Malgré l'annonce d'élections anticipées en 2024, de nouvelles manifestations ont fait cinq morts au Pérou. Les manifestants demandent le retour du dirigeant de gauche Pedro Castillo, destitué et arrêté. Mexique, Argentine et Colombie le soutiennent.
La récente annonce de la nouvelle présidente Dina Boluarte d’avancer de 2026 à avril 2024 les élections générales n’a pas suffi à calmer ses opposants. Les manifestations se sont en effet poursuivies, faisant cinq nouveaux morts le 12 décembre, portant à sept le nombre de décès en deux jours. Les protestataires réclament le retour du dirigeant de gauche Pedro Castillo, destitué cinq jours plus tôt par le Parlement sous contrôle de l’opposition, alors même qu’il en avait annoncé sa dissolution et l’instauration de l’état d’urgence. Les manifestants demandent également la fermeture du Parlement et la tenue de nouvelles élections.
Parmi les sept victimes figurent trois adolescents de 15 et 16 ans. Quatre personnes, deux à Chincheros et deux à Andahuaylas, ont été tuées le 12 décembre dans la région d’Apurimac, lieu de naissance de Boluarte et où sont morts deux manifestants la veille.
L’autre décès du 12 décembre, un autre manifestant, est survenu à Arequipa (sud), la deuxième ville du Pérou, lorsque la police est intervenue pour chasser de l’aéroport des centaines de manifestants qui avaient installé des barricades en feu sur la piste.
Pendant la nuit, Dina Boluarte – qui était vice-présidente jusqu’à son investiture le 7 décembre – avait tenté de faire baisser la pression en annonçant qu’elle allait négocier «un accord […] pour avancer les élections générales à avril 2024». Elle a aussi déclaré l’état d’urgence dans les zones les plus affectées par les manifestations.
Mais l’annonce n’a pas enrayé le mécontentement : de nouveaux barrages bloquaient dès le matin du 12 décembre des routes dans la région de La Libertad (nord) et autour des villes de Trujillo (nord-ouest) ou Cusco (sud-est) où se trouve le célèbre Machu Picchu.
A Arequipa (sud), capitale de la région du même nom et deuxième ville du pays, quelque 2 000 manifestants ont pénétré sur les pistes de l’aéroport, suspendant le trafic, avant d’être délogés par la police.
Des syndicats agraires et organisations sociales paysannes et indigènes ont en outre appelé à une «grève illimitée» à partir du 13 décembre.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme s’est dit «préoccupé par le fait que la situation pourrait s’aggraver davantage» et appelle «toutes les personnes concernées à faire preuve de retenue».
Manifestation au Pérou en soutien à Pedro Castillo
Castillo se dit «prisonnier politique»
A Lima, les avocats de l’ancien président Pedro Castillo ont pu s’entretenir avec leur client dans sa prison en périphérie est de Lima avant l’audience en appel qui doit avoir lieu ce 13 décembre au matin.
Ronald Atencio, l’avocat principal du dirigeant de gauche placé en détention provisoire depuis un peu moins d’une semaine, dit espérer obtenir sa «libération immédiate». «La position du président, c’est qu’il est un prisonnier politique et il l’a dit à la Procureure», a signifié l’avocat à la presse.
Haranguant les quelques partisans de l’ancien président présents, il assuré que le «président n'[était] pas bien»” et qu’il avait demandé «l’intervention de la Croix rouge». Toutefois, plusieurs proches de Pedro Castillo se sont montrés rassurants sur son état de santé.
Arrêté alors qu’il se rendait à l’ambassade du Mexique pour demander l’asile politique peu de temps après sa destitution par le Parlement, cet enseignant rural et dirigeant syndical déconnecté des élites est poursuivi par le Parquet pour «rébellion» et «conspiration».
La demande des manifestants de tenir de nouvelles élections est associée à un rejet massif du Parlement, désapprouvé par 86% des Péruviens selon les sondages de novembre.
Les gouvernements de gauche de la région apportent leur soutien à Castillo
Outre l’important soutien populaire dont il bénéficie notamment dans les régions rurales du Pérou, Pedro Castillo a reçu celui des gouvernements de gauche du Mexique, de l’Argentine, de la Colombie et de la Bolivie. Dans un communiqué commun publié le 12 décembre, ceux-ci estiment que le président déchu a été victime depuis le début de son mandat en 2021 d’un mouvement «hostile et anti-démocratique» et cela «en violation de la Convention américaine des droits humains».
«Nous exhortons tous ceux qui sont partie prenante des institutions de s’abstenir de remettre en cause la volonté populaire exprimée lors d’une élection libre», insistent les quatre pays, qui dénoncent en outre le «traitement judiciaire» infligé à Pedro Castillo.
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