La tension entre l'UE et la Pologne concernant ses réformes judiciaires est toujours vive. A la suite d'arrêts du Tribunal constitutionnel polonais contestant la primauté du droit européen, la Commission européenne a saisi la justice de l'UE.
La Commission européenne a annoncé ce 15 février saisir la justice de l’UE contre Varsovie, à la suite d’arrêts du Tribunal constitutionnel polonais contestant la primauté du droit européen, une étape pouvant conduire in fine à des sanctions financières.
L’exécutif européen qui se veut le gardien du respect des traités dans l’UE, avait envoyé en juillet dernier un «avis motivé» à la Pologne, une nouvelle étape dans une procédure d’infraction lancée en décembre 2021.
La réponse de Varsovie, «rejetant le raisonnement» de l’avis motivé, «n’a pas permis d’apaiser les craintes de la Commission», qui a en conséquence décidé de saisir la Cour de justice de l’UE (CJUE) d’un recours contre la Pologne, a fait savoir Bruxelles via un communiqué.
L’UE est engagée dans un bras de fer depuis plusieurs années avec le gouvernement conservateur nationaliste au pouvoir à Varsovie à propos de ses réformes judiciaires, accusées de saper l’indépendance des juges.
Le conflit s’est aggravé avec une décision en juillet 2021 du Tribunal constitutionnel polonais, déclarant non conformes à la Constitution les décisions de la CJUE à propos des réformes judiciaires polonaises.
Les tensions se sont encore accrues le 7 octobre 2021, quand le Tribunal constitutionnel polonais, saisi par le Premier ministre Mateusz Morawiecki, a contesté la suprématie du droit européen en jugeant certains articles des traités de l’UE «incompatibles» avec la Constitution du pays.
«Par ces décisions, le Tribunal constitutionnel a enfreint les principes généraux d’autonomie, de primauté, d’effectivité et d’application uniforme du droit de l’Union, ainsi que le caractère contraignant des arrêts de la CJUE», a estimé la Commission dans son communiqué. Or, «la primauté du droit européen garantit son application égale dans l’ensemble de l’Union», a-t-elle rappelé.
Le ministre de la justice polonais dénonce un «chantage»
Bruxelles estime par ailleurs que «le Tribunal constitutionnel polonais ne répond plus à l’exigence d’un tribunal indépendant et impartial préalablement établi par la loi». Le ministre polonais de la Justice, Zbigniew Ziobro, a réagi avec fureur, accusant l’UE d’attaquer la Pologne et de conspirer avec l’Allemagne pour saper l’indépendance de son pays en vue de créer une fédération centralisée avec «une capitale réelle à Berlin».
«Cette demande et le chantage dans cette affaire visent à éliminer l’Etat polonais tel que nous le connaissons, au sens de la Constitution polonaise», a déclaré le ministre.
De son côté, le ministre polonais des Affaires européennes, Szymon Szynkowski vel Sek, a tenté de minimiser l’affaire. «Je vous incite à ne pas donner à cette décision [de Bruxelles] un caractère particulier car c’était une décision attendue […], c’est simplement une autre étape, prévisible, de la procédure menée par la Commission européenne», a-t-il affirmé devant les journalistes.
440 millions d’euros d’amendes
La Pologne doit déjà verser une amende journalière d’un million d’euros pour ne pas avoir mis en œuvre une décision de la CJUE sur le régime disciplinaire des juges en Pologne, une sanction en vigueur depuis novembre 2021.
Le montant de ces amendes a dépassé à ce jour 440 millions d’euros, dont une partie est déduite des fonds européens versés au pays.
Une loi supprimant une instance controversée, la chambre disciplinaire de la Cour suprême pour les juges, est entrée en vigueur en juillet 2022, mais sans satisfaire la Commission ni entraîner la levée de la sanction.
Le président polonais a saisi la semaine dernière la Cour constitutionnelle du pays d’un texte de loi sur les questions disciplinaires, censée selon Varsovie ouvrir la voie au déblocage par l’UE de fonds de relance européens équivalant à 35 milliards d’euros.
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