La mairie de Washington a décidé de rebaptiser la rue située en face de l'ambassade d'Arabie saoudite au nom du journaliste assassiné sur ordre de la monarchie, alors que Joe Biden est revenu sur ses promesses en annonçant une visite à Riyad.
Un coup symbolique : la rue située en face de l’ambassade d’Arabie saoudite à Washington a été rebaptisée le 15 juin au nom de Jamal Khashoggi, le journaliste saoudien assassiné et démembré dans le consulat de son pays à Istanbul en 2018. La mairie de la capitale des Etats-Unis a dévoilé le panneau «Jamal Khashoggi Way» en hommage au dissident, dont la mémoire a été honorée un mois avant la visite controversée de Joe Biden dans le royaume du Golfe.
Hasard du calendrier, la cérémonie a eu lieu au lendemain de l’annonce du voyage du président américain en Arabie saoudite (prévu mi-juillet) au cours duquel il doit rencontrer le prince héritier Mohammed ben Salmane, pourtant accusé par le renseignement américain d’avoir «validé» l’assassinat du chroniqueur du Washington Post.
Biden a abandonné son engagement à défendre les droits humains à travers le monde
La nouvelle rue servira de «rappel constant» et de «mémorial pour que le souvenir de Jamal Khashoggi ne puisse jamais être étouffé», a déclaré Phil Mendelson, président du conseil municipal qui avait voté à l’unanimité en faveur du nouveau nom. Tawakkol Karman, militante yéménite lauréate du prix Nobel de la paix en 2011, a estimé lors de la cérémonie que la future visite présidentielle dans le royaume du Golfe signifiait que «[Joe] Biden a abandonné son engagement à défendre les droits humains à travers le monde».
Sarah Leah Whitson, de l’organisation de défense des droits humains Democracy for the Arab World Now, fondée par Jamal Khashoggi, a elle dénoncé une «capitulation éhontée» de la part du dirigeant démocrate. «Nous voulons rappeler aux gens qui se cachent derrière ces portes que chaque jour, chaque heure, chaque minute, ceci sera dorénavant la rue Jamal Khashoggi», a-t-elle lancé en désignant l’ambassade face à elle. «Nous les tiendrons pour responsables de l’assassinat de notre ami […] qui a osé défier la tyrannie de Mohammed ben Salmane», a-t-elle lancé.
Joe Biden avait affirmé avant son élection à la Maison Blanche que l’Arabie saoudite devait être traitée en Etat «paria» et promis, lors de son arrivée au pouvoir, un «recalibrage» des relations avec ce partenaire stratégique de l’Amérique, qualifié par son prédécesseur républicain Donald Trump d’«excellent allié». A l’inverse, le président démocrate avait fait savoir qu’il refuserait d’échanger directement avec le prince jusqu’au revirement annoncé le 14 juin.
La ville de Washington n’en est pas à son premier coup d’éclat symbolique. L’ambassade de Russie se trouve ainsi sur la «Boris Nemtsov Plaza», du nom de l’homme politique tué près du Kremlin en 2015, meurtre qui avait donné lieu à nombre de spéculations, dont des accusations portées contre les autorités russes. L’enquête avait finalement établi que le meurtre était sans lien avec les activités politiques de Boris Nemtsov. En revanche, les velléités de la municipalité américaine de renommer la rue de l’ambassade de Chine en hommage à Liu Xiaobo, dissident chinois prix Nobel de la paix en 2010 et mort en détention, ont buté sur l’opposition de Pékin.
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