Deux ans après le coup de poignard asséné par Berlin, la DGA annonce avoir chargé Airbus et Dassault de plancher sur le successeur des Atlantique 2. Pour autant, Paris refuse de fermer la porte à toute coopération européenne sur ce programme.
Cinq ans pour ça ? La Direction générale de l’armement (DGA) a annoncé le 12 janvier avoir notifié à Airbus et Dassault Aviation deux études d’architecture pour le futur système de patrouilleur maritime (Patmar). Des études sur la base de leurs appareils respectifs : l’A320neo pour la multinationale européenne et le Falcon 10X pour l’avionneur tricolore.
La DGA a notifié à @AirbusDefence & @Dassault_OnAir 2 études d'architecture de système de patrouille maritime futur. Sur la base d'un de leurs avions (A320neo et Falcon 10X), chacun proposera une solution répondant au besoin de @MarineNationale à l'horizon post-2030. pic.twitter.com/9BYGaXGHA8
— Direction générale de l'armement (@DGA) January 12, 2023
Des travaux, de 18 mois, qui «contribueront aux réflexions» sur le successeur des Atlantic 2 (ATL-2) de la Marine nationale, poursuit le communiqué. Un projet initialement convenu, entre Paris et Berlin, dans le cadre du programme Maritime Airborne Warfare System (MAWS) – ou en français Système aéroporté de guerre maritime.
Toutefois, ce programme a pris du plomb dans l’aile lorsque les Allemands ont commencé à trouver le cap des années 2030 bien trop éloigné. Dès juin 2020, la couleur est annoncée, via la fuite dans la presse que le ministère allemand de la Défense a arrêté la rénovation de ses huit patrouilleurs maritimes P-3C Orion. Il faudra toutefois attendre mars 2021, et le feu vert de l’administration Biden à la vente à Berlin de cinq patrouilleurs maritimes P-8A Poseidon (un Boeing 737-800ERX militarisé) pour que Paris aperçoive le mur.
Comment Berlin fait tourner Paris en rond depuis des années
Pour autant, l’espoir a continué de subsister à l’hôtel de Brienne. «Nous allons rapidement clarifier ce sujet avec l’Allemagne» déclarait en mai de la même année, à La Tribune, la ministre des Armées Florence Parly. Cette dernière relate alors avoir proposé aux Allemands une «solution de transition», à partir d’ATL-2 modernisés. Offre à laquelle, selon l’hebdomadaire économique, Berlin n’aurait pas pris la peine de répondre.
Le mois suivant, le Bundestag approuvait l’achat des Poseidon américains. Une «solution provisoire», en attendant la mise en service du MAWS, défendent les Allemands. Livraison prévue de ces appareils de transition à 1,77 milliard de dollars : 2025… les Français n’y croiraient plus, selon la presse spécialisée. En juillet 2021, La Tribune relate que la France, «excédée», claque la porte du programme. L’hebdomadaire économique évoque alors un «plan B» qui serait dans les tuyaux : une «solution franco-française», basée sur le Falcon 10X de Dassault Aviation. Piste que la DGA commence donc, en partie, à mettre en application.
En effet, Paris ne semble pas malgré la déconvenue allemande avoir été refroidie dans sa quête de coopération européenne. «Ces solutions devront rester ouvertes à la coopération avec d’autres partenaires européens», précise la DGA dans son annonce du 12 janvier. Il faut dire que le MAWS ambitionne d’être un «système de systèmes», à l’instar du Système de combat aérien du futur (SCAF) et de son pendant terrestre, le MGCS.
Tout comme celui de l’artillerie du futur (CIFS), ces programmes de coopération franco-allemands furent entérinés dans la foulée de l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. En dopant l’industrie de défense sur le Vieux continent, ceux-ci aspirent à favoriser l’émergence d’une autonomie stratégique européenne si chère au locataire du «Château».
La participation allemande définitivement écartée ?
«En termes de coopération, d’autres pays européens pourraient être intéressés, compte tenu du niveau de savoir-faire qui est un des meilleurs du monde en termes de lutte anti-sous-marine», assurait, fin octobre, l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine nationale, lors d’une audition Sénat.
Sans entrer dans les détails, l’officier général évoque alors des «offres» que des industriels seraient en train de remettre à la DGA pour le replacement des Patmar. Au même moment, côté allemand – où l’on n’a pas officiellement tourné le dos au programme – on attend également les résultats d’une «étude» préliminaire menée par le ministère français des Armées, à en croire Defense News.
Selon l’hebdomadaire américain, le ministère fédéral de la Défense tablait ainsi, «en novembre», sur un «signal» de Paris concernant «la manière de procéder» jusqu’à l’entrée en service du MAWS. Forts de leur budget réhaussé, dans le contexte du conflit ukrainien, les Allemands ont annoncés début juin leur intention d’acquérir… jusqu’à sept P8A-Poseidon supplémentaires.
Les accrocs de Berlin sur le MAWS ne sont pas les seules tâches récentes au tableau de la collaboration franco-allemande. Toujours en matière d’industrie de défense, abstraction faite des péripéties autour du SCAF et du MGCS, le projet de missile antichar du futur (MAST-F) ou encore celui de la modernisation de l’emblématique hélicoptère Tigre ont été torpillés dans les règles par Berlin.
Maxime Perrotin
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