Les combats font rage au Soudan depuis un mois entre l'armée et les paramilitaires. Le conflit a fait plus de 1 000 morts et environ un million de déplacés. Les habitants sont également privés d'aide humanitaire.
Frappes aériennes et explosions ont de nouveau secoué le Soudan ce 15 mai, un mois après le début de la guerre pour le pouvoir entre deux généraux. Un conflit qui menace de dégénérer encore, au risque de déstabiliser la région.
Les combats entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo ont fait près d’un millier de morts, et environ un million de déplacés et réfugiés.
Dans la nuit, les deux rivaux ont haussé le ton : le chef de l’armée a entamé une purge au sein des forces de sécurité, de la Banque centrale et des ministères. Et, surtout, il a annoncé le gel de tous les comptes bancaires des FSR, connues pour leur empire commercial basé sur les mines d’or.
Khartoum sans eau ni électricité
En réponse, dans un enregistrement sonore, le général Daglo a promis à son adversaire qu’il serait «jugé rapidement et pendu sur une place publique».
A Khartoum, raids aériens et tirs à l’artillerie lourde n’ont pas cessé depuis un mois. Ses cinq millions d’habitants sont quasiment privés d’eau et d’électricité. Et au Darfour, dans l’ouest, les familles sont terrées chez elles, incapables de sortir pour acheter à manger par peur des balles perdues.
Dans cette région où les armes sont légion depuis la guerre qui a fait environ 300 000 morts dans les années 2000, militaires, paramilitaires, combattants tribaux et civils armés s’affrontent partout.
Dans la seule ville d’El-Geneina, 280 personnes sont mortes les 12 et 13 mai, rapporte le syndicat des médecins. «Des maisons voisines ont été entièrement détruites dans les bombardements», rapporte à l’AFP un habitant. Le 14 mai, «ma maison a été touchée et ma sœur blessée». «On nous rapporte que des snipers tirent sur quiconque sort de chez lui», assure à l’AFP Mohamed Osman, de Human Rights Watch (HRW). Pris au piège, «des gens blessés dans des combats il y a deux semaines meurent chez eux».
Les civils privés d’aide humanitaire
Médecins sans frontières (MSF) souligne que dans les camps de déplacés, «les gens sont passés de trois repas par jour à un seul».
A Djedda, en Arabie saoudite, les belligérants négocient une trêve «humanitaire» pour laisser sortir les civils et faire entrer l’aide. Mais ils se sont uniquement entendus sur le principe du respect des règles de la guerre, renvoyant la question de l’arrêt des hostilités à de futures «discussions élargies». Mais «à peine l’accord de Djedda signé, le chaos a éclaté à El-Geneina», rappelle William Carter, du Norwegian Refugee Council.
«Rien n’a changé depuis le début du conflit, si ce n’est que les gens sont de plus en plus tendus chaque jour», confie à l’AFP un habitant de Khartoum. «La violence des deux camps augmente de jour en jour», renchérit un autre.
Vers une crise incontrôlable en Egypte ?
Un tiers des 45 millions d’habitants dépendaient de l’aide alimentaire internationale avant la guerre. Ils en sont désormais privés : elle a été pillée ou interrompue à la suite de la mort de 18 humanitaires.
L’ONU a néanmoins annoncé ce 15 mai ses «toutes premières distributions de nourriture» dans l’Etat d’Al-Jazira, où se trouve une bonne part du demi-million de déplacés de Khartoum.
L’argent manque parce que les banques, pillées pour certaines, sont fermées depuis un mois, ou parce que les prix ont flambé, multipliés par quatre pour la nourriture ou par 20 pour l’essence.
Les deux militaires paraissent donc plus intéressés par un long conflit que par des concessions à la table des négociations.
Des milliers de réfugiés entrent chaque jour en Egypte, au Tchad, en Ethiopie ou au Soudan du Sud. L’Egypte, qui traverse la pire crise économique de son histoire, s’inquiète. Les autres pays voisins redoutent une contagion. A Khartoum, l’aéroport est détruit, les centres commerciaux pillés et les administrations fermées «jusqu’à nouvel ordre». Ce qu’il reste du service public s’est replié à Port-Soudan, à 850 kilomètres à l’est de Khartoum, une ville épargnée par les violences et où une équipe réduite de l’ONU tente de négocier l’acheminement de l’aide humanitaire.
Les combats font rage au Soudan malgré une énième trêve et la menace de sanctions américaines