Washington a publiquement exprimé son opposition aux assassinats d’Israël sur le sol libanais mais n’a jamais essayé d’arrêter Netanyahou.
Cet article a été initialement publié sur RT International par Robert Inlakesh, journaliste et producteur de documentaires.
Dans l’incapacité d’atteindre ses objectifs premiers de destruction du Hamas et de retour des prisonniers par la force, l’armée israélienne a récemment annoncé passer à ce qu’elle appelle «la phase 3» de sa guerre à Gaza.
Malgré des déclarations contraires de la direction israélienne, près d’une douzaine de groupes armés basés sur le territoire palestinien assiégé continue à livrer des combats quotidiens du nord au sud. Si elle a provoqué ce que Martin Griffiths, chargé des situations humanitaires d’urgence à l’ONU, a qualifié de « pire » crise humanitaire ayant tué 30 000 Palestiniens, l’armée d’invasion israélienne n’a pas grand-chose à faire valoir sur le plan militaire.
À la lumière de la débâcle militaire à Gaza où le Hamas n’a fait que gagner en popularité et en crédibilité, l’attention du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou semble s’être déplacée hors des frontières israélo-palestiniennes. C’est probablement dû au fait que le Premier ministre israélien réalise que sa carrière politique touchera effectivement à sa fin sitôt la guerre contre Gaza terminée. Le 2 janvier, Israël a conduit un assassinat par frappe à Dahieh, la banlieue sud de Beyrouth, tuant le chef du bureau politique du Hamas, Saleh al-Arouri avec six personnes qui l’accompagnaient. Cela représente la première attaque israélienne sur la capitale libanaise depuis la guerre entre le Hezbollah et Israël en 2006.
Après la guerre de 2006 entre le Liban et Israël, le secrétaire général du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah a clairement indiqué maintes fois que cibler la capitale nationale était une ligne rouge à ne pas franchir pour le groupe armé. Le gouvernement de guerre d’Israël le savait, tout comme il savait que l’attaque méritait une réponse du Hezbollah qui a été engagé dans de fréquents échanges de tirs le long de la frontière sud-libanaise depuis le 8 janvier.
Dans le premier discours que le secrétaire général du Hezbollah a prononcé en octobre après le début de la guerre entre Gaza et Israël, il déclarait : «Nous ne laisserons pas le Hamas perdre», indiquant que le Hezbollah jouerait un rôle de soutien dans la guerre.
Toutes les forces régionales associées avec le Hamas et les autres groupes armés palestiniens à Gaza ont annoncé la même chose – le fait qu’ils jouaient un rôle de soutien et n’étaient pas engagés dans une guerre à outrance. Dans le cas du Hezbollah, même si Israël cible des civils et des journalistes ainsi que des personnalités éminentes, le Hezbollah s’est tenu à ce qu’il avait dit et n’est pas passé à une guerre de grande envergure.
Israël teste la patience du Hezbollah
Israël teste toutefois la patience du parti libanais, poussant un peu plus loin avec l’assassinat le 8 janvier du commandant de l’infanterie du Hezbollah Wissam Tawil lors d’une frappe aérienne contre sa voiture dans le sud du Liban. En réponse à deux attentats, le Hezbollah a lancé des frappes sur le centre de commandement israélien à Safed et sur la base militaire à Meron dans le nord d’Israël par missiles de haute précision, drones et roquettes. Si ces attaques représentent un saut qualitatif quant au niveau des cibles auxquelles s’attaque le groupe libanais, elles étaient stratégiques et avaient clairement pour but d’éviter que la situation ne dégénère en guerre totale.
Autre opération importante menée par le Hezbollah : l’attaque visant un char israélien Merkava sur une distance de 8 kilomètres avec une arme antichars improvisée et guidée. Ceci a servi d’avertissement à la direction militaire d’Israël signalant que toute tentative d’envahir le territoire libanais sera combattue sur des distances significatives et aboutira probablement à l’échec.
Bien que les capacités du Hezbollah ne soient pas complètement comprises, nous savons des données et évaluations accessibles au public que le groupe a une force militaire permanente d’environ 100 000 combattants armés de centaines de milliers de missiles dont beaucoup à haute précision. Il est largement admis qu’en cas de guerre, le groupe armé libanais est capable de raser des banlieues entières dans des villes comme Tel-Aviv ou Haïfa. Les États-Unis savent tout cela et ont exprimé publiquement leur opposition à la guerre entre le Liban et Israël, et pourtant leurs actions dans la région disent autre chose.
Tout d’abord, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a par deux fois contourné le Congrès pour transférer des munitions à Israël à hauteur de centaines de millions de dollars, tout en apportant un soutien inconditionnel et sans faille à l’offensive israélienne contre Gaza. Tout en donnant le feu vert à Israël pour qu’il commette les actes qui lui chantent et en refusant de sévir pour des assassinats extra-judiciaires au Liban, l’administration Biden a elle-même commandité une attaque en Irak. Les États-Unis ont lancé des frappes aériennes à Bagdad qui ont tué Mushtaq al-Jawari, le commandant des unités de mobilisation populaire (UMP). L’assassinat d’un commandant irakien considéré comme partie intégrante du système de sécurité de l’Iraq était un geste imprudent qui a conduit le Premier ministre irakien à déclarer que les États-Unis avaient violé leurs accords pour rester dans le pays.
Les frappes anglo-saxonnes au Yémen ont aggravé les tensions
Entre-temps au Yémen, dans le cadre de son opération internationale « Gardien de prospérité », l’armée américaine a lancé des frappes sur trois bateaux appartenant du mouvement Ansar Allah (dit houthi), tuant dix personnes et poursuivit avec des frappes aériennes conjointes avec le Royaume-Uni contre des cibles à travers le pays. Alors que les forces houthis qui ont pour siège la ville de Sana’a n’ont tué personne dans leurs attaques contre des navires commerciaux en route vers le port israélien d’Eilat, les États-Unis ont agi rapidement pour aggraver les tensions, préférant cela au fait de satisfaire à la demande toute simple des Houthis de laisser entrer l’aide à Gaza pour sauver la population de la famine.
Dans chaque cas, les États-Unis refusent de s’engager dans la voie diplomatique et d’appliquer le droit international. À la place, ils décrètent la loi de la jungle et ferment les yeux sur la continuation de l’horreur à Gaza. Tout en prétendant ne pas chercher une guerre régionale, leurs actions aggravent les tensions et encouragent le gouvernement israélien à agir contre les intérêts déclarés par Washington en tentant de déclencher la guerre avec le Liban.
Le Hezbollah n’a pour l’heure aucun intérêt pour une guerre puisque la fin de la guerre à Gaza représenterait une victoire massive pour le mouvement national palestinien et promouvrait la fin du siège illégal de la bande de Gaza tout en provoquant des négociations pour un État palestinien. Si le Hezbollah devait s’engager dans une guerre contre Israël, l’accent se déplacerait vers le Liban et les efforts de reconstruction de Gaza seraient sapés dans un scénario d’après-guerre. Il est évident que les efforts du Hezbollah visent à divertir les ressources d’Israël vers le nord et jouer un rôle de soutien en faveur des Palestiniens, ce qui a conduit à une approche extrêmement mesurée de la part du groupe, même confronté à l’attaque sur Beyrouth.
Les seuls à pouvoir bénéficier d’une guerre entre Israël et le Liban sont les chefs de file militaires, politiques et de renseignement israéliens. Les dirigeants israéliens n’ont pas su arriver à une quelconque réussite d’envergure à Gaza. Ils savent que leur temps au pouvoir est limité et semble prêts à entraîner leur propre nation dans une guerre qui ne peut être gagnée. En cas de guerre avec le Liban, ce qui pourrait certainement attiser un conflit régional plus vaste, Israël espèrerait entraîner l’armée américaine. Un tel conflit peut amener à des centaines de milliers sinon à des millions de morts. Tout cela pourrait être arrêté en un jour si l’administration Biden se décidait à réagir, et pourtant, elle semble n’avoir ni la motivation ni la compétence pour prévenir ce scénario apocalyptique.
Le chef des renseignements en Syrie des Gardiens de la révolution iraniens tué dans une frappe israélienne