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Face à la domination russe de l’uranium enrichi, l’Occident peine à sortir de sa dépendance

Inquiète de la part importante de la Russie dans l'enrichissement de l'uranium mondial, la Maison Blanche chercherait à diversifier ses sources d'approvisionnement et celles de ses alliés.

Lancement le 1er novembre 2022 à Saint-Pétersbourg de la barge devant transporter vers la France la bobine de champ poloïdal numéro 1 (PF1). Elle est l’une des pièces du système magnétique qui confinera le plasma dans la cuve d’ITER.

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«Sevrer le monde» de l’uranium russe, grâce à l’aide des Européens et des Canadiens : visiblement inquiets de la domination russe, Washington chercherait une alternative, relève Bloomberg dans un article-fleuve publié le 23 août. «Nous supportons les coûts d’une dépendance excessive vis-à-vis de la Russie dans le domaine du combustible nucléaire», a déclaré à l’agence Pranay Vaddi, conseiller en questions nucléaires à la Maison Blanche. «Et ce n’est pas seulement nous, c’est le monde entier», poursuit-il.

Karen Fili, directrice d’Urenco Amérique, entreprise spécialisée dans l’enrichissement de l’uranium, explique à Bloomberg qu’une des possibilités envisagées était d’augmenter la production du site d’Eunice au Nouveau-Mexique, à la frontière avec le Texas. Cette usine d’enrichissement fournit actuellement «environ un tiers des besoins en uranium américains» et compte augmenter sa production de «15% d’ici 2027», précise la dirigeante.

Selon elle, une augmentation de la production des sites d’Urenco en Europe – situés en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni – permettrait à terme aux Etats-Unis de se passer de combustible russe pour leurs centrales nucléaires.

Rosatom, acteur incontournable de l’enrichissement de l’uranium

Mais à en croire Bloomberg, l’ambition américaine ne se limite pas à se défaire de sa dépendance vis-à-vis de l’uranium enrichi russe, mais à «bouter» la Russie hors de ce marché. Une tâche loin d’être aisée, dans la mesure où ce pays en est le leader.

D’après des chiffres de 2020 de la World Nuclear Association, le géant Rosatom agglomère à lui seul 46% des capacités mondiales d’enrichissement. En deuxième position on retrouve Urenco (31%), suivi par le français Orano (ex-Areva) et le chinois CNNC avec respectivement 12% et 10% des capacités mondiales.

En somme, Washington et ses alliés européens maîtrisent moins de la moitié de ce marché. «C’est là une âpre réalité pour les dirigeants européens et américains», concède à Bloomberg Daniel Poneman, directeur de Centrus Energy, une autre société américaine de production de combustible nucléaire. «Si la Russie refuse de les fournir en combustible, ils pourraient être contraints d’arrêter leurs réacteurs», avertit-il. Selon lui, les réserves de la plupart des compagnies d’énergie ne dépasseraient pas 18 mois.

Une situation en partie déjà expérimentée, lorsque courant 2022 des entreprises américaines ont d’elles-mêmes coupé leur approvisionnement en combustible russe pour leurs réacteurs nucléaires de troisième génération. Toujours en développement, ceux-ci nécessitent un uranium nettement plus enrichi que la moyenne (20% contre 5% habituellement), le HALEU (pour High-Assay Low-Enriched Uranium), dont Moscou est l’unique producteur mondial.

Outre l’enrichissement de l’uranium, la Russie contrôle également «70% de l’exportation de réacteurs nucléaires», soulignait en avril dernier le think tank américain Energy Innovation Reform Project (EIRP). Le rapport concluait sur le constat suivant : «Réduire le poids global de Rosatom ne sera un défi ni rapide, ni facile.»

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