Au coeur des critiques autour du Fonds Marianne lancé par Marlène Schiappa, le préfet Christian Gravel a démissionné après la publication d'un rapport accablant dénonçant le traitement privilégié de l'une des associations bénéficiaires.
Christian Gravel a « souhaité remettre sa démission, qui a été acceptée ». C’est par ces mots que le ministère de l’Intérieur a annoncé le départ du patron du CIPDR, l’organisme qui était en charge de ce fonds lancé le 20 avril 2021 par Marlène Schiappa, alors ministre délégué à la Citoyenneté après le choc causé par l’assassinat du professeur Samuel Paty.
Initialement doté de 2,5 millions d’euros, il visait à financer des associations portant des discours de promotion des valeurs de la République pour lutter contre le « séparatisme » et apporter, notamment sur les réseaux sociaux, la contradiction à l’islam radical.
La décision de Christian Gravel a été prise à la suite de la publication ce mardi par Beauvau d’un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) visant la subvention versée à l’USEPPM (Union des Sociétés d’Education Physique et de Préparation Militaire), la principale lauréate du fonds.
Le CIPDR « n’a pas accompli les diligences nécessaires au bon suivi de l’exécution de la subvention versée à l’USEPPM », dénonce l’Inspection, dans un rapport qui énumère de nombreux griefs. Ce manquement « procède » notamment « de défaillances dans l’organisation du service, d’un défaut de vigilance et d’un traitement privilégié réservé à cette association » par le CIPDR. Celui-ci n’aurait pas suffisamment « pris en compte » les alertes spécifiques d’un agent sur l’USEPPM. Il a eu « un suivi insuffisant sur l’exécution de la subvention », selon l’IGA.
« Sur l’ensemble du processus, en amont comme en aval », l’IGA note « une carence grave dans les diligences attendues de l’encadrement supérieur d’un service d’administration centrale chargé de veiller à l’affectation conforme des deniers publics ».
Manque de transparence et d’équité
L’IGA estime que « l’appel à projet » du CIPDR, au printemps 2021, pour sélectionner les initiatives « n’a été ni transparent ni équitable ». Et en particulier que « l’USEPPM n’était pas éligible au bénéfice d’un financement ».
L’IGA juge que « le volume et la qualité des publications » (451 communications sur différents comptes, 8 articles sur un site internet) sur les réseaux sociaux et internet sont « inférieurs à la production prévue ».
Doublements de salaires
Elle regrette que « l’utilisation faite de la subvention » par l’USEPPM « n’a pas été conforme aux objectifs fixés dans la convention » entre elle et le CIPDR.
La mission a « identifié des doublements de salaires », « certains mois », pour les deux principaux porteurs du projets – dont le président de l’USEPPM. Ce dernier, salarié à mi-temps sur ce projet, « exerçait en parallèle une activité d’entrepreneur en province », souligne l’IGA, qui détaille aussi des dépenses « non imputables » au projet, comme ces 11 abonnements téléphoniques mobiles, au lieu de deux nécessaires.
L’IGA a par ailleurs relevé « des irrégularités, susceptibles de revêtir le caractère d’infraction pénale et de faute disciplinaire ». Par exemple, l’infraction de « faux et d’usage de faux », la liste des administrateurs versée au dossier de candidature ne mentionnant pas « l’identité d’un des porteurs du projet, pourtant administrateur ».
Travail dissimulé
Ou encore l’infraction de «travail dissimulé» : les salaires surnuméraires de deux porteurs de projet ont-ils été déclarés ?, se demande l’IGA, qui évoque aussi «l’éventualité d’une fraude fiscale» et devrait dénoncer l’ensemble des faits et soupçons à la justice.
Le rapport précise que le montant de la subvention a été fixé initialement, en mai 2021, à «355.000 euros sur un an». Seul un versement de 266.250 euros a été effectué. L’IGA réclame que «le CIPDR demande à l’USEPPM le remboursement de près de la moitié de la subvention versée», soit «127.476 euros».
Gravel avait été le premier à être auditionné, mi mai, par la Commission d’enquête du Sénat sur ce fonds. Il avait précisé que cette initiative découlait d’ »une commande politique » de Marlène Schiappa.
Par ailleurs, début mai, le parquet national financier (PNF) a ouvert une information judiciaire pour des soupçons de détournement de fonds publics dans la gestion de ce fonds.
Rupture de médicaments en France : les pharmaciens tirent la sonnette d’alarme