L'ex-journaliste de BFMTV Rachid M'Barki a été mis en examen dans l'enquête portant sur des soupçons d'ingérence étrangère dans la politique et l'actualité française, des accusations qu'il réfute.
Le journaliste de 54 ans Rachid M’Barki a été mis en examen le 8 décembre pour abus de confiance et corruption privée passive, selon une source judiciaire, confirmant une information du quotidien Libération.
L’enquête judiciaire avait débuté après une plainte de BFMTV et une enquête internationale mi-février du collectif de journalistes Forbidden Stories, à laquelle ont contribué dans l’Hexagone Radio France et Le Monde. Elle pointait les activités d’une société israélienne, surnommée Team Jorge, spécialisée dans la désinformation au profit de différents clients, dont des États.
Dans le cas de Rachid M’Barki sur BFMTV, elle pointait des brèves litigieuses diffusées en 2021 et 2022 et relatives à des oligarques russes, au Qatar, au Soudan, au Cameroun, ou encore au Sahara occidental et qui auraient été «fournies clé en main pour le compte de clients étrangers», selon le consortium d’investigation.
Le directeur général de la chaîne info Marc-Olivier Fogiel avait accusé en janvier 2022 le présentateur de «s’arranger pour demander [des] images en dernière minute» pour illustrer des brèves, «une fois que le rédacteur en chef était pris sur une autre tranche et avait validé l’ensemble de son journal».
Rachid M’Barki a été licencié en février 2022 pour faute grave par Altice, le groupe auquel appartient cette chaîne, qui a porté plainte. Une enquête interne avait aussi été ouverte. Sollicité, l’avocat de celui qui avait déploré un «lynchage médiatique» et une «calomnie pure» n’était pas en mesure de répondre dans l’immédiat le 18 janvier. Ni la chaîne BFMTV ni l’avocat d’Altice n’ont souhaité commenter.
L’enquête a été confiée en octobre dernier à des magistrats instructeurs, dans une information judiciaire ouverte pour diverses infractions dont abus de confiance, corruption et trafic d’influence d’agent public ou encore blanchiment de fraude fiscale aggravée.
«Manipulation»
Tout en déplorant un «lynchage médiatique», le journaliste avait admis avoir fait passer à l’antenne des images fournies par «l’un de ses informateurs», le lobbyiste Jean-Pierre Duthion. Parmi ces images, certaines avaient trait à un forum économique entre le Maroc et l’Espagne organisé au Sahara occidental.
«C’était des images neutres», avait fait valoir Rachid M’Barki, niant avoir jamais été payé par le lobbyiste.
Mais il avait assuré n’avoir eu «à aucun moment l’impression […] qu’il pouvait travailler pour quelqu’un qui essayait de manipuler une information».
Jean-Pierre Duthion, ainsi que le spécialiste du Qatar Nabil Ennasri, ont été tous deux mis en examen en octobre. Le premier avait été placé sous contrôle judiciaire, tandis que le second, principalement mis en cause pour abus de confiance, corruption et trafic d’influence d’agent public, blanchiment de fraude fiscale aggravée, avait été placé en détention provisoire.
Nabil Ennasri, auteur de plusieurs ouvrages sur le Qatar, est suspecté d’avoir été l’agent d’influence de la monarchie qatarie, notamment au moment de la Coupe du monde de football, selon le journal Le Parisien qui avait évoqué des versements d’argent de Ennasri à Duthion.
Les enquêteurs «soupçonnent un lien» entre les deux, avait précisé à l’AFP une source proche de l’enquête. Les juges s’intéressent aussi à une intervention à l’Assemblée nationale de l’élu écologiste Hubert Julien-Laferrière, qui avait vanté en février 2022, à la demande du lobbyiste, le LimoCoin, une cryptomonnaie liée à un homme d’affaires camerounais, qui s’est avérée être une escroquerie.
Lors de son audition en mars 2023 par une commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères, Marc-Olivier Fogiel avait indiqué que Jean-Pierre Duthion avait «essayé de contacter d’autres journalistes de BFMTV après le départ de Rachid M’Barki […] pour leur proposer d’autres types d'”informations”, entre guillemets, qui n’ont pas retenu leur intérêt». L’un d’entre eux se serait vu proposer une «rétribution».
Une enquête interne lancée à BFM TV en raison de «soupçons d’ingérence» extérieure