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Sur le front : confidences des artilleurs des unités de défense antiaérienne russes

Le rôle de la défense antiaérienne s’est beaucoup renforcé. L’Occident alimente Kiev en missiles de croisière, guidés et bombes planantes. Les unités de défense antiaérienne russes sont le seul bouclier protégeant les combattants.

Ce reportage d’Andreï Kots a été initialement publié par RIA Novosti sous le titre « Nous nous y sommes préparés pendant longtemps. »

Fantassins de marine russes sur le front de Zaporojié.

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Le rôle de la défense antiaérienne dans la zone de l’opération militaire s’est considérablement renforcé ces derniers mois. L’Occident alimente intensément les forces armées ukrainiennes en armes de haute précision : en missiles de croisière, en missiles guidés et en bombes planantes. Les unités de défense antiaérienne sont le seul bouclier protégeant les combattants russes. 

Ce n’est pas un hasard si les militaires nous rencontrent près de la célèbre stèle avec un chasseur MiG-21 à 50 kilomètres au nord-est de Donetsk. C’est cet intercepteur qui protégeait le ciel soviétique dans les années 60 et était un élément majeur de la défense antiaérienne de l’URSS.

Même l’officier chargé des relations avec la presse ne sait pas où nous nous dirigeons. De tels détails ne sont pas divulgués par téléphone. Les forces armées ukrainiennes font activement la chasse à nos systèmes de missiles antiaériens. Pour eux, c’est la cible la plus convoitée, qui doit être atteinte par tous les moyens. Leur renseignement électronique va bien (merci à l’OTAN). Par conséquent, avant d’aller plus loin, on nous demande non seulement de mettre nos smartphones en mode avion, mais aussi de désactiver manuellement la géolocalisation.

Sur le front : confidences des artilleurs des unités de défense antiaérienne russes

© Andreï Kots/RIA NOVOSTI Equipage de système TOR-M2.

Pendant plusieurs heures, nous allons à travers un champ le long de plantations d’arbres, au risque d’abîmer la suspension. Enfin, nous arrivons sur place, là où est installé le camp de déploiement temporaire d’une batterie de missiles antiaériens de la 150e division d’infanterie motorisée du groupement des forces Sud.

Les combattants reviennent ici pour se reposer et se réapprovisionner en munitions. A tout moment, ils sont prêts à changer de position. En fait, l’essentiel de leur activité peut être décrit par trois verbes : engager, abattre, se cacher.

Le camp a été organisé d’une manière simple mais efficace. Des tentes pour dormir.  Une douche mobile est à côté : une surface d’un mètre carré, entourée d’une bâche bleue, et un seau avec un robinet suspendu à une branche d’arbre au-dessus. Il y a même une «salle de gym» : des barres, des bandes de résistance, des haltères, des poids et un banc fait de planches pour le développé couché. L’axiome de la guerre : à part les combattants, il n’y a personne pour organiser la vie quotidienne. Ici, tout est de l’auto-organisation.

L’unité du système de missiles antiaériens «TOR-M2» se repose. La grosse machine se dissimule à côté, cachée aux caméras indiscrètes des drones ukrainiens par des couronnes d’arbres et par un filet de camouflage.

Cette arme est devenue le principal outil de travail des forces de défense antiaérienne. La plage de détection de cibles du radar va jusqu’à 40 kilomètres, la distance d’engagement jusqu’à 16 kilomètres. Elle tire à l’arrêt aussi bien qu’en déplacement. Sa capacité en munitions est de 16 missiles. Elle peut abattre des chasseurs, des hélicoptères, des drones, ainsi que des missiles de croisière à une altitude de quelques mètres à dix kilomètres.

Sur le front : confidences des artilleurs des unités de défense antiaérienne russes

© Andreï Kots/RIA NOVOSTI L’opérateur du système de missiles antiaériens «TOR-M2» portant l’indicatif Kalmyk montre des impacts laissés par une frappe de roquette Himars.

«Ils nous ont frappés avec un Himars», explique l’opérateur du système de missiles antiaériens portant l’indicatif Kalmyk. «Vous voyez les impacts sur le bord ? Des éclats d’obus ont frappé le mécanicien-conducteur et le commandant. Mais le mécanicien-conducteur, blessé, a dégagé le véhicule des tirs. C’est pour ça que nous l’avons appelé [Frankenstein]. Pendant tout ce temps, [nous avons effectué] 80 tirs. La plupart ont frappé la cible. Nous nous sommes déjà fait la main.»

En 2022, l’équipage abat l’hélicoptère du commandement ukrainien de Marioupol

Le personnel n’a pas changé depuis le début des combats. Le commandant adjoint portant l’indicatif Poulia raconte que l’impression la plus vive a été le premier tir réussi. Ce sont ses gars qui, le 27 mars 2022, ont abattu au-dessus du port de Marioupol un hélicoptère Mi-8 qui tentait d’évacuer le commandement de la garnison ukrainienne de la ville assiégée. A l’époque, cette nouvelle avait fait le tour de toutes les agences de presse mondiales. Et les gars haussent humblement les épaules : oui, ça a eu lieu, et alors ?

Une forte odeur de poudre brûlée remplit le compartiment du véhicule. Le système s’affaisse sensiblement suite au recul du tir. Il y a une vibration des murs et un bourdonnement sourd dus au tir d’un missile surface-air. Le tireur est excité, il attend comme un chasseur : touché, pas touché ? On soupire…

Poulia a 41 ans. Il est l’aîné dans l’unité. Il a combattu pendant la seconde guerre de Tchétchénie et la guerre russo-géorgienne de 2008. Il a servi dans une unité d’infanterie motorisée, puis dans les forces spéciales de la direction générale des renseignements (GRU), maintenant il est opérateur de système de missiles antiaériens. Il avoue : l’unité est devenue sa famille. 

«Oui, nous sommes une famille, une meute», confirme le commandant Akela (il assure qu’il ne manque pas son coup, contrairement au personnage du livre de Kipling). «Nous connaissons mutuellement nos faiblesses depuis longtemps, on se taquine. Quant au mode opérationnel, il est peaufiné à la perfection.»

L’opérateur détecte une cible. Il la balise avec un marqueur, informe le commandant et transmet une désignation de cible manuelle. Le commandant s’en saisit, détermine son type. Si c’est une cible à basse vitesse, il rend compte au poste de commandement supérieur où ils déterminent son appartenance. Et vient ensuite l’ordre de tirer.

«Si la cible est à grande vitesse et s’il n’y a pas le temps de préciser, je prends la décision moi-même», explique Akela. «Je ne me suis jamais trompé.»

Une adaptation continuelle aux nouvelles armes

A la question de savoir ce qui est le plus difficile à abattre, les gars répondent différemment. Lorsque les bombes planantes américaines JDAM sont apparues, le personnel du «TOR-M2» ne pouvait pas comprendre ce que c’était. La taille était petite, la vitesse horizontale minimale, il n’y avait pas de signature thermique. Mais ensuite ils s’y sont habitués. Une cible à basse vitesse et à haute altitude pour notre défense antiaérienne est une cible facile.

Les missiles de croisière Storm Shadow et Scalp sont plus difficiles à abattre. Ils volent à basse altitude, se cachant derrière les replis du terrain. Souvent, ils ne sont détectés qu’au dernier moment. Mais les gars se sont fait la main pour abattre ces [missiles] «furtifs».

«Le plus difficile et le plus terrible pour moi, ce sont les embuscades contre l’aviation», dit l’opérateur de l’unité portant l’indicatif Staf. «Il y avait une période où nous travaillions à 1,5 ou 2 kilomètres de la ligne de front. A une telle distance, un char, un missile antichar ou un mortier peuvent vous frapper. Sans parler des drones kamikazes qui posent des problèmes même en troisième ligne.»

A l’époque, on a essuyé des tirs à plusieurs reprises. Mais les troupes de la première ligne les ont tout de même protégés contre les avions et les hélicoptères ukrainiens. «La première expérience a été un choc, les mains tremblantes et des litres d’adrénaline dans le sang. Mais ça fait longtemps que nous ne transpirons plus», dit-il en haussant les épaules.

Les artilleurs des unités de défense antiaérienne se sont habitués au matériel occidental. Et maintenant ils veulent obtenir de nouveaux trophées. Quand on pose des questions sur le F-16, ils s’animent immédiatement. Dire qu’ils les attendent dans le ciel, ce n’est rien dire. Les artilleurs soviétiques et russes des unités de défense antiaérienne ont appris à abattre de telles cibles pendant des décennies.

 

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