Une vingtaine de militants ont mené une action à l’aéroport d’affaires du Bourget. Symbolique, celle-ci intervient dans un contexte où la gauche parlementaire prépare une charge contre les avions privés, au nom du «climat» et de la «justice sociale».
«Pendant que les riches volent, notre avenir s’envole». Ce 23 septembre, des activistes climatiques d’Attac France et d’Extinction Rebellion ont bloqué durant deux heures l’accès au terminal 1 de l’aéroport parisien du Bourget, «empêchant les ultra-riches de prendre leurs vols de confort pour le week-end», souligne le communiqué de l’association altermondialiste Attac. Cette dernière dépeint son action au Bourget comme une «réponse» à la consigne du gouvernement de faire des «petits gestes» pour économiser l’énergie.
Avant d’être délogés par la police, plusieurs militants ont aspergé de peinture rouge l’entrée du bâtiment où ils ont déployé un ruban de signalisation indiquant une «zone de crime climatique». Perchés au-dessus du chemin d’accès, quatre autres activistes ont brandi une banderole dénonçant les «criminels climatiques». Ils ont également installé un compteur censé illustrer le nombre de tonnes de dioxyde de carbone économisées par cette action de blocage, soit une tonne toutes les dix minutes.
Les activistes bloquent le terminal 1 de l’aéroport du Bourget depuis 15h, empêchant les ultra-riches de prendre leurs vols de confort pour le week-end en #JetPrivé. #CriminelsClimatiquespic.twitter.com/U3qguZ7Dmd
— Attac France (@attac_fr) September 23, 2022
Un blocage avant tout symbolique – dans la mesure où les vols n’ont pas été empêchés – dans cet aéroport d’affaires qui se présente comme le premier de son secteur en Europe. En 2019, le Bourget totalisait plus de 54 000 décollages et atterrissages, soit un peu plus de 7% des mouvements totalisés par les trois aéroports franciliens, selon les chiffres d’Aéroports de Paris (ADP), gestionnaire qui de son côté a signalé à l’AFP qu’il porterait plainte contre les associations. Selon une source aéroportuaire de l’agence de presse, plusieurs militants auraient été placés en garde à vue.
«Alors que le gouvernement demande aux plus précaires de réduire l’usage de leur voiture, de baisser le chauffage, de couper le wifi, aucune contrainte ne pèse sur les plus riches», dénonce Annick Coupé, porte-parole d’Attac France. Pour lui, «il est urgent de stopper les criminels climatiques et d’interdire les jets privés !» «Un milliardaire comme Bernard Arnault émet près de 9 000 tonnes d’équivalent CO2 par an, soit les émissions moyennes d’un Français sur 1 870 ans», poursuit-il.
Encadrement des jets privés : entre l’anecdotique et le symbolique
Des propos qui s’inscrivent dans la lignée de ceux de la direction d’Europe Ecologie-les-Verts (EELV). Le 19 août, Julien Bayou, qui assurait encore la co-présidence des écologistes au Palais Bourbon, déclarait dans une interview à Libération son intention de déposer à l’automne une proposition de loi pour interdire les jets privés.
Dans son collimateur : les «vols caprices» des «ultra-riches» au moment où «l’on demande beaucoup d’efforts à la population», comme il le déclarait sur le plateau d’Apolline de Malherbe. La journaliste de BFMTV venait de lui rappeler que ces vols privés pèsent peu dans les émissions mondiales de dioxyde de carbone.
Mais bien plus qu’une mesure de protection de l’environnement, la gauche a fait de la réglementation des jets un totem de la lutte contre les injustices sociales à l’heure où le gouvernement appelle les Français à la sobriété. Les vols d’affaires, un secteur «qui bénéficie d’aides et d’exonérations fiscales importantes qui sont estimées à la Cour des comptes entre 7 et 10 milliards d’euros par an», dénonçait au micro de France Culture Julien Rivoire, un autre porte-parole d’Attac France, en réaction à la proposition de Julien Bayou.
Du côté du gouvernement, la question semble diviser. Si Clément Beaune, ministre délégué aux Transports, n’avait pas fermé la porte à une réglementation, aux yeux d’Agnès Pannier Runacher, la pollution des jets tient en revanche de l’épiphénomène en comparaison des rejets d’autres activités économiques. «C’est clairement un problème limité en termes d’impact climatique, et donc que les écologistes en fassent un combat montre à quel point ils sont à côté de la plaque», avait lâché le 30 août sur France Inter la ministre de la Transition énergétique.
Agnès Pannier-Runacher sur le débat autour des jets privés : "Que les écologistes en fassent un combat montre à quel point ils sont à côté de la plaque" #le7930interpic.twitter.com/stALW0gumr
— France Inter (@franceinter) August 30, 2022
Depuis, deux propositions de loi visant à encadrer les vols des jets privés ont été déposées par la gauche parlementaire.
Du côté du Sénat, des élus communistes soutiennent un texte visant à limiter le recours aux vols privés quand certaines alternatives en train existent. Un texte baptisé «loi PSG», en l’honneur d’une plaisanterie de l’entraîneur du club de foot parisien qui a apporté beaucoup d’eau au moulin des anti-jets.
En revanche, à l’Assemblée, on se montre beaucoup plus offensif, avec une volonté d’interdire purement et simplement les avions privés dans le ciel français, comme le soutiennent 63 députés insoumis et quatre communistes dans leur proposition de loi. Deux textes auxquels devrait s’ajouter un troisième, celui initialement promis par Julien Bayou.
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