Le Vatican a cherché à désamorcer une brouille avec Kiev après des déclarations du pape ayant exalté l'héritage de « la grande Russie » impériale dans une adresse à de jeunes catholiques russes. Le Kremlin a quant à lui salué les propos du pape.
«Le pontife connaît l’Histoire russe. C’est très bien. Elle est profonde, et l’héritage ne se limite pas à Pierre et Catherine. Il est réjouissant que le pontife soit à l’unisson», a déclaré le 29 août porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, saluant des propos du pape ayant, au contraire, scandalisé Kiev.
Vous êtes les héritiers de la grande mère Russie, allez de l’avant avec cela !
«Vous êtes les enfants de la grande Russie, des grands saints, des rois, de Pierre le Grand, de Catherine II, d’un peuple russe de grande culture et de grande humanité », avait déclaré le pape par visioconférence à un groupe de jeunes croyants rassemblés dans une église de Saint-Pétersbourg, le 25 août dernier. «N’oubliez jamais ce grand héritage. Vous êtes les héritiers de la grande mère Russie, allez de l’avant avec cela», a-t-il dit selon cette vidéo diffusée en ligne.
Le pape exalte l’héritage de la Russie devant de jeunes catholiques russes
Le porte-parole du ministère ukrainien des affaires étrangères, Oleg Nikolenko, avait quant à lui jugé le 28 août en fin de journée le langage du pape «très malheureux», estimant que c’est avec «ce genre de propagande impérialiste, à l’appui de +piliers spirituels+ et au nom de la +nécessité+ de sauver la +grande mère Russie+, que le Kremlin justifie le meurtre de milliers d’Ukrainiens et la destruction de centaines de villes et de villages ukrainiens». La mission du pape serait selon lui «précisément d’ouvrir les yeux de la jeunesse russe sur la trajectoire destructrice des dirigeants russes au pouvoir».
Le Vatican se justifie
Le porte-parole du Vatican, Matteo Bruni, a assuré le 29 août que les remarques «spontanées» du souverain pontife visaient à «encourager les jeunes à préserver et à promouvoir ce qu’il y a de positif dans le grand patrimoine culturel et spirituel de la Russie ». Les commentaires n’étaient «certainement pas (destinés) à glorifier les logiques impériales» passées ou présentes de l’Histoire russe, a-t-il souligné.
Le portail médiatique officiel du Vatican a rendu compte du message vidéo du pape à l’occasion de la Journée de la jeunesse russe, le 25 août, mais n’a pas publié de vidéo ni repris les citations spécifiques ayant déclenché l’ire de Kiev. Le portail a en revanche rapporté que le pape avait appelé les jeunes Russes à être des « artisans de la paix » et à « semer des graines de réconciliation ».
Incertitudes papales face au conflit
Le pape François appelle régulièrement à la paix en Ukraine, même s’il a été critiqué par Kiev pour ne pas avoir assez condamné la Russie. Au début de l’année, il a nommé un cardinal de haut rang pour tenter de négocier la paix, qui s’est depuis rendu à la fois à Moscou et à Kiev.
Depuis le début du conflit, le souverain pontife s’est néanmoins positionné davantage en faveur de la partie ukrainienne, qualifiant dès le mois de mars 2022 dans une adresse depuis la place Saint-Pierre l’opération russe d’«inacceptable agression armée».
Le 24 août 2022, le pape avait regretté le meurtre, dans un attentat à la voiture piégée, de Daria Douguina, politologue de 29 ans et fille du philosophe nationaliste Alexandre Douguine. L’ambassadeur ukrainien près le Saint-Siège Andriï Yourach avait jugé le propos du pape «décevant», refusant d’assimiler «agresseurs et victimes». Le 30 août, le pape François avait réitéré ses condamnations, qualifiant le conflit de «guerre barbare déclenchée par la Russie».
Un autre désaccord avait terni les relations entre le Saint-Siège et Moscou, quand le souverain pontife avait déclaré que «les Tchétchènes et les Bouriates étaient les plus cruels» en Ukraine. Suite aux protestations conjointes de Maria Zakharova, qui avait qualifié ces propos de «perversion», et des chefs bouriate et tchétchène, le pape François s’était excusé.
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