Les enquêtes conduites par Paris et Niamey n'ont pas permis de faire la lumière sur la mort de trois manifestants au passage d'un convoi de la force Barkhane fin 2021, Le Niger juge néanmoins que les tirs venaient «probablement» de soldats français.
Les enquêtes menées par le Niger et la France n’ont pas permis de savoir qui a tué trois manifestants au passage d’un convoi de la force Barkhane fin 2021, a annoncé Niamey, qui estime toutefois que les tirs venaient «probablement» de soldats français.
La manifestation contre le passage de ce convoi a été l’une des rares sources de tension entre Paris et Niamey, qui entretiennent des relations étroites, contrairement à celles, extrêmement tendues actuellement, entre la France et le Mali. Fin novembre 2021, un convoi militaire de Barkhane, l’opération de l’armée française dans la bande sahelo-saharienne, était parti d’Abidjan pour rejoindre Gao au Mali. Il avait d’abord été bloqué et caillassé par des manifestants à Kaya, dans le centre du Burkina Faso. Il avait repris sa route avant d’être de nouveau interrompu par des manifestants en colère à Téra, dans l’ouest du Niger. Trois d’entre eux avaient été tués, dans des tirs imputés par le gouvernement nigérien à ses forces ou aux forces ou françaises.
En décembre 2021, le président nigérien, Mohamed Bazoum, avait «ordonné une enquête» du Niger sur les heurts, et «exigé des autorités françaises» qu’elles fassent de même.
Le président Mohamed Bazoum évoque des «moyens létaux utilisés par l’armée française»
Dans un entretien accordé aux journaux français La Croix et L’Obs et publié le 18 mai, le président Mohamed Bazoum a déclaré ne pas être satisfait de l’enquête française qui «a consisté à dire que l’armée française avait procédé à des sommations avec des armes létales [et] a conclu que ses militaires n’avaient pas tué». Or, selon le chef d’Etat nigérien, «ce sont probablement les moyens létaux utilisés par l’armée française, à des fins de sommation, qui ont eu pour effet d’atteindre un certain nombre de manifestants et tué trois d’entre eux, des enfants».
«Si la France a une part de responsabilité, le Niger aussi»
«Mais si la France a une part de responsabilité, le Niger aussi», ajoute-t-il. «Nous avions engagé des forces pour maintenir l’ordre et elles n’ont pas été efficaces. Les Français ont dû se dégager eux-mêmes, ils ont dû utiliser des moyens létaux qui ont pu provoquer la mort».
Dans le même entretien, Mohamed Bazoum se déclare favorable à un déploiement «en nombre» au Niger de forces françaises et européennes, contraintes de quitter le Mali, pour lutter contre les djihadistes armés qui frappent au Sahel depuis plus de dix ans.
Dans l’affaire du convoi de Barkhane, l’enquête conduite par la gendarmerie nigérienne «a mis en évidence de graves défaillances du dispositif de maintien de l’ordre prévu pour gérer cette situation» par le Niger, qui «ont amené l’armée française à recourir à la force pour s’extraire de la pression des manifestants», souligne le communiqué nigérien.
«L’enquête menée par l’armée française, quant à elle, tout en reconnaissant le recours par le convoi à la force pour s’extirper de la foule qui le menaçait, conclut que les faits se sont déroulés dans des conditions réglementaires au moyens de tirs de sommation», ajoute-t-il. La manifestation, «qui était loin d’être un évènement spontané», a «impliqué plusieurs personnes [dont] la plupart étaient des jeunes élèves», selon le ministère.
A la suite de ces incidents, le président nigérien avait démis son ministre de l’Intérieur, Alkache Alhada, ainsi que le Haut commandant de la gendarmerie nationale, le général Salifou Wakasso.
Les deux pays dédommageront les victimes ou leurs familles, a annoncé le ministère nigérien de l’Intérieur en publiant dans la soirée du 17 mai les résultats de ces enquêtes, rappelant que 17 civils, sept gendarmes nigériens et sept militaires français avaient également été blessés. Paris et Niamey «se félicitent de leur collaboration dans ce dossier particulièrement sensible [et] se réjouissent de la solution obtenue», saluant «la mémoire des personnes décédées», ajoute le communiqué du ministère.
Le Niger doit faire face aux attaques régulières et meurtrières de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et Daesh au Sahel dans l’ouest, et à celles de Boko Haram et de Daesh en Afrique de l’ouest (Iswap) dans le sud-est.
«Atteintes flagrantes à la souveraineté» : pourquoi le Mali rompt ses accords de défense avec Paris