Le gouvernement libyen a suspendu sa ministre des Affaires étrangères, Najla al-Mangoush, après l'annonce le 27 août d'une rencontre passée avec son homologue israélien, qui a provoqué des manifestations à Tripoli et dans d'autres villes libyennes.
La ministre libyenne des affaires étrangères Najla al-Mangoush «est suspendue provisoirement» et soumise à une «enquête administrative» par une commission présidée par la ministre de la Justice, a annoncé le 27 août au soir le gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah dans un communiqué.
Quelques heures auparavant, le ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen avait annoncé s’être entretenu à Rome la semaine passée avec son homologue libyenne lors d’une rencontre «inédite». «J’ai parlé avec la ministre des Affaires étrangères du grand potentiel que représentent les relations entre les deux pays», a déclaré M. Cohen, selon un communiqué de son bureau.
«Ce qui s’est passé à Rome a été une rencontre fortuite et non officielle, au cours d’une rencontre avec son homologue italien (Antonio Tajani), qui n’a comporté aucune discussion, accord ni consultation », a réagi le ministère des Affaires étrangères libyen dans un communiqué.
La ministre a rappelé «de manière claire et sans ambiguïté la position de la Libye à l’égard de la cause palestinienne», a ajouté le ministère en assurant que Mme Mangoush avait «refusé de s’entretenir avec une quelconque partie représentant l’entité israélienne» et était «restée catégoriquement ferme sur cette position». Le ministère libyen a en outre dénoncé une «exploitation par les médias hébraïques et internationaux» de cet «incident» qu’ils tentent de présenter comme «une réunion ou des pourparlers».
La Libye, plongée dans le chaos depuis le renversement par les puissances occidentales de Mouammar Kadhafi en 2011, n’entretient pas de relations diplomatiques avec Israël.
Après l’annonce israélienne de la rencontre, le Conseil présidentiel (CP) libyen, un organe doté de certains pouvoirs exécutifs, a réclamé «des éclaircissements» au gouvernement, selon la chaîne de télévision Libya al-Ahrar, citant une correspondance confirmée par la porte-parole du CP, Najwa Wheba.
Pour le CP, «ceci ne reflète pas la politique étrangère de l’État libyen, ne représente pas les constantes nationales libyennes et est considéré comme une violation des lois libyennes qui criminalisent la normalisation avec l’entité sioniste».
Une «première étape» selon les Israéliens
Le ministre israélien a dit avoir évoqué avec Mme Mangoush «l’importance de préserver l’héritage du judaïsme libyen à travers la réparation des synagogues et des cimetières juifs dans ce pays».
Il s’agit d’une «première étape dans les relations entre Israël et la Libye», a même dit ce ministre estimant que «la taille et la place stratégique de la Libye offrent une opportunité immense pour l’Etat d’Israël». Cette rencontre s’est déroulée sous les auspices du ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani, selon le communiqué israélien.
La majeure partie de la population juive libyenne a quitté ce pays pendant les vingt années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, principalement pour aller en Israël.
Quelques centaines de juifs vivaient encore en Libye au moment du coup d’Etat en 1969 de Mouammar Kadhafi, qui les a ensuite expulsés, a fait confisquer leurs biens et détruit des synagogues.
Vives protestations dans les rues de Tripoli
Israël a normalisé ces dernières années ses relations avec certaines nations arabes, dans le cadre des Accords d’Abraham sous l’égide des Etats-Unis. Cependant, la politique actuelle du gouvernement de Benjamin Netanyahu a fait l’objet de critiques des pays arabes à la suite de la vague de violences en Cisjordanie occupée ainsi que face à la poursuite de la colonisation dans ce territoire.
Des mouvements de protestation spontanés ont éclaté le 27 août à Tripoli et dans plusieurs banlieues de la capitale en signe de refus d’une normalisation avec Israël, puis ils ont gagné d’autres villes où des jeunes ont coupé les routes, brûlé des pneus et brandi le drapeau palestinien.
Le centre-ville de Tripoli a été paralysé par les manifestants dont un groupe s’est dirigé vers le ministère des Affaires étrangères pour réclamer la démission de Najla al-Mangoush, selon des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Encouragés par les conducteurs des voitures passant à proximité, les manifestants ont tenté de forcer l’enceinte du ministère, brandissant des drapeaux palestiniens.
Libye : Haftar lance une opération militaire contre l’opposition tchadienne au sud du pays