Au Sri Lanka, où le gouvernement tente d'enrayer l'escalade des manifestations contre le président sur fond de grave crise économique, un nouveau rassemblement a été organisé dans la capitale Colombo en dépit du couvre-feu en vigueur.
Un face-à-face tendu a opposé le 3 avril au Sri Lanka l’armée à des manifestants protestant contre la crise économique sans précédent dans le pays, après un blocage des réseaux sociaux qui a échoué à empêcher les rassemblements contre le pouvoir.
Les manifestations dans ce pays d’Asie du sud-est sont provoquées par de graves pénuries de biens essentiels, une forte hausse des prix et de longues coupures de courant. Le président Gotabaya Rajapaksa a imposé l’état d’urgence le 1er avril, au lendemain de la tentative de la foule de prendre d’assaut sa résidence dans la capitale Colombo, et un couvre-feu a été imposé dans tout le pays jusqu’au 4 avril au matin.
Update: Protest on Bauddhaloka Mawatha, Colombo 07. pic.twitter.com/x3NbrYCrRl
— DailyMirror (@Dailymirror_SL) April 3, 2022
Twitter, Facebook, Whatsapp, YouTube et Instagram avaient par ailleurs été rendus inaccessibles dans tout le pays. Un blocage dénoncé par la principale alliance de l’opposition, le Samagi Jana Balawegaya (SJB). Avant que ce blocage ne prenne effet, des militants anonymes avaient lancé sur internet des appels à de nouvelles manifestations massives le 3 avril, assortis de hashtags hostiles au pouvoir, tel que #GoHomeRajapaksas («Dehors les Rajapaksa»).
«Ne vous laissez pas dissuader par les gaz lacrymogènes, très bientôt ils seront à court de dollars pour se réapprovisionner», exhortait notamment un post le 2 avril.
Protests continues in many areas in Colombo defying President's curfew orders
📷 Havelock City, Colombo pic.twitter.com/TvLLkES7RV
— NewsWire 🇱🇰 (@NewsWireLK) April 3, 2022
Malgré ces mesures, plusieurs centaines de personnes, avec à leur tête des députés d’opposition, se sont rassemblées devant la résidence du chef de file de l’opposition, Sajith Premadasa, et se sont dirigées vers la place de l’Indépendance à Colombo, défiant le couvre-feu en vigueur. Ils ont été cependant rapidement empêchés d’avancer par un des militaires et des policiers armés de fusils d’assaut. Un face-à-face tendu a opposé les deux parties pendant environ deux heures, avant que la foule de ne disperse pacifiquement.
En temps normal, l’armée doit se contenter d’un rôle de soutien à la police. Toutefois avec l’état d’urgence proclamé dans la soirée du 1er avril par le président Rajapaksa, elle peut intervenir seule, notamment pour arrêter des civils.
«Le président Rajapaska ferait mieux de se rendre compte que le marée s’est déjà retournée contre son régime autocratique», a déclaré à l’AFP Harsha de Silva, député du SJB. «Nous ne pouvons tolérer une prise de pouvoir militaire. Ils devraient savoir que nous sommes encore une démocratie», a-t-il ajouté.
Des divergences au sein du pouvoir
Les protestations on provoqué des divergences au sein du pouvoir. «Je ne cautionnerai jamais le blocage des réseaux sociaux», a ainsi critiqué le ministre des Sports et neveu du président, Namal Rajapaksa.
Gotabaya Rajapaksa est membre d’une famille dirigeante autrefois appréciée par une grande partie de la majorité cinghalaise du pays pour avoir mis brutalement fin, en 2009, à la guerre civile ethnique contre les Tigres tamouls. Mais le soutien au clan Rajapaksa s’est effondré avec la crise économique.
Le pays de 22 millions d’habitants traverse sa plus grave crise économique depuis son indépendance en 1948. Le tourisme et les transferts de fonds de la diaspora, vitaux pour l’économie, se sont effondrés lors de la pandémie, et les autorités ont imposé une large interdiction des importations pour tenter d’économiser des devises étrangères.
De mauvaises décisions politiques ont aggravé les problèmes, selon les économistes. Des réductions d’impôts malavisées juste avant la pandémie ont privé l’Etat de recettes et fait s’envoler la dette. Et la crise actuelle risque de balayer les espoirs de renaissance du secteur touristique. Le Sri Lanka a demandé l’aide du Fonds monétaire international, mais les négociations pourraient durer jusqu’à la fin de l’année.
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