Seize minutes d’enregistrement suscitant l’incompréhension et la confusion ont été diffusées le 24 janvier par la cour d’assises spéciale de Paris à l’occasion du procès des attentats de Trèbes et Carcassonne lors desquels le gendarme Beltrame a été tué.
Au procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, la cour spéciale de Paris a diffusé le 24 janvier l’enregistrement audio de la négociation avec l’assaillant islamiste du gendarme Arnaud Beltrame, tué dans un supermarché le 23 mars 2018. Lorsque la cellule de négociation des gendarmes appelle, depuis la banlieue parisienne, le supermarché de Trèbes, Radouane Lakdim, 25 ans, avait déjà abattu deux personnes.
Alors que le terroriste et Arnaud Beltrame, qui a pris la place d’une caissière prise en otage, ont déjà passé trois heures dans un minuscule local en tête-à-tête, un négociateur parvient à les joindre par téléphone.
Radouane Lakdim réclame alors la libération de Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos des attentats du 13 novembre 2015. «Vous savez que ça ne se fait pas comme ça […] c’est pas moi qui décide», lui rétorque son interlocuteur, dans des propos rapportés par l’AFP.
«Je suis là pour mourir»
«Appelez les chefs, je suis là pour mourir», répond l’assaillant, prêt au «martyre». Le négociateur l’interroge : «Votre maman, elle est au courant de tout ça ?» Ce à quoi le preneur d’otage rétorque : «Elle est pas d’accord avec moi ma mère, c’est une épreuve. Elle veut pas comprendre alors chacun sa tombe.» Le négociateur insiste : «Si vous faites ça, vous allez la rendre triste votre maman.»
C’est alors qu’Arnaud Beltrame crie : «Attaque, assaut, assaut» pour indiquer aux gendarmes d’intervenir, comme l’a expliqué le 23 janvier le chef-négociateur à la barre. Mais à cause de la «saturation» provoquée par les cris, les négociateurs pensent alors à des coups sur «une armoire métallique» et que les cris sont ceux de l’assaillant qui «s’énerve».
Dans la salle d’audience, les dix minutes qui suivent sont entrecoupées des râles d’Arnaud Beltrame, relate l’AFP, qui vient probablement d’être blessé au cou à coups de couteau. Des râles que les négociateurs ne perçoivent pas comme tels.
L’agonie d’Arnaud Beltrame
«Radouane, vous m’entendez ?», demande alors le négociateur. «J’entends du bruit dans la pièce, Arnaud, c’est vous ?», poursuit-il, sans résultats. S’ensuivent plusieurs minutes de silence et de râles. «Comment tu vois la suite, dans cinq minutes, 30 minutes, une heure, qu’est-ce qui va se passer ?», interroge le négociateur, dans une tentative de poursuivre la discussion avec le terroriste.
De nouveaux râles se font entendre puis le négociateur demande : «Arnaud, c’est toi qui fais ces bruits ? Tu es blessé ? Arnaud, grogne un coup si c’est toi, un coup franc maintenant.» Pas de réponse. Après, l’enregistrement fait état d’un énorme vacarme avec des cris et des coups de feu, les gendarmes viennent de donner l’assaut sur place et Radouane Lakdim est abattu.
Les paroles des gendarmes résonnent alors dans la salle d’audience. «Secours, secours vite, médic, médic, médic !», puis un militaire s’adresse à Arnaud Beltrame : «Tenez le coup mon colonel, respirez mon colonel, allez mon colonel, ça va aller… On s’accroche mon colonel», avant que l’enregistrement ne prenne fin. Le gendarme Arnaud Beltrame succombera à ses blessures dans la nuit à l’hôpital. Le 23 janvier, le chef-négociateur a reconnu que la séquence «avait duré trop longtemps».
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