Au cœur des critiques autour du Fonds Marianne lancé par Marlène Schiappa, le préfet Christian Gravel a démissionné après la publication d'un rapport accablant dénonçant le traitement privilégié de l'une des associations bénéficiaires.
Christian Gravel a «souhaité remettre sa démission, qui a été acceptée». C’est par ces mots que le ministère de l’Intérieur a annoncé le départ du patron du CIPDR, l’organisme qui était en charge du Fonds Marianne lancé le 20 avril 2021 par Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté, après le choc causé par l’assassinat du professeur Samuel Paty.
Initialement doté de 2,5 millions d’euros, ce fonds visait à financer des associations portant des discours de promotion des valeurs de la République pour lutter contre le «séparatisme» et apporter, notamment sur les réseaux sociaux, la contradiction à l’islam radical.
La décision de Christian Gravel a été prise à la suite de la publication le 6 juin par Beauvau d’un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) visant la subvention versée à l’USEPPM (Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire), la principale lauréate du fonds.
Le CIPDR «n’a pas accompli les diligences nécessaires au bon suivi de l’exécution de la subvention versée à l’USEPPM», dénonce l’Inspection, dans un rapport qui énumère de nombreux griefs. Ce manquement «procède» notamment «de défaillances dans l’organisation du service, d’un défaut de vigilance et d’un traitement privilégié réservé à cette association» par le CIPDR. Celui-ci n’aurait pas suffisamment «pris en compte» les alertes spécifiques d’un agent sur l’USEPPM. Il a eu «un suivi insuffisant sur l’exécution de la subvention», selon l’IGA.
«Sur l’ensemble du processus, en amont comme en aval», l’IGA note «une carence grave dans les diligences attendues de l’encadrement supérieur d’un service d’administration centrale chargé de veiller à l’affectation conforme des deniers publics».
Manque de transparence et d’équité
L’IGA estime que «l’appel à projet» du CIPDR, au printemps 2021, pour sélectionner les initiatives «n’a été ni transparent ni équitable». Et en particulier que «l’USEPPM n’était pas éligible au bénéfice d’un financement».
L’IGA juge que «le volume et la qualité des publications» (451 communications sur différents comptes, huit articles sur un site internet) sur les réseaux sociaux et internet sont «inférieurs à la production prévue».
Doublements de salaires
Elle regrette que «l’utilisation faite de la subvention» par l’USEPPM n’ait «pas été conforme aux objectifs fixés dans la convention» entre elle et le CIPDR.
La mission a «identifié des doublements de salaires», «certains mois», pour les deux principaux porteurs du projets – dont le président de l’USEPPM. Ce dernier, salarié à mi-temps sur ce projet, «exerçait en parallèle une activité d’entrepreneur en province», souligne l’IGA, qui détaille aussi des dépenses «non imputables» au projet, comme ces 11 abonnements téléphoniques mobiles, au lieu de deux nécessaires.
L’IGA a par ailleurs relevé «des irrégularités, susceptibles de revêtir le caractère d’infraction pénale et de faute disciplinaire». Par exemple, l’infraction de «faux et d’usage de faux», la liste des administrateurs versée au dossier de candidature ne mentionnant pas «l’identité d’un des porteurs du projet, pourtant administrateur».
Travail dissimulé
Ou encore l’infraction de «travail dissimulé» : les salaires surnuméraires de deux porteurs de projet ont-ils été déclarés ?, se demande l’IGA, qui évoque aussi «l’éventualité d’une fraude fiscale» et devrait dénoncer l’ensemble des faits et soupçons à la justice.
Le rapport précise que le montant de la subvention a été fixé initialement, en mai 2021, à «355 000 euros sur un an». Seul un versement de 266 250 euros a été effectué. L’IGA réclame que «le CIPDR demande à l’USEPPM le remboursement de près de la moitié de la subvention versée», soit «127 476 euros».
Christian Gravel avait été le premier à être auditionné, mi-mai, par la commission d’enquête du Sénat sur ce fonds. Il avait précisé que cette initiative découlait d’«une commande politique» de Marlène Schiappa.
Par ailleurs, début mai, le parquet national financier (PNF) a ouvert une information judiciaire pour des soupçons de détournement de fonds publics dans la gestion de ce fonds.
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