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France : avec sa loi sur les dérives sectaires, la majorité veut-elle museler les opinions ?

Un article polémique de la loi sur les dérives sectaires avait été supprimé par le Sénat avant d’être finalement adopté ce 15 janvier, suscitant la colère des oppositions de droite.

La Cour des comptes (image d'illustration)

Près de 500 signalements sur la plateforme pour «lanceurs d’alerte» de la Cour des comptes

«Vous ne luttez pas contre les dérives sectaires, vous luttez contre ceux qui ne pensent pas comme vous» : le député non inscrit Nicolas Dupont-Aignan est monté au créneau le 14 février face à l’article 4 du projet de loi «visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes».

Le président de la commission des Lois, Sacha Houlié, avait demandé le 14 février une nouvelle délibération, après le rejet de l’article controversé en première lecture à l’Assemblée nationale. Le texte a été voté avec 151 voix pour et 73 contre.
Celui-ci prévoit la création d’un délit pour «provocation à l’abstention ou à l’abandon de soins», avec jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende.

Un article présenté par le rapporteur du projet de loi, Sabrina Agresti-Roubache, comme «une disposition innovante» qui constitue «une avancée majeure dans la lutte contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire». Est également visée «la diffusion de techniques propres aux dérives sectaires dans le domaine de la santé, un phénomène qui prend une ampleur particulière sur les réseaux sociaux».

Le texte entretient le flou sur les pratiques visées. Reste que le député et ancien ministre de la Santé Olivier Véran a explicitement cité le professeur Raoult en le qualifiant de «charlatan de la Cannebière».

Le Conseil d’État avait recommandé la suppression de l’article

Ce nouveau délit avait déjà été pointé du doigt en novembre par le Conseil d’État, qui en avait recommandé la suppression. La plus haute juridiction administrative avait souligné le risque de remettre en cause «la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte». 

Nicolas Dupont-Aignan a lui aussi dénoncé les conséquences du texte pour les «lanceurs d’alerte», et fustigé «une manœuvre pitoyable du gouvernement». Aussi a-t-il accusé «une certaine gauche» de ne pas s’être mobilisée, visant La France insoumise. LFI, qui avait dénoncé le texte, n’a pas mobilisé ses élus puisque seuls 19 de ses députés ont voté contre la loi.

Dans les rangs du Rassemblement national, 41 députés sur 88 ont voté contre. Par ailleurs, seuls 12 des 62 élus républicains (LR) se sont opposés au texte. La majorité a elle pu compter sur le soutien du groupe socialiste, dont plus de la moitié des députés a soutenu le texte.

Incidents dans l’hémicycle

Le vote a été émaillé d’esclandres, de suspensions de séances et de rappels au règlement. La présidente du groupe Rassemblement national a notamment eu une passe d’armes avec Olivier Véran. Ce dernier a ainsi lancé : «J’ai tapé “gourou et Raoult” sur Google, il y a plus de réponses que pour “science et Le Pen”.»

Ce à quoi Marine Le Pen a répondu que des ministres et maires de la majorité avaient été soignés par le professeur Raoult. « S’il y a bien une personne qui ne devrait pas prendre la parole aujourd’hui, c’est Olivier Véran, qui a dit tout et l’inverse de tout durant la crise Covid. Et il a dit n’importe quoi. Et ça a été scientifiquement démontré», a-t-elle asséné.

Sur le fond, l’ancienne candidate à la présidentielle a estimé que ce texte représentait «un danger». «La liberté d’expression doit seulement être touchée avec une main qui tremble. Vous, vous arrivez avec des gros sabots !», a-t-elle ajouté.

Le député LR Aurélien Pradié a de son côté dénoncé «l’incurie et le bricolage» du gouvernement qui, selon lui, «a renforcé ceux qu’il prétend combattre».

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