La gauche, représentée par Gustavo Petro, est arrivée largement en tête du premier tour de l'élection présidentielle du 29 mai. Il fera face le 19 juin au millionnaire Rodolfo Hernandez, candidat indépendant qui a devancé la droite classique.
L’opposant de gauche Gustavo Petro est arrivé largement en tête du premier tour de l’élection présidentielle en Colombie qui s’est déroulé le 29 mai, et affrontera au deuxième tour le magnat Rodolfo Hernandez, candidat indépendant arrivé devant la droite traditionnelle. La déroute de celle-ci constitue la principale surprise de l’élection.
Favori des sondages durant toute la campagne, le sénateur Gustavo Petro, ancien guérillero et ancien maire de Bogota, a obtenu près de 40% des voix, selon les résultats officiels. Rodolfo Hernandez, personnage qui a pu être surnommé par la presse locale le «Trump colombien», est arrivé en deuxième position avec plus de 28% des suffrages. Le candidat conservateur Federico Gutierrez, dit «Fico», est quant à lui arrivé troisième avec près de 24% des voix, malgré le soutien des élites traditionnelles du pays, et a appelé ses électeurs à voter pour Rodolfo Hernandez.
De l’avis de nombreux observateurs, Gustavo Petro, âgé de 62 ans, a su exploiter la soif de changement manifesté par les Colombiens face aux inégalités et à la corruption, avec son slogan «pour la vie». Les quatre années de mandat du président conservateur sortant Ivan Duque, qui ne pouvait pas se représenter, ont été marquées par la pandémie, la récession économique, des manifestations antigouvernementales massives dans les villes et une aggravation de la violence des groupes armés dans les campagnes.
«Ce vote est un message au monde qu’une ère touche à sa fin», a commenté Gustavo Petro, sous les acclamations de ses partisans. Pour sa troisième fois participation à l’élection présidentielle, il a comme colistière pour la vice-présidence Francia Marquez, une activiste afro-colombienne au discours féministe et antiraciste.
L’accession du candidat de gauche à la magistrature suprême représenterait un changement majeur dans le pays, après des décennies de monopole des conservateurs sur le pouvoir. «[Mais] il peut y avoir des changements qui sont un vide, des changements qui seraient un suicide», a mis en garde Gustavo Petro, en référence à son adversaire du second tour. «Nous voulons inviter l’ensemble de la société colombienne à faire un vrai changement. Aujourd’hui, nous devons définir quel changement nous voulons, s’il s’agit de se suicider ou d’avancer», a-t-il insisté, rappelant que Rodolfo Hernandez est accusé de corruption.
L’élimination surprise de la droite classique
Rodolfo Hernandez, âgé de 77 ans et ex-maire de la ville de Bucaramanga dans le nord du pays, est un homme d’affaires qui vilipende à longueur de discours la corruption, même s’il a lui-même été mis en cause dans des affaires similaires. «Aujourd’hui, le pays a gagné parce qu’il ne veut pas continuer un jour de plus avec les mêmes personnes qui nous ont amenées à la situation douloureuse que nous connaissons», a-t-il commenté après les résultats. «Nous savons désormais qu’il existe une volonté ferme des citoyens de mettre fin à la corruption en tant que système de gouvernement», s’est-il félicité, jugeant que «les prochains jours seront décisifs pour déterminer l’avenir du pays».
Alors que Federico Gutierrez a été considéré tout le long de la campagne comme le challenger de Gustavo Petro, ces résultats marquent la déroute historique de la droite colombienne traditionnelle, à l’image de son mentor, l’ancien président Alvaro Uribe, aujourd’hui englué dans les démêlés judiciaires. Reconnaissant sa défaite, le candidat de droite a immédiatement appelé à voter pour Rodolfo Hernandez le 19 juin. «Nous ne voulons pas perdre le pays et nous ne mettrons pas en danger l’avenir de la Colombie, de nos familles et de nos enfants», a-t-il déclaré. «Gustavo Petro […] n’est pas bon pour la Colombie. Il serait un danger pour la démocratie, pour les libertés et les droits», a affirmé Federico Gutierrez.
«Il y a quinze jours, personne n’aurait pu imaginer qu’un tiktokero [fan de Tiktok] serait la force de ce premier tour» et qu’il pourrait devenir «le pire cauchemar de [Gustavo] Petro», a commenté le média en ligne Cambio à propos du succès de Rodolfo Hernandez. D’après ce média, celui-ci a réussi, à la faveur d’une campagne éclair sur les médias sociaux, «à rencontrer les aspirations d’une partie de la population et à devenir le seul candidat capable de battre [Gustavo] Petro». «Beaucoup de gens ont réalisé qu’il avait une meilleure chance de battre [Gustavo] Petro que “Fico”», analyse Michael Shifter, professeur à l’Université américaine de Georgetown, interrogé par l’AFP.
Rodolfo Hernandez s’est affirmé, d’après lui, comme «la figure anti-establishment et anti-politique la plus attirante. Il a capté le vote des électeurs en colère, mais toujours méfiants» envers le candidat de gauche. Selon Michael Shifter, les sondages montrent que le millionnaire aurait de bonnes chances de battre Gustavo Petro au deuxième tour.
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