Selon le chef des renseignements russes, les autorités ukrainiennes et l'Unesco s'apprêteraient à transférer le trésor de la laure de Kiev-Petchersk vers des musées d'Europe occidentale.
«D’après les informations dont dispose le renseignement extérieur russe, Kiev a conclu un accord avec l’Unesco pour transférer le trésor de la laure de Kiev-Petchersk, y compris ses reliques sacrées, à des musées d’Italie, du Vatican, de France et d’Allemagne», a accusé dans un communiqué Sergueï Narychkine, le chef du service des renseignements extérieurs russes (SVR, ex-KGB). «Sous prétexte de les protéger des tirs de missile russe», s’est-il de surcroît offusqué.
Selon Sergueï Narychkine, ces agissements sont la suite logique du transfert en toute discrétion d’icônes byzantines très anciennes, dont certaines remontent au VIe siècle, pour les exposer au Louvre depuis le 14 juin de cette année. Ces icônes avaient été offertes au XIXe siècle à la mission spirituelle russe de Jérusalem par le monastère Sainte-Catherine du Sinaï. En 1940, les autorités soviétiques les avaient confiées à la collection d’art oriental et occidental du musée de Kiev.
En tout, 11 pièces dont cinq icônes et 11 tableaux venus du musée national des arts ukrainiens de Kiev ont été transférés en France pour un coût estimé à 200 000 euros. Le transfert avait été opéré, selon la presse occidentale, dans des conditions très particulières : une mission gardée secrète et une escorte militaire à travers les combats et les bombardements.
Un transfert en préparation, selon Narychkine
Sergueï Narychkine a affirmé qu’un inventaire du patrimoine ecclésiastique avait été effectué et que des moyens étaient déjà affectés pour procéder au transfert des biens vers l’Europe.
Pour l’heure, l’inventaire est visible en consultant le site de l’Unesco. Dans un point de situation daté des 15 et 16 décembre 2022 et dédié à la protection des biens culturels en Ukraine, il apparaît que «les biens culturels ukrainiens ont été marqués de l’emblème distinctif du Bouclier bleu de la Convention de La Haye de 1954, y compris les biens du patrimoine mondial de «Kyiv : cathédrale Sainte-Sophie et ensemble des bâtiments monastiques et Laure de Kyiv-Petchersk».
Un document de l’Unesco propose par ailleurs d’apporter aux Ukrainiens des conseils et une expertise technique. Cette brochure, intitulée Patrimoine en péril : évacuation des collections du patrimoine de l’Unesco a bien été traduite en ukrainien. Elle ne prévoit néanmoins pas explicitement de transferts d’objets culturels à l’étranger.
A l’expostion au Louvre s’ajoute un autre précédent : environ 70 toiles ont en effet déjà été transférées du musée national d’art de Kiev vers le musée Thyssen-Bornemisa de Madrid, en novembre 2022.
Une restitution incertaine
«Les élites mondialistes, connues pour leur manie de s’approprier le bien d’autrui, redoublent d’efforts pour piller l’Ukraine», a poursuivi le directeur du SVR. «Si auparavant elles se satisfaisaient des ressources financières et matérielles, dont les céréales et les terres arables, désormais elles s’en prennent aux sanctuaires orthodoxes situés sur le territoire ukrainien.»
Le chef de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, le métropolite Onuphre de Kiev, aurait été avisé que les icônes, objets de culte et reliques seraient transférés temporairement, «jusqu’à une normalisation de la situation en Ukraine», toujours selon Sergueï Narychkine. Cependant, il ne fait aucun doute pour lui «que la restitution des reliques n’est pas au programme de l’Occident ni de la junte ukrainienne à sa solde».
Sergueï Narychkine tient pour responsable de cette opération l’Alliance internationale pour le protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), dirigée par le collectionneur américain Thomas Kaplan. Cette organisation affirme sur son site mener un projet en Ukraine doté d’un budget de 3,8 millions de dollars, sans préciser son objet.
L’Ukraine comme «bélier» contre la Russie et l’orthodoxie
Le chef des services secrets russes a assuré que «si, pour ces pilleurs de tombes, ce ne sont que des pièces valant très cher, pour le monde russe, ce sont des objets saints inestimables». «La situation scandaleuse autour du patrimoine orthodoxe corrobore l’idée que l’Ukraine n’est utile aux élites occidentales que comme bélier contre la Russie et comme moyen d’enrichissement», a-t-il ajouté. «Plus le conflit en Ukraine durera longtemps, plus ils pourront voler, pour appeler les choses par leur nom», a-t-il encore dénoncé.
Quant à l’Eglise orthodoxe russe, sa réaction a été immédiate : «L’information au sujet du trésor de Kiev-Petchersk est scandaleuse et doit être vérifiée sans attendre», s’est indigné Vladimir Legoida, le chef du département synodal d’information du patriarcat de Moscou, dans un communiqué de sa chaîne Telegram.
«On ne peut s’empêcher de penser au pillage en 2003 des musées de Bagdad, après l’invasion de l’Irak par la coalition occidentale. Le trésor de la laure appartient au peuple ukrainien et à tous les orthodoxes. Toute tentative de l’emporter ailleurs serait un acte monstrueux», a averti Vladimir Legoida.
Un lieu emblématique
L’Eglise orthodoxe ukrainienne (du patriarcat de Moscou) est l’une des principales églises orthodoxes en Ukraine avec, notamment, l’Eglise orthodoxe autocéphale d’Ukraine.
La laure de Kiev-Petchersk, le plus connu et le plus ancien monastère du pays, est l’objet de pressions constantes de Kiev depuis 2014. En avril dernier, son responsable, le métropolite Pavlo, avait été placé 60 jours en résidence surveillée pour avoir, selon Kiev, «justifié l’agression armée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et glorifié ses participants». Ce dont il s’est défendu.
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