L'historienne Ludivine Bantigny a mis en cause la manière dont la chaîne d'information rend compte des mobilisations actuelles, reprochant en particulier au journaliste Benjamin Duhamel de se faire l'écho des positions du gouvernement.
Les références à la Révolution française se multiplient dans les mobilisations et débats autour de la réforme des retraites alors qu’Emmanuel Macron envisage de recevoir le monarque britannique Charles III à Versailles en début de semaine prochaine. Ce fait a encore été illustré lors d’un échange sur BFMTV le 23 mars entre Ludivine Bantigny, historienne spécialiste des mouvements sociaux, et le journaliste Benjamin Duhamel.
Alors que les invités commentaient les images des violences et débordements survenues lors d’une nouvelle journée de mobilisation à l’appel de l’intersyndicale, en accordant une large place aux violences commises par des black blocks, Ludivine Bantigny a souligné à plusieurs reprises que la contestation était massivement soutenue par l’opinion, tandis que Benjamin Duhamel revenait de manière répétée sur les violences perpétrées par les casseurs.
«Télé Versailles»
«Moi j’ai juste une question à poser à Benjamin Duhamel […] : j’aimerais bien vous imaginer le 14 juillet 1789, là, derrière votre micro, en plateau […] sur Télé Versailles […], qu’est-ce que vous auriez dit sur les violences ?», a-t-elle lancé en évoquant la journée de la prise de la Bastille. D’après la chercheuse, le terme de «violences» est en effet «trop élastique» et empêcherait de parler de la «violence d’Etat» et de la «violence sociale» qui serait exercée par les autorités et des acteurs économiques tels que le fonds de pension BlackRock.
#bfmtv#manif23mars#64ansCestNon#reformedesretraites@Ludivine_Bantig "moi j'ai juste une question a poser à @Ben_Duhamel même s'il ne m'écoute pas, qu'est-ce que vous auriez dit le 14 juillet 1789 sur télé Versailles ?"👏👏👏👏👏👏👏👏👏👏👏👏👏👏👏 pic.twitter.com/I0yARDOZWJ
— Ulyss (@achabus) March 23, 2023
«Je ne crois pas que la situation soit exactement comparable au 14 juillet 1789 et qu’Emmanuel Macron soit Louis XVI, ou alors quelque chose m’a échappé», a répondu le journaliste. Visiblement piqué au vif par l’interpellation, il a récusé la formule de «Télé Versailles» à propos de BFM TV, mettant en avant le fait que la chaîne couvre «à longueur de journée» les mobilisations et reçoit des invités variés, ne donnant justement pas la parole« à un seul parti» et faisant «vivre le contradictoire». Il a par ailleurs estimé que Ludivine Bantigny balayait «d’un revers de main» les violences commises par une partie des manifestants, lui reprochant de leur donner une légitimité.
Très critiquée pour sa couverture du mouvement des Gilets jaunes et sa propension à relayer la parole des autorités, la chaîne a évoqué ces derniers jours les «violences policières» signalées tant par des manifestants que par des journalistes présents sur le terrain. La répression du mouvement social a également été dénoncée par le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature ou encore Amnesty International.
Pour la 9e journée de mobilisation contre la réforme des retraites, quelque 3,5 millions de personnes ont manifesté en France, selon la CGT, alors que les autorités en ont recensé 1,08 million. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a fait état de «457 interpellations» et de «441 policiers et gendarmes blessés». Il n’a cependant pas précisé combien de personnes avaient été poursuivies. A titre d’exemple, dans la nuit du 16 au 17 mars, 292 personnes avaient été interpellées en marge d’un rassemblement contre la réforme des retraites, donnant lieu à 283 classements sans suite. Une situation qui avait poussé le Syndicat de la magistrature à réagir pour souligner que l’autorité judiciaire n’était pas «au service de la répression du mouvement social».
Retraites : 9e journée de mobilisation des opposants à la réforme (EN CONTINU)