Originaire d’Allemagne, Sven Marco Mario Kuhn, vient d’être naturalisé Russe, après un long chemin de 20 ans. Dans le cercle de ses amis et connaissances on l’appelle « un vrai Allemand avec une âme russe ». Membre du club de motards les Loups de la nuit, il apporte de l'aide humanitaire dans le Donbass. Entretien.
Cet article a été initialement publié sur RT en langue russe par Iana Dovgalenko.
Sven Marco Mario Kuhn a quitté l’Allemagne et s’est installé en Russie il y a 20 ans pour rejoindre sa femme, rencontrée en Égypte où il travaillait alors comme animateur en chef dans un hôtel. Ensemble ils ont eu une petite fille. Au début Sven faisait de courts aller-retours à Moscou. Ses séjours devenant de plus en plus longs, il s’est installé définitivement en Russie en 2004. En octobre 2023 Kuhn a reçu un permis de résidence russe pour avoir accordé une aide aux militaires participant à l’opération militaire spéciale, et au mois de décembre — un passeport russe.
Votre installation en Russie, était-elle préméditée ou due aux circonstances ?
Non, elle n’était pas préméditée. À l’époque où je vivais en Égypte, la seule chose dont je me souvenais à propos de la Russie étaient les paroles de mon arrière-grand-mère. Elle disait toujours que nous devions le respect aux Russes-Soviétiques puisqu’ils nous ont délivrés du fascisme. Mais depuis que j’ai commencé à fréquenter une Russe, j’ai commencé à vouloir en savoir davantage sur son pays natal. Avant, la Russie n’était pour moi qu’un point sur la carte, un point énorme mais tout de même inconnu.
Avez-vous le souvenir de vos premières impressions lors de votre arrivée à Moscou ?
Bien sûr. J’ai été accueilli à l’aéroport de Domodedovo, nous avons longtemps roulé sur le MKAD. J’ai tout de suite remarqué l’ampleur de tout ce que je voyais. Tout était immense.
C’était mon rêve
Comment s’est déroulée votre vie par la suite ?
Les premiers temps, j’ai changé plusieurs fois d’emploi : j’ai été DJ dans des boîtes de nuit, j’ai organisé des spectacles de toutes sortes. Puis j’ai été embauché comme professeur d’allemand et d’anglais dans une école internationale de langues étrangères où je travaille jusqu’à ce jour. Le russe, par contre, je l’ai appris par moi-même. À ce moment-là j’avais déjà divorcé de la mère de ma fille, j’ai rencontré une autre femme et j’ai déménagé à Krasnogorsk.
Comment avez-vous appris le russe?
Les deux premières années je communiquais à l’aide d’un interprète, ensuite je me suis mis à apprendre le russe de la vie courante. J’ai commencé par lire des annonces publicitaires et demander à mes amis russes la traduction. Je n’ai jamais suivi de cours de langue russe, j’ai tout appris moi-même petit à petit. Je parle et je comprends bien, j’ai plus de mal avec l’écrit. Néanmoins, j’ai eu mon certificat de compétence en langue russe. Il était d’ailleurs nécessaire pour demander la nationalité russe.
Vous n’avez obtenu le passeport russe qu’à la fin de l’année dernière. Pourquoi si tard ?
D’abord, je ne supporte pas la paperasse, les files d’attente, etc. Au début, je me suis retrouvé ici avec mon visa, puis j’ai obtenu l’autorisation provisoire de séjour et ensuite le permis de séjour. Il y a cinq ans, un décret a été signé selon lequel le permis de séjour devenait illimité. Malheureusement, le mien avait expiré avant сela. Donc, j’ai dû l’obtenir de nouveau. J’ai eu quelques difficultés mais finalement en octobre 2023 j’ai obtenu mon permis de séjour et mon passeport russe en décembre. J’ai même fait un document chez un avocat pour renoncer à la citoyenneté allemande pour qu’on me donne le passeport russe ! С’était mon rêve de devenir citoyen russe.
Votre passion est la moto, aujourd’hui vous êtes à la tête d’une branche internationale des Loups de la nuit [Un club de motards]. Comment avez-vous fait connaissance avec eux ?
Cela s’est passé il y a une dizaine d’années. Pendant un certain temps j’étais animateur de l’émission Alles Deutsch [Tout ce qui est allemand] sur la radio Megapolis FM. Ensuite, cette émission est passée à une autre station de radio où l’une des animatrices connaissait Chirurgien [Alexandre Zaldostanov, président du club de motard Les Loups de la nuit]. Un jour, elle m’invité à une réunion où j’ai fait connaissance avec lui. Et ainsi après quelques réunions j’ai fait partie des Loups de la nuit.
C’est chez eux que j’ai trouvé ce que je n’avais jamais pu trouver nulle part, la vraie fraternité, où les gens pensent et ressentent la même chose que moi. Ils m’ont tout de suite accepté dans leurs rangs. Je leur en suis très reconnaissant. En Occident, on aime présenter les motards de ce club сomme des extrémistes et des terroristes mais en fait ce sont des Russes absolument normaux avec leurs idées, leur idéologie et leur foi. C’est un grand honneur pour moi d’être avec eux et de les aider.
Les Russes sont un peuple consciencieux
Comment avez-vous perçu les événements du 24 février 2022 ?
Jusqu’à ce jour je pensais constamment : « Pourquoi est-ce que la Russie ne fait rien ? » Bien sûr, j’ai soutenu la décision du président de la Fédération de Russie.
Quelle est votre attitude envers l’Occident aujourd’hui, notamment l’Allemagne ?
Auparavant j’étais vraiment en colère de cette attitude envers la Russie. Comment se fait-il qu’ils ne voient pas et ne comprennent pas l’évidence ?! Puis, j’en ai eu assez de m’inquiéter pour eux.
Quand avez-vous visité le Donbass pour la première fois ?
Il y a deux ans, en été, après le début de l’opération militaire spéciale. C’est à cette époque que j’ai créé ma chaîne Telegram pour me battre sur le front médiatique. Je me suis rendu à Mélitopol, à Marioupol, à Donetsk. J’ai beaucoup parlé aux habitants. C’est à ce moment que j’ai senti la douleur du Donbass. Au cours de ce voyage j’ai fait connaissance avec le commandant de la brigade « Piatnachka», j’ai interviewé des soldats, j’ai dormi dans leur camp.
J’ai vu beaucoup de choses que j’avais du mal à imaginer. J’ai parlé à des gens qui habitaient dans des sous-sols. Un jour j’ai demandé à une personne ce qu’elle voulait dire aux Européens. «Rien. Nous avons pitié d’eux», a-t-elle répondu. Je me suis fâché parce que je ne comprenais pas comment il était possible d’avoir pitié de gens qui «crachaient au visage» de tous les habitants du Donbass et qui ne croyaient en rien. Mon interlocuteur m’a expliqué qu’il était possible de reconstruire une maison, mais qu’il était impossible de guérir un esprit malade. Depuis lors, je vais dans le Donbass avec de l’aide humanitaire et je raconte ce qui s’y passe à mes abonnés de divers pays.
Qu’est-ce que vous aimez le plus en Russie et chez les Russes ?
Je n’ai vu nulle part dans le monde ce type de relations que j’ai vues en Russie. Tout est honnête et chaleureux. Les Russes sont un peuple consciencieux. Toute votre culture, votre religion reposent sur la conscience. Ce mot est même fixé par votre constitution. Je n’ai rien vu de pareil nulle part. En Occident, tout le monde ment en permanence. Et les gens y croient. C’est une honte.
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