Plombé par les modalités du «bouclier tarifaire», et en particulier la vente à bas pris d’électricité à ses concurrents, EDF a déposé des recours devant le Conseil d’Etat et réclame une indemnité de plus de 8 milliards d'euros.
«EDF a déposé ce jour un recours contentieux auprès du Conseil d’Etat, et une demande indemnitaire, pour un montant estimé à date de 8,34 milliards d’euros, auprès de l’Etat», a annoncé le 9 juillet le producteur d’électricité français dans un communiqué.
Le groupe rappelle qu’à la suite de l’annonce par le gouvernement, le 13 janvier 2022, d’une attribution complémentaire de 20 TWh d’électricité vendue à prix réglementé pour 2022, il avait fait savoir qu’il examinerait «toute mesure de nature à protéger ses intérêts».
Dans ce cadre, le président-directeur général d’EDF Jean-Bernard Lévy avait déclaré lors de son assemblée générale annuelle avoir adressé à l’Etat un recours administratif pour demander le retrait du décret et des arrêtés du mois de mars 2022 relatifs à cette attribution.
Le gouvernement justifiait ces mesures par la volonté de contenir la hausse des tarifs réglementés de l’électricité à 4% en 2022 et avait contraint EDF dont il est le principal actionnaire à augmenter de 20% le quota annuel d’électricité vendu à prix réduit à ses concurrents, à 120 TWh (contre 100 TWh auparavant).
Cette vente se fait dans le cadre du mécanisme appelé «Accès régulé à l’électricité nucléaire historique » (Arenh), régulièrement dénoncé par EDF. Le groupe est ainsi contraint de vendre sa production à prix cassé, au moment où l’électricité atteint des sommets sur les marchés de gros.
«Pas une surprise», selon le ministère de l’Economie
Pour le ministère de l’Economie et des Finances cité par l’AFP, les démarches d’EDF «ne constituent pas une surprise». Et Bercy répond également que «l’Etat continuera à défendre le dispositif de rehaussement de l’Arenh devant le Conseil d’Etat, qui a encore rappelé en juillet dernier l’intérêt général associé à cette décision».
La même source a défendu l’importance du «bouclier tarifaire » et estime que «sans ces mesures, en particulier le volume d’Arenh supplémentaire, les factures des ménages auraient augmenté de 35% TTC».
Jean-Bernard Lévy, dont l’Etat veut désormais accélérer le départ et le remplacement dans le cadre de la renationalisation prévue d’EDF, avait déjà annoncé un recours gracieux au mois de mai, estimant que l’entreprise était pénalisée «considérablement» tant par le prix que par les conditions de ces attributions de volumes d’électricité à bas prix.
EDF, qui doit acheter les volumes d’électricité à prix d’or sur les marchés pour les revendre à ses concurrents, estime que les mesures décidées par le gouvernement amputeront son excédent brut d’exploitation (Ebitda) de quelque 10 milliards d’euros cette année.
Baisse de la production nucléaire
Une facture qui s’ajoute à un autre déboire de taille : la baisse de sa production nucléaire, liée à des problèmes de corrosion sur certains réacteurs, qui devrait lui coûter près de 24 milliards d’euros supplémentaires, selon les dernières estimations publiées fin juillet.
Le groupe ainsi fragilisé financièrement et, par ailleurs, lourdement endetté, doit pourtant mettre en œuvre un ambitieux programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR en France en parallèle du développement des énergies renouvelables.
Pour avoir les coudées franches, le gouvernement a décidé en juillet de renationaliser à 100% le groupe, dont il possède aujourd’hui 84%. Cette opération doit être réalisée via une offre publique d’achat (OPA) à 9,7 milliards d’euros, que le gouvernement envisage de lancer d’ici début septembre. A Bercy on clame aussi que la démarche d’EDF ne modifie en rien «le principe, les modalités et le calendrier» de l’OPA prévue.
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