Le gazoduc Nord Stream est entré en maintenance pour dix jours le 11 juillet interrompant totalement ses livraisons pendant cette période. Presse et hommes politiques en Europe et au-delà y voient déjà la fin des livraisons de gaz russe.
Le 10 juillet dernier, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a fait la une des journaux et sites d’informations en ligne en jugeant que «la coupure totale du gaz russe [était] aujourd’hui l’option la plus probable». Le lendemain, Agnès Pannier-Runacher, sa collègue du ministère de la Transition énergétique renchérissait en déclarant dans une interview accordée au quotidien Le Figaro : «Il faut se mettre dans le scenario du pire, car il existe. A tout moment, la Russie peut interrompre totalement ses livraisons de gaz.»
En réalité cette coupure totale du gaz russe n’est pas seulement «probable» mais déjà une réalité depuis le 11 juillet à 7h (heure de Moscou), soit à peu près au moment de l’arrivée dans les kiosques de l’édition du Figaro contenant l’interview de la ministre française.
Une opération de maintenance prévue de longue date
Mais elle ne concerne que les approvisionnements transitant par le gazoduc Nord Stream, et ce pour une durée de dix jours dans le cadre d’une opération de maintenance annuelle prévue depuis longtemps. Cela n’a pas empêché le quotidien allemand Bild, il est vrai connu pour ses outrances, à titrer le 11 juillet «L’Allemagne en plein choc gazier !».
Début juillet, les médias généralistes européens et français se sont désintéressés d’un préavis de grève des ouvriers du secteur énergétique norvégien, qui sans une intervention de l’Etat aurait pu faire, selon le site spécialisé offshore-mag, plonger de 56% la production norvégienne qui représente 23% des approvisionnements en Europe.
Avant l’arrêt pour maintenance de Nord Stream, le 11 juillet, les livraisons de Gazprom par ce gazoduc sous-marin qui relie la Russie à l’Allemagne via la Baltique avaient déjà chuté, mi-juin de 60%, passant de 170 millions de mètres cubes par jour à 63,4 millions.
Le géant gazier russe avait invoqué une panne d’une des turbines du constructeur allemand Siemens utilisée dans une station de compression de la partie située en territoire russe du gazoduc. Gazprom avait demandé le remplacement de cette turbine, mais celles dont disposaient le constructeur allemand se trouvaient dans un de ses ateliers situés au Canada, ou elles étaient sous sanctions.
A propos de la raison technique invoquée par Gazprom pour la réduction des livraisons, le ministre allemand de l’Economie et du Climat Robert Habeck avait alors immédiatement affirmé : «Il s’agit clairement d’une stratégie visant à perturber [le marché] et à faire grimper les prix.»
Depuis, malgré les protestations de l’Ukraine, le Canada s’est finalement décidé à renvoyer cette turbine à l’Allemagne, charge à elle de la faire parvenir en Russie. Dès l’annonce du Canada, les cours du gaz sur la plateforme boursière de référence pour l’Europe (le TTF) ont chuté d’environ 20 %.
Pourtant, beaucoup d’observateurs estiment ou déclarent que les livraisons pourraient ne pas reprendre à la fin de la période de maintenance de Nord Stream. C’est la teneur des propos du ministre français Bruno Le Maire cités plus haut.
C’est aussi celle d’un article daté du 11 juillet publié sur la version européenne du site d’information américain Politco qui titre : «Cauchemar de Nord Stream : Poutine a-t-il définitivement arrêté le gaz européen ? ». Le site avance l’opinion de «certains analystes» qui estiment qu’il est «très probable» que les livraisons ne reprendront pas le 21 juillet à l’issue de la période de maintenance. Parmi eux, Alexander Gabuev, du Carnegie Endowment for International Peace qui, il est vrai n’est pas un cabinet d’analyse des marchés de l’énergie, mais un think tank géopolitique basé à Washington.
Le sort d’une turbine Siemens sous sanctions du gazoduc Nord Stream discuté au G7