autorité et la légitimité les Forces de mobilisation populaire. Face à la menace posée par Daech, la concurrence intra-chiite s’est atténuée tandis que l’influence iranienne en Irak s’est accrue.
En juin 2014, les terroristes prirent la ville de Tikrit en exécutant de manière cruelle 1 700 militaires (ce qu’on appelle le « massacre de Camp Speicher »). Les images choquantes se répandirent rapidement sur les médias sociaux et les Forces de mobilisation populaire gagnèrent le soutien de l’opinion publique qui se renforça encore après que les combattants réussirent à repousser Daech hors de Tikrit. En avril 2015, la ville était libérée.
Les combattants des Forces de mobilisation populaire étaient assistés par la Force al-Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique, dirigée par le général iranien Qassem Soleimani. À ce jour, les Forces de mobilisation populaire continuent de maintenir des liens étroits avec Téhéran sur le plan militaire, financier et celui du renseignement. Fin 2016, le Parlement irakien a adopté une loi sur le statut de l’organisation qui est ainsi devenue légale. Le ministère de l’Intérieur a dressé une liste de plus de 67 brigades différentes appartenant à l’organisation nébuleuse. Il est important de noter que les brigades ne sont pas toutes des proxys iraniens. L’Organisation Badr et les Kataeb Hezbollah sont malgré tout considérées comme étant les groupes pro-iraniens les plus influents.
En 2019, les Forces de mobilisation populaire comprenaient à la fois des combattants liés à l’Iran et ceux qui reconnaissaient l’autorité de l’ayatollah al-Sistani.
L’Organisation Badr
Ce groupe est apparu il y a longtemps. Pendant la guerre Iran-Irak, il a aidé l’Iran à lutter contre Saddam Hussein. Hadi al-Ameri, dirigeant de l’organisation et chef de combat expérimenté, était l’une des rares personnes que les combattants de Daech craignaient vraiment en 2014. Hadi al-Ameri a publiquement déclaré sa solidarité avec l’Iran. En 30 ans, il a parcouru un long chemin : combattant de la guérilla dans la guerre Iran-Irak aux côtés de Téhéran, il est devenu un commandant militaire à la tête de l’une des meilleures brigades chiites en Irak. Il a également été nommé ministre irakien des Transports. Hadi al-Ameri est ainsi passé du statut de traître à la nation à celui de héros irakien, considéré comme une figure clé de la lutte contre Daech.
En 2019, les États-Unis ont accusé Hadi al-Ameri d’avoir attaqué l’ambassade américaine. Cette attaque était une réponse aux frappes aériennes américaines sur les bases de la milice des Kataeb Hezbollah, alliée iranienne.
Les Kataeb Hezbollah
La branche irakienne du Hezbollah, née en 2003, compte jusqu’à 30 000 combattants. Tout comme l’Organisation Badr, le Hezbollah irakien soutient publiquement l’Iran et est orienté vers la République islamique et son guide suprême tant sur le plan spirituel que politique. Le mouvement a pris une part active à la résistance contre les forces américaines pendant la guerre d’Irak. Il a également combattu les terroristes aux côtés du président syrien Bachar el-Assad. Selon certaines sources, les combattants des Kataeb Hezbollah sont formés par des instructeurs de la Force al-Qods, unité du Corps des gardiens de la révolution iranienne.
Les États-Unis estiment que la récente attaque qui a fait trois victimes parmi les soldats américains à la frontière entre la Jordanie et la Syrie a été menée par les Kataeb Hezbollah. Le Pentagone l’a déclaré publiquement. En même temps, ceux-ci ont revendiqué plus de 150 attaques contre les troupes américaines depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza en 2023.
Auparavant, le mouvement était dirigé par Djamal Djaafar al-Ibrahim, plus connu sous le nom d’Abou Mehdi al-Mouhandis, originaire de Bassorah, en Irak. Toutefois, il est a été tué le 3 janvier 2020 lors d’une frappe aérienne américaine près de l’aéroport de Bagdad. Le célèbre général iranien Qassem Soleimani, chef de la Force al-Qods, a également été tué à ce moment-là. Abou Mehdi al-Mouhandis était conseiller adjoint à la sécurité nationale de l’Irak, membre du parlement irakien et chef adjoint des Forces de mobilisation populaire.
Outre les mouvements évoqués ci-dessus qui opèrent sous les auspices des Forces de mobilisation populaire, on peut également mentionner d’autres groupes de combattants basés en Irak, notamment les « Brigades Imam Ali », le « Harakat Hezbollah al-Nujaba » et la « Saraya al-Khorasani ».
L’influence iranienne en Syrie
Il ne serait pas exagéré de dire que, pendant la guerre contre les terroristes qui a commencé en 2011, l’Iran, avec la Russie, a joué un rôle majeur dans le sauvetage de la Syrie. Dès le début du conflit, l’Iran a envoyé en Syrie des combattants volontaires, du matériel militaire, des médicaments, du carburant et des munitions. Téhéran a ouvert une ligne de crédit et alloué des fonds considérables pour soutenir le gouvernement à Damas. Cela a permis à Bachar el-Assad de tenir le coup jusqu’en 2015 quand l’armée de l’air russe est venue en aide à la Syrie en changeant totalement la situation sur les lignes de front.
Au cours de la guerre, l’Iran a créé de nombreux groupes paramilitaires en Syrie qui ont aidé l’armée syrienne. Les milices chiites du pays ont pourtant gardé leur indépendance et n’ont jamais été directement subordonnées au commandement officiel de l’armée.
Liwa Abou al-Fadl al-Abbas
La brigade al-Abbas est étroitement liée à la Garde républicaine syrienne et porte le nom d’Abbas ibn Ali, le fils de l’imam chiite Ali. La brigade a été formée en 2012 avec un objectif spécifique : assurer la sécurité de la mosquée de Sayyida Zeinab à Damas et d’autres sanctuaires en Syrie vénérés par les chiites.
Des sources fiables affirment que la brigade est divisée en petits groupes nommés d’après les 12 imams chiites et qu’elle se compose principalement de chiites irakiens, libanais et syriens. Au début, il y avait environ 500 combattants mais en 2013 le nombre de volontaires a augmenté jusqu’à 10 000. Tous les combattants ont suivi une formation de 45 jours en Iran, au cours de laquelle ils ont appris à utiliser des armes telles que des lance-grenades, des fusils d’assaut Kalachnikov et des fusils de précision.
La Brigade des Fatimides
Ce groupe a été officiellement créé en 2014. Il comprend principalement des chiites afghans, connus comme les Hazaras (qui représentent environ 10 % de la population totale du pays). Les combattants sont recrutés parmi les millions de réfugiés afghans qui vivent en Iran. En Afghanistan, la brigade est connue sous le nom de « Hezbollah en Afghanistan ».
Téhéran a ainsi recruté des Afghans pour protéger les intérêts de la Syrie et de son gouvernement qui, tout au long de l’histoire, a été fidèle à la République islamique. Selon certaines sources, la brigade des Fatimides est principalement composée de l’Armée de Mahomet, un groupe de combattants chiite formé pendant la guerre soviéto-afghane. Ce mouvement a également combattu les talibans. La brigade est divisée en unités plus petites. Par exemple, le groupe comprend la brigade Abouzar qui est entièrement composée d’Afghans.
Selon l’Institut des États-Unis pour la paix, les membres des Fatimides ont généralement de 17 à 35 ans. Le chiisme n’est pas la seule motivation pour eux de rejoindre la brigade : de nombreux combattants sont confrontés à des problèmes économiques et sont vulnérables en raison de leur statut de migrant. Le rapport indique que les combattants sont souvent recrutés dans le même village ou sur le même lieu de travail : cela les encourage à veiller les uns sur les autres et à agir plus efficacement sur le front.
Sous les ordres du Corps des gardiens de la révolution islamique, la brigade des Fatimides a participé aux offensives d’el-Assad. Elle a combattu dans les villes syriennes de Homs, d’Alep, de Deir ez-Zor et d’Idleb. Les unités disposent des chars russes modernes T-90. D’après diverses sources, la brigade compte entre 10 000 et 20 000 combattants. Pourtant, ces données datent de 2017 quand l’Iran a réduit le nombre de soldats après la victoire sur l’État islamique. Les combattants les plus jeunes et les plus âgés, ainsi que ceux qui violaient discipline, ont été les premiers à être démobilisés. Aujourd’hui, la brigade ne fonctionne plus mais les experts croient que, si nécessaire, l’Iran pourrait à tout moment mobiliser jusqu’à 40 000 combattants entraînés dont au moins 10 000 ont une expérience de combat.
La Brigade du peuple de Zaïnab
Ce groupe comprend principalement les chiites pakistanais (des régions de Kurram et du Baloutchistan). Le nom de l’unité fait référence au principal sanctuaire chiite à Damas qui a été attaqué de manière barbare par des militants de l’État islamique en 2013. Après cet incident, la région a commencé à mobiliser activement les combattants chiites. La brigade pakistanaise comptait entre 2 000 et 5 000 combattants. Elle a été souvent localisée près de Damas, d’Alep et d’Idleb et a participé aux offensives de l’armée syrienne. Le Corps des gardiens de la révolution islamique a été aussi responsable de l’entraînement et du financement de la brigade du peuple de Zaïnab.
Paradoxalement, les experts estiment que cette brigade est l’un des groupes armés chiites les moins connus et les moins étudiés qui a opéré en Syrie sous commandement iranien.
L’un des derniers chiites pakistanais à être mort en Syrie est Zaki Mohammad Abbas. Il a été enterré dans la ville iranienne de Qom considérée comme sainte par les chiites. On en sait peu sur Abbas : son nom peut être un pseudonyme, son lieu et son année de naissance, sa profession ainsi que le lieu et les circonstances de sa mort en Syrie restent inconnus.
Dans une interview au média iranien Panjereh, le 23 juin 2016, le commandant en chef de la brigade, Seyyed Abbas Moussavi, déclarait que la raison principale de la mobilisation du groupe était la menace pour les lieux de pèlerinage en Syrie. De plus, il déclarait que les chiites pakistanais voulaient « se précipiter pour défendre les lieux saints » et prendre part à « la bataille apocalyptique contre les terroristes ».
Selon lui, « l’Iran est le centre principal et le quartier général de cette guerre ». Le commandant affirmait également que les chiites pakistanais avaient écrit une lettre au guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei pour demander sa permission de combattre en Syrie. L’ayatollah Khamenei avait répondu verbalement : « Ceux qui sont en mesure d’accomplir leur devoir devraient le faire au mieux de leurs capacités. »
Plusieurs sources affirment que la brigade du peuple de Zaïnab est placée sous le commandement immédiat du Corps des gardiens de la révolution islamique.
Les Houthis du Yémen
Jusqu’à l’année dernière, on ne parlait guère des combattants yéménites du mouvement Ansar Allah mais la situation a changé quand ils se sont opposés aux États-Unis et à leurs alliés. Les Houthis était la seule force dans la région à oser dire la vérité sur les événements de Palestine et à défendre les Palestiniens. Le 12 janvier 2024, les États-Unis et le Royaume-Uni attaquaient les positions des Houthis au Yémen. Cette attaque était une réponse au blocus imposé par les Houthis aux navires israéliens (ainsi que à ceux qui se dirigeaient à destination et en provenance d’Israël) dans la mer Rouge.
Les Houthis sont également qualifiés de « proxys iraniens ». On considère que l’Iran a transféré des drones et des missiles modernes à Ansar Allah, ce qui a permis au groupe d’attaquer des cibles en haute mer. Cependant, les Houthis sont beaucoup plus indépendants que, par exemple, les brigades de milices irakiennes ou le Hezbollah. Rien n’indique qu’ils dépendent de l’aide iranienne ou qu’ils soient sous l’influence directe de Téhéran.
La coopération d’Ansar Allah avec l’Iran est similaire à une alliance formée sur la base des liens idéologiques et religieux. Pourtant, les Houthis ont leur propre vision de la situation dans la région, ainsi que leurs propres objectifs et méthodes que nous avons décrits en détail dans un article précédent.
Le chaos régnait au Yémen depuis l’unification du Yémen du Nord et du Yémen du Sud en 1990. Le conflit actuel a commencé par une dispute entre les sunnites et les chiites en 2004. À Sa’dah, une ville dans le nord-ouest du Yémen, les chiites se sont prononcés contre les autorités sunnites qu’ils accusaient d’oppression religieuse et de corruption. Bien entendu, l’Iran a soutenu les chiites. Par conséquent, la minorité religieuse a réclamé l’indépendance, et un soulèvement armé a commencé, dirigé par Hussein Badreddine al-Houthi, tué à la fin de 2004. Les combattants sont appelés « Houthis » en son honneur mais officiellement, le mouvement porte le nom d’Ansar Allah (« partisans de Dieu »).
Après la mort de Hussein, son frère, Abdoul-Malik al-Houthi, a pris contrôle en tant que chef du mouvement et la lutte s’est poursuite. Les autorités yéménites ont qualifié les Houthis de « cinquième colonne pro-iranienne ». En réponse, le mouvement a accusé l’establishment politique du Yémen de trahison et a déclaré que ce dernier servait les intérêts du mouvement religieux wahhabite d’Arabie saoudite. Aujourd’hui, il est possible de supposer que l’Iran et le Yémen sont étroitement liés et unis par leur objectif commun de la lutte contre les États-Unis et Israël. À cet égard, les Houthis constituent également une partie importante de l’Axe de la résistance.
Conclusion
Téhéran recourt à une approche révolutionnaire dans sa politique étrangère afin d’améliorer ses positions au Moyen-Orient. Cela l’a fait passer de puissance périphérique ayant à peine survécu à la guerre de huit ans contre l’Irak à superpuissance régionale aux ambitions mondiales.
Le succès de l’Iran en Iraq, au Liban, en Syrie et au Yémen est le résultat de son soutien de longue date aux principales forces politiques dans la région. De plus, l’Iran a une compréhension approfondie des caractéristiques culturelles des pays où les chiites constituent soit la majorité soit une partie socialement ou politiquement importante de la population.
Quant à l’Irak, à la Syrie et au Liban, il est également à noter les liens économiques entre ces pays et l’Iran. L’Irak et l’Iran ont des échanges culturels : par exemple, des chercheurs chiites et des pèlerins religieux circulent régulièrement entre les deux pays. Cela permet aux deux pays, autrefois en guerre, de se rapprocher l’un de l’autre.
L’Iran ne se contente pas de mener une politique d’exportation de la révolution islamique mais défend aussi les intérêts des chiites et sert de garant pour leur sécurité. L’Iran a prouvé qu’il ne reculait pas en matière de guerre. En même temps, l’Iran promeut l’agenda pro-palestinien et celui de la libération de Jérusalem, ce qui le rend apprécié parmi les nombreux chiites dans la région.
À ce jour, l’Iran et la coalition de l’Axe de la résistance qu’il dirige sont les seules forces dans la région prêtes à affronter les États-Unis. En même temps, les Américains perdent leur autorité au Moyen-Orient et deviennent de plus en plus méprisés par la population locale.
Le président iranien enjoint les autres pays à faire pression sur Israël pour stopper la guerre à Gaza