Une ministre a suscité la controverse aux Pays-Bas en proposant que les entreprises néerlandaises recrutent de jeunes chômeurs de banlieues françaises pour pallier à la pénurie de main d’œuvre et les remettre «sur le droit chemin».
«Le taux de chômage des jeunes est très élevé en France, en particulier dans les banlieues. Beaucoup plus élevé que ce que nous connaissons ici», a déclaré le 14 juin la ministre des Affaires sociales Karien van Gennip dans une interview au quotidien néerlandais Algemeen Dagblad.
«Je pourrais imaginer que nous investissions dans les décrocheurs français, ou par exemple espagnols, qui quittent l’école, pour les faire travailler ici dans la restauration ou l’horticulture», a-t-elle ajouté, soulignant que cela permettrait de «remettre les jeunes sur le droit chemin».
Le gouvernement devrait d’abord se soucier de «Rachid d’Utrecht plutôt que de Rachid de Paris»
Plusieurs parlementaires ont aussitôt fait état de leur mécontentement suite à ces propos, qualifiant le plan de la ministre du CDA de centre droit d’irréalisable et d’injuste pour les jeunes chômeurs néerlandais. Il est «dangereux» d’aller chercher des jeunes des «ghettos», a affirmé le député Léon de Jong du Parti pour la liberté (PVV), de la droite radicale.
Le gouvernement devrait d’abord se soucier de «Rachid d’Utrecht plutôt que de Rachid de Paris», a estimé Zohair El Yassini, député du parti libéral VVD. Aller chercher des travailleurs en France est une «idée ridicule», a affirmé le parti de gauche SP.
La controverse a poussé la ministre à s’expliquer lors d’une séance au parlement. Elle a déclaré qu’elle maintenait ses propos mais qu’il n’existait pas de plan gouvernemental pour «aller chercher» les jeunes de banlieues françaises ou espagnoles. Le taux de chômage est historiquement bas aux Pays-Bas, 3,2% en avril, selon l’Office central des statistiques (CBS).
En faisant valoir une mobilité intra-européenne avec des pays comme la France et l’Espagne, la proposition de la ministre néerlandaise Karien van Gennip touche directement à la libre circulation de la main d’œuvre entre pays membres, un des quatre piliers fondateurs de l’UE (avec la libre circulation des marchandises, des services et des capitaux). Souvent présentée comme un «acquis» fondamental du projet européen, cette quadruple libre circulation s’inscrit dans une idéologie libérale qui se heurte régulièrement aux politiques sociales établies aux échelles nationales.
«Libre circulation» des Européens : entre éléments de langage pro-UE et réalité (ANALYSE)