Des négociations pour autoriser une présence diplomatique israélienne au Qatar pendant les matchs de la Coupe du monde ont échoué. Pourtant, le petit émirat entretient déjà des contacts officieux avec l'Etat hébreu.
L’information est passée quasi-inaperçue. Alors que les deux pays n’ont plus de relations officielles, le Qatar et Israël ont négocié en catimini pour autoriser une présence diplomatique israélienne pendant les matchs de la Coupe du monde de football durant l’hiver 2022, mais en raison de l’insistance israélienne à les rendre publiques, les négociations ont échoué.
Le média israélien i24NEWS explique à ce sujet que des pourparlers secrets entre les deux nations se sont interrompus peu avant un appel téléphonique prévu entre le premier ministre israélien Yaïr Lapid et le chef de la diplomatie qatarie le cheikh Mohammed ben Abdulrahman Al Thani, suite à l’insistance du chef du gouvernement israélien pour rendre l’appel public. Doha a fermement rejeté cette requête.
Le Qatar, prochain pays à normaliser ses relations avec Israël ?
Cet appel était considéré comme une conversation préliminaire à un entretien téléphonique entre le chef du gouvernement israélien et l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, afin de convenir de l’ouverture d’un bureau consulaire israélien à Doha chargé de gérer les affaires des ressortissants venus assister à la Coupe du monde. Malgré l’absence de relations diplomatiques, les autorités israéliennes avaient annoncé le 10 juin que les ressortissants israéliens pourraient entrer au Qatar pour assister au mondial de football. Israël avait par ailleurs l’espoir que le bureau continuerait par la suite à opérer en tant que présence permanente dans l’Etat du Golfe et donc de normaliser officiellement les relations entre les deux pays. Après les Emirats arabes unis, le Bahreïn et plus récemment la Turquie d’Erdogan, le petit émirat aurait ainsi pu devenir le nouvel Etat de la région à pacifier ses rapports avec Israël.
L’absence d’un bureau consulaire israélien à Doha lors de l’événement sportif international signifierait que les ressortissants israéliens se retrouveraient sans assistance en cas de perte de passeport, d’arrestation ou de problèmes médicaux graves.
Du côté de Doha, on se fait plus discret. Attaché à la cause palestinienne, le Qatar avait même temporairement changé sur la billetterie officielle le nom d’Israël pour le remplacer par «territoires palestiniens occupés» selon la sémantique des pays ne reconnaissant pas la souveraineté de l’Etat hébreu.
Doha, soutien du Hamas
De surcroît, Doha est l’un des principaux bailleurs de fonds du Hamas depuis les «printemps arabes». Compte tenu des dissensions avec l’Iran au regard de la situation en Syrie, le mouvement gazaoui s’était rapproché du Qatar. A ce propos, l’émir, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani s’est rendu pour la première fois à Gaza en octobre 2012. Et Khaled Mechaal, chef du bureau politique pour l’étranger du parti islamiste, réside lui-même à Doha.
Depuis 2018, Doha verse chaque mois jusqu’à 30 millions de dollars au territoire palestinien de Gaza pour la reconstruction des infrastructures et le paiement des fonctionnaires, dont ceux du Hamas. En réalité cette aide n’est possible qu’avec l’accord tacite d’Israël. En effet, aucune banque ne peut investir à Gaza et donc l’argent doit physiquement transiter depuis le territoire israélien. Le politologue et spécialiste de l’Islam Gilles Keppel rapportait d’ailleurs dans Le Point que les fonds qataris arrivent en liquide à l’aéroport international Ben Gourion de Tel Aviv, puis sont transportés dans des voitures noires, escortées par le Mossad, qui se rendent à la frontière entre Israël et l’Egypte. Ensuite le Caire délivre l’argent au Hamas pour le règlement des salaires. L’homme qui «porte les valises» du Qatar n’est autre que l’ambassadeur qatari Mohammed al-Emadi. A la suite de la guerre destructrice opposant les combattants du Hamas à l’armée israélienne en mai 2021, Doha avait annoncé une aide supplémentaire de 500 millions dollars pour la reconstruction de la bande de Gaza.
Israël avait même envoyé le chef du Mossad de l’époque, Yossi Cohen, en février 2020 pour rencontrer son homologue des services de renseignement qataris. L’Israélien devait convaincre le Qatar de maintenir l’aide à Gaza pour assurer une paix entre les deux parties.
Malgré l’absence de renormalisation, les deux pays ont par le passé entretenu des relations diplomatiques officielles. Après la visite à Doha du Premier ministre israélien Shimon Peres en 1996, le premier bureau de représentation israélien dans le Golfe ouvrait ses portes à Doha pour défendre les intérêts économiques de l’Etat hébreu. Il a fermé quatre ans plus tard à la demande de l’Organisation de la coopération islamique. Les relations entre le Qatar et Israël se sont maintenues au fil des années, en dépit de certaines tensions apparentes, comme la fermeture du bureau israélien de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera en 2017. Les Qataris sont intéressés par la technologie israélienne, notamment en matière médicale. Quant aux Israéliens, ils importent des dérivés de la production pétrolière de l’émirat.
Un exercice d’équilibrisme diplomatique pour Doha : entre aide financière au Hamas, position officielle pro-palestinienne et contacts officieux avec Israël.
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