Chroniques

Sur fond de sanctions, l’activité économique de l’UE à son plus bas niveau depuis trois ans

Les dirigeants de l'UE s'y attendaient-ils ? Alors que Bruxelles a décrété onze paquets de sanctions à l'encontre de la Russie, les indicateurs révèlent toujours davantage la mauvaise santé de l'économie de l'Union. Analyse.

Cet article a été initialement publié par RT en langue russe.

Au mois d’août, le niveau de l’activité économique au sein de la zone euro dans les secteurs de l’industrie et des services a atteint son minimum depuis novembre 2020. Selon les experts, la confiance des entreprises se détériore, avec en toile de fond une inflation toujours forte et une croissance record des taux d’intérêts.

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Cependant, de nombreuses entreprises connaissent des pertes importantes après avoir mis fin à leur coopération avec Moscou. Le nombre de faillites dans l’UE a atteint un niveau record. Les spécialistes prédisent un nouvel affaiblissement de l’activité dans la région, surtout en Allemagne, qui a déjà cédé sa place à la Russie dans le classement des plus grandes économies mondiales.

La situation de l’économie européenne a encore été dégradée : les taux se sont réduits à leurs plus bas niveaux en trois ans. Un tel bilan est sous-tendu par les analyses de l’entreprise S&P Global et de la Commerzbank à Hambourg, rendues publiques mercredi le 23 août.

Selon les estimations préliminaires de l’agence, l’indice PMI dans les secteurs de l’industrie et des services dans la zone euro est tombé à 47 points en août 2023, contre 48,6 en juillet.

Les taux si bas ont été enregistrés dès novembre 2020 quand la région subissait les conséquences de la pandémie de Covid-19.

Depuis déjà trois mois d’affilée, l’indice PMI européen dans les secteurs d’industrie et de services reste en-dessous du niveau critique de 50 points.

Un tel état de fait témoigne traditionnellement du renforcement des tendances négatives dans ces secteurs économiques.

« Le secteur des services dans la zone euro, malheureusement, montre tous les signes de ralentissement économique, en écho aux taux faibles de l’industrie manufacturière… Compte tenu de l’indice PMI, selon nos prévisions en matière de PIB pour aujourd’hui, nous sommes obligés de conclure que l’économie de la zone euro se contractera de 0,2% au troisième trimestre», a avoué Cyrus de la Rubia, économiste en chef de la Hamburg Commercial Bank.

En cause, l’augmentation des prix des ressources énergétiques

D’après Vladimir Olentchenko, chercheur principal au Centre d’études européennes de l’Institut d’économie mondiale et de relations internationales au sein de l’Académie des sciences de Russie, plusieurs facteurs ont entraîné la situation actuelle. Le principal d’entre eux est l’augmentation brusque des prix des ressources énergétiques, sur fond de sanctions antirusses.

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Rappelons-nous qu’en 2022, après le déclenchement de l’opération militaire spéciale, l’Europe, de concert avec les États-Unis et d’autres États, a commencé à introduire des restrictions économiques d’une ampleur sans précédent à l’égard de Moscou.

Tout compte fait, l’UE a adopté, pour l’heure, onze paquets de sanctions et le nombre total des restrictions de la part de l’Occident, entreprises depuis le mois de février 2022, s’élève à 15 000.

L’Europe, en particulier, a commencé à interdire les importations d’hydrocarbures venant de Moscou. À partir du décembre 2022, l’Union européenne a introduit un embargo sur l’achat de pétrole russe par voies maritimes et, avec les États du G7, celle-ci a interdit à ses entreprises de transporter des matières premières russes en bateaux-citernes dans d’autres régions du monde au-delà d’un certain prix.

En février 2023 des mesures analogues ont été adoptées à l’égard du commerce de produits pétroliers.

En même temps, les livraisons du gaz naturel de Russie en Union européenne ont diminué. En 2022 la fourniture de matières premières via le gazoduc Yamal-Europe a été complètement suspendue à cause des restrictions de la part de la Pologne, l’Ukraine ayant réduit de moitié la transition du carburant de la Fédération de Russie à l’Union européenne à travers son territoire. En même temps, le transport du gaz via le système Nord Stream s’est trouvé irréalisable après l’attentat contre les gazoducs.

« Finalement, l’effet boomerang a fonctionné. Les restrictions à l’égard de Moscou ont provoqué une augmentation du coût du carburant dans l’UE, à la suite de quoi le nombre de faillites d’entreprises a grimpé en flèche dans les pays de l’association, les prix de l’énergie étant essentiels pour de nombreuses entreprises », explique Vladimir Olentchenko.

Selon le service statistique de l’UE, le nombre de dépôts de bilan en Europe n’a cessé d’augmenter depuis le début de l’année 2022 et a atteint à la mi-2023 le niveau le plus élevé jamais enregistré (depuis 2015).

«En outre, les sanctions ont entraîné des problèmes de commercialisation des produits européens car certaines entreprises de l’UE étaient orientées vers la production de biens destinés à l’exportation ultérieure, y compris vers le marché russe, qu’elles ont maintenant perdu», ajoute Vladimir Olentchenko.

Il est à noter qu’avec les restrictions dans le domaine énergétique, l’Union européenne a interdit formellement de vendre à Moscou presque la moitié de sa production. Ainsi, après l’introduction de onze paquets de sanctions antirusses, 49% de l’exportation de l’Union européenne en Russie sont soumis à restriction.

Miser sur le ralentissement

En plus, la situation en Europe se trouve aggravée par une augmentation record des taux d’intérêt dans un contexte d’inflation élevée. Natalia Miltchakova, analyste en chef chez Freedom Finance Global, a fait part de cette opinion lors d’une conversation avec RT.

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Si au début de l’année 2022, le taux d’inflation annuel dans la zone euro représentait environ 5 %, dès octobre, notamment en raison de la hausse des coûts de l’énergie, cette valeur a atteint 10,6 %, soit le niveau le plus élevé de l’histoire. Pour brider les prix, la Banque centrale européenne a décidé d’augmenter les taux d’intérêt, alors qu’elle les avait maintenus proches de zéro pendant une longue période.

Au total, depuis juillet 2022 les taux directeurs dans la zone euro ont été augmentés de neuf fois, de manière qu’elle est pour l’instant de 4,25% par an, soit la valeur atteinte la plus élevée depuis 23 dernières années.

Traditionnellement, le durcissement de la politique monétaire est considéré comme l’un des outils capitaux dans la lutte contre la hausse des prix.

Dans le cadre des taux d’intérêt qui augmentent, l’argent emprunté devient plus cher pour les particuliers et les entreprises, l’activité des consommateurs et des entreprises ralentit, ce qui exerce une pression sur l’inflation.

À partir de novembre 2022, la croissance des prix à la consommation dans la zone euro a commencé à ralentir progressivement et, selon les estimations d’Eurostat, elle était de 5,3 % en juillet 2023. Toutefois, le taux d’inflation actuel dans la région reste bien supérieur à l’objectif de 2 % de la BCE.

 «Les taux d’intérêt élevés sont devenus pour l’heure le problème principal de l’Europe puisqu’ils freinent objectivement la croissance économique. Pourtant, malgré le resserrement de la politique monétaire, l’inflation n’est pas pressée de baisser forcément», souligne Natalia Miltchakova.

Le leadership allemand s’estompe

Comme l’a souligné Cyrus de la Rubia, le ralentissement de l’activité économique à travers toute la zone euro s’est produit, tout d’abord, à cause de la détérioration des taux en Allemagne. Selon les données préliminaires, l’indice PMI allemand dans les secteurs de l’industrie et des services a baissé, en août, de 48,5 %  à 44,7. Résultat, la situation témoigne d’une « maladie » de l’économie principale de l’Union européenne, affirme l’expert.

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Vladimir Olentchenko tend à partager cette opinion. Sachant que, selon ses estimations, les difficultés auxquelles l’Allemagne fait face actuellement peuvent se transformer en coup grave pour tous les pays européens dépendant financièrement de Berlin.

«Aujourd’hui, l’Allemagne représente environ 21,5 % du PIB de l’ensemble de l’Union européenne. Il est logique que Berlin apporte une contribution importante au budget commun de l’union. Si, à titre d’exemple, la production allemande diminue, le montant des recettes pour le trésor européen diminuerait aussi, et les subventions pour certains pays de la région seraient réduites. Nous parlons de presque tous les pays d’Europe de l’Est », a expliqué M. Olentchenko.

Notamment, en 2021, l’Allemagne était la cinquième économie mondiale et la première en Europe en termes de parité de pouvoir d’achat. Pourtant, l’Allemagne a perdu, en 2022, cette position au profit de la Russie, comme l’indique le rapport de la Banque mondiale. De surcroît, selon les prévisions du Fonds monétaire international, le PIB allemand diminuera en 2023, tandis que le PIB russe renouera avec la croissance.

«N’oublions pas le fait que si la stagnation présente en Allemagne et en général en Union européenne se prolonge pendant des années, Berlin risque de se trouver en bas dans le classement des principales économies mondiales, cédant sa place, en termes des taux de croissance, à nombre de pays en développement rapide. Toujours est-il que la forte concurrence dans de nombreux domaines créée une menace pour l’Allemagne de perdre en plus son statut du leader technologique de l’Europe», soutient Natalia Miltchakova.

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