Les négociations aux Nations unies autour de la non-prolifération des armes nucléaires se sont soldées par un nouvel échec. La Russie, qui a mis son veto au projet de texte final, dénonce le caractère «éhontément politique» de plusieurs paragraphes.
«La conférence est devenue l’otage politique de ceux qui ont empoisonné les discussions pendant quatre semaines avec leurs déclarations politisées, biaisées, sans fondement et fausses sur l’Ukraine», a déclaré le 27 août Andrey Belousov, au sujet de la 10e Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui s’est tenue ce mois-ci.
Pour ce représentant permanent adjoint de la Russie auprès des organisations internationales à Genève, les Occidentaux portent la responsabilité de l’échec des négociations qui se tenaient depuis le 1er août au siège new-yorkais de l’ONU. Pour Belousov, «l’Ukraine et les superviseurs du régime de Kiev» auraient ainsi «tout fait pour empêcher une conférence constructive, efficace et axée sur les résultats».
«Leur désir d’imposer un langage politique inacceptable aux affaires ukrainiennes est une pure provocation de la part de ceux qui sont prêts à sacrifier les résultats du processus d’examen pluriannuel du TNP et à utiliser la conférence pour régler des comptes avec la Russie, soulevant des sujets qui ne sont pas directement liés au traité», a renchéri le diplomate.
Le contrôle de la centrale Zaporojié, au cœur du blocage
Lors de la session finale, où les décisions doivent rencontrer un consensus, le représentant de la Russie, Igor Vishnevetsky, a déclaré que sa délégation avait «une objection clé sur certains paragraphes qui sont éhontément politiques». Le représentant a également insisté sur le fait que son pays n’était pas le seul à avoir des objections sur le texte de façon générale.
Dans le texte de 30 pages, rejeté par la Russie, un paragraphe stipule que «la Conférence exprime sa grande inquiétude» concernant les activités militaires autour des centrales ukrainiennes, «en particulier» Zaporojié, et que la «perte de contrôle» de ce site par les autorités ukrainiennes constituait un «impact important sur la sécurité».
«La conférence reconnait que la perte de contrôle des installations nucléaires […] empêche les autorités ukrainiennes compétentes et l’AIEA de veiller à ce que les activités de garantie puissent être mises en œuvre de manière efficace et sûre», insiste ce passage, selon la branche française de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN).
«Pour la première fois le pilier “nucléaire civil” pourrait donc être “la cause” de l’échec d’une conférence d’examen du TNP», a réagi sur Twitter Jean-Marie Collin, porte-parole de l’ICAN en France.
Pour la première fois le pilier "#nucléaire civil" pourrait donc être "la cause" de l'échec d'une conférence d'examen du TNP #NPTRevCon#NPT2022 …
Et une bonne excuse de non-action ! https://t.co/oV18XEedeQ— Jean-Marie Collin (@jmc_nonukes) August 26, 2022
La centrale de Zaporojié, toujours sous le feu de l’artillerie
Située dans la ville d’Energodar, sur la rive gauche du Dniepr, cette centrale qui alimente la ville de Zaporojié est aux mains de l’armée russe depuis le début de son opération militaire en Ukraine. Considérée comme la plus grosse centrale d’Europe, avec ses six réacteurs nucléaires de 1 000 mégawattheures, elle représente un cinquième de la production électrique ukrainienne.
Depuis sa capture par les troupes russes le 4 mars, le président ukrainien Volodymyr Zelensky accuse Moscou de recourir à la «terreur nucléaire», mettant en garde contre une éventuelle «catastrophe nucléaire», un «nouveau Tchernobyl» qui pourrait entraîner «la fin de l’Europe». Kiev accuse régulièrement la Russie de frapper la centrale.
De son côté, le président russe Vladimir Poutine a mis en garde, lors d’un entretien avec son homologue français Emmanuel Macron le 19 août, contre la possibilité d’une «catastrophe de grande envergure» à la centrale. Il a mis en cause les «bombardements systématiques par les militaires ukrainiens du territoire de la centrale nucléaire» et appelé à éviter «une catastrophe de grande envergure qui pourrait entraîner une contamination radioactive de vastes territoires».
La Russie demande depuis plusieurs mois une inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), initiative à laquelle Kiev s’est catégoriquement opposé durant des mois. «La visite de la centrale ne deviendra possible que quand l’Ukraine reprendra le contrôle sur le site», écrivait début juin sur Telegram Energoatom, l’opérateur ukrainien.
D’après la conseillère du ministre ukrainien de l’Énergie, Lana Zerkal, des experts de l’agence pourraient se rendre sur place «la semaine prochaine». Le 24 août, le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, et celui de l’agence russe Rosatom, Alexeï Likhatchev, s’étaient rencontrés à Istanbul afin de discuter «en détail l’ensemble des sujets relatifs à l’inspection prévue par l’AIEA de la centrale nucléaire».
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