Emmanuel Macron a réuni ce 7 mars les chefs de parti français, après avoir agité l'éventualité d'une présence militaire en Ukraine, vivement critiquée par les dirigeants européens et les oppositions françaises. Il a aussi rencontré la veille ses prédécesseurs François Hollande et Nicolas Sarkozy pour les consulter.
«C’est un moment de vérité», a fait valoir l’entourage du chef de l’État, en évoquant des fissures dans «l’unanimité» constatée encore l’été dernier en France sur le soutien à Kiev.
Emmanuel Macron a présenté ce 7 mars aux dirigeants des formations politiques représentées au Parlement les résultats de la conférence internationale de soutien militaire à l’Ukraine organisée la semaine dernière à Paris.
Un accord bilatéral de sécurité signé le 16 février entre Paris et Kiev fera ensuite l’objet d’un débat, suivi d’un vote non contraignant, le 12 mars à l’Assemblée nationale, puis le lendemain au Sénat. «Je pense que ça clarifiera» les positions, a confié Emmanuel Macron à quelques journalistes le 5 mars en marge d’un déplacement à Prague.
En ligne de mire figure le Rassemblement national (RN), qui fait la course en tête des sondages pour les élections européennes du 9 juin, crédité de 28 à 30% des intentions de vote.
Les macronistes ressassent leurs accusations contre le RN et LFI
L’exécutif français a tiré à boulets rouges ces derniers jours sur le RN mené par son jeune président Jordan Bardella, dont le parti est régulièrement accusé de complaisance vis-à-vis de Moscou, en dépit du soutien de celui-ci à l’Ukraine.
Le Premier ministre Gabriel Attal a ainsi estimé fin février qu’il y avait lieu «de se demander si les troupes de Vladimir Poutine [n’étaient] pas déjà» en France, visant nommément Marine Le Pen. Le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a, lui, jugé la semaine dernière qu’«une grande partie» du Rassemblement national et du parti de la gauche radicale La France insoumise (LFI) étaient des «proxys» de la Russie.
«Ne laissez pas entrer les nationalistes. Ils étaient déjà la guerre. Ils sont désormais la défaite face à la Russie», a enjoint Emmanuel Macron à ses ministres.
Certains critiquent l’utilisation d’une grave question internationale à des fins politiciennes présumées : «Comment ne pas voir un piège fatal pour les opposants d’Emmanuel Macron quand critiquer aujourd’hui l’aventurisme guerrier du chef de l’État revient à prendre le risque d’être transformé en agent du Kremlin ?», s’est ainsi interrogé le Journal du dimanche, marqué à droite.
Hollande est convaincu de bien connaître Poutine
Le 6 mars au soir, Emmanuel Macron a aussi consulté ses deux prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy.
Devant la presse, François Hollande s’est targué d’avoir «beaucoup rencontré» Vladimir Poutine. «Il était toujours dans cette recherche du rapport de force, il veut impressionner, donc la seule réponse possible, c’est de montrer que nous sommes avec les Ukrainiens dans une totale solidarité, que nous leur apportons tout le soutien nécessaire, sans nous-mêmes participer à quelque combat que ce soit», a insisté l’ancien président, qui avait d’ailleurs confié au printemps 2023 avoir voulu avec Angela Merkel utiliser les accords de Minsk pour accorder plus de temps à Kiev.
Interrogé sur d’éventuels envois de troupes occidentales, l’ancien président socialiste a répondu : «Ma position sur les questions militaires c’est : moins on en dit, mieux on agit. Ne pas dire ce que l’on fait, mais faire ce que l’on n’a pas dit. C’est ça qui permet d’avoir le plus d’efficacité.»
François Hollande a aussi donné le coup de semonce de la dégradation des relations entre Paris et Moscou en annulant la commande par les Russes de deux porte-hélicoptères Mistral à la suite du rattachement de la Crimée à la Russie en 2014. Une mesure prise sous pression américaine.
Nicolas Sarkozy s’est montré moins disert. À l’été 2023, l’ancien dirigeant de la droite française s’était démarqué du discours atlantiste en estimant que la France et la Russie avaient besoin l’une de l’autre. En 2008, il s’était illustré en négociant un cessez-le-feu avec Vladimir Poutine à la suite de l’intervention russe en Géorgie.
Le débat s’annonce houleux
Le débat au Parlement s’annonce houleux non pas au sujet de l’accord bilatéral de sécurité, sur lequel porte formellement le vote, mais en raison des récentes déclarations présidentielles sur les options militaires de la France en Ukraine.
Le 26 février, le président français a estimé que l’envoi, à l’avenir, de troupes occidentales en Ukraine ne devait pas «être exclu». Des propos désavoués par la quasi-totalité des dirigeants européens mais aussi par Washington.
Une folie pour les oppositions, de LFI au RN, en passant par le Parti socialiste et le parti de droite Les Républicains, qui ont dénoncé des propos «irresponsables», même si l’exécutif a tenté de préciser le lendemain qu’un tel scénario n’était pas acté et ne concernerait que des missions d’appui aux troupes ukrainiennes, loin des combats.
Les Européens et les Américains se sont presque tous publiquement démarqués de cette position, mais Emmanuel Macron n’en démord pas, ayant appelé le 5 mars lors d’un déplacement à Prague les alliés de Kiev à «ne pas être lâches». Des propos qui ont fait encore grincer des dents à Berlin et Washington.
Les oppositions, de gauche comme de droite, comptent bien rappeler à l’Élysée leur désapprobation farouche à tout envoi de troupes, beaucoup estimant que le président français a affaibli la position française en Europe, mais aussi face à Moscou.
La Russie, de son côté, dénonce depuis mi-janvier et l’annonce par Emmanuel Macron d’une livraison supplémentaire de 40 missiles Scalp à Kiev l’implication croissante de Paris en Ukraine.
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