Le Sénat a adopté à l'unanimité une loi visant à mieux encadrer les prestations de conseil par l'Etat. Mais elle doit encore être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée. Le gouvernement a tenté sans succès de modérer le texte avec 13 amendements.
Un premier feu vert a été envoyé ce 19 octobre par le Sénat pour la loi visant à mieux encadrer les prestations des cabinets de conseil par l’Etat, souvent surnommée «Loi McKinsey». Sept mois après une lourde charge du Sénat dénonçant la «dépendance» de l’Etat aux cabinets de conseil, la chambre haute a donc adopté à l’unanimité des votants (331 voix pour et aucune contre) la loi, mais celle-ci doit encore être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée.
Sur un sujet qui a fait grand bruit, la première haie législative a été franchie au creux de la nuit, au terme d’échanges globalement apaisés entre les sénateurs et le gouvernement représenté par le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini.
Un «premier aboutissement» salué dans un communiqué par Eliane Assassi (groupe CRCE à majorité communiste) et Arnaud Bazin (Les Républicains), auteurs en mars d’un rapport très critique sur le caractère «tentaculaire» des missions confiées par l’Etat aux cabinets privés. Le groupe RDPI à majorité Renaissance s’est également félicité par la voix de la sénatrice Nicole Duranton d’un «débat de qualité».
Le texte adopté par la chambre haute prévoit pour l’essentiel de renforcer la transparence autour des prestations de conseil privées effectuées au profit de l’Etat et de muscler les obligations déontologiques des consultants qui réalisent des missions pour les pouvoirs publics.
Adopté à l’unanimité en commission des lois le 12 octobre, sa teneur a très peu varié au cours des quatre heures de débat, puisque quasiment tous les amendements – dont les treize du gouvernement pour tempérer certaines dispositions – ont été rejetés.
Néanmoins le gouvernement voulait sanctionner pénalement d’éventuelles entorses des consultants à la déontologie, le Sénat s’en est tenu aux amendes administratives prévues dans le texte issu de la commission des lois. Il a enfin fait en sorte, toujours contre l’avis de l’exécutif, que la loi s’applique aux prestations de conseil en cours à la date de sa promulgation.
De la polémique au consensus ?
La tonalité plutôt sereine des débats contraste nettement avec les accusations qui avaient fusé en mars contre le gouvernement lors de la publication du rapport d’Eliane Assassi et Arnaud Bazin.
A quelques jours de l’élection présidentielle, l’opposition avait tiré à boulets rouges sur le gouvernement, le candidat Jean-Luc Mélenchon l’accusant d’avoir «fait entrer le privé dans l’Etat» tandis que le Rassemblement national s’indignait d’un «énième scandale d’Etat».
Dans leur rapport, les deux sénateurs avaient évalué la facture des prestations de conseil à 893,9 millions d’euros pour les ministères en 2021, et épinglé en particulier le cabinet McKinsey, accusé d’optimisation fiscale. Visé par une enquête préliminaire du Parquet national financier pour «blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée», le cabinet américain a d’ailleurs décidé de cesser ses activités de conseil au secteur public en France, selon des informations publiées le 19 octobre par Le Canard Enchaîné.
Egalement au cœur de la polémique, le gouvernement a multiplié les contre-feux ces derniers mois.
Après avoir affiché dès janvier son objectif de réduire de 15% ses dépenses de conseil en stratégie et organisation en 2022, l’exécutif a présenté en juillet de nouvelles règles pour mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil dès 2023. Plus récemment, le gouvernement a revendiqué dans un document budgétaire une baisse d’environ 10% de ses dépenses de conseil au premier semestre 2022, par rapport aux six premiers mois de l’année 2021.
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