Le dirigeant de la société Rocket Lab redoute une crise mondiale de l'industrie aérospatiale. Il souligne que l'imbrication internationale du secteur va bien au-delà de la coopération ébranlée du russe Soyouz avec l'Agence spatiale européenne.
Dans un entretien accordé à l’AFP le patron néo-zélandais de l’entreprise à l’origine d’Electron, seul minilanceur aujourd’hui opérationnel dans le monde redoute que le conflit en Ukraine provoque une «pénurie de lanceurs» spatiaux.
Dans un secteur spatial très imbriqué, la coopération est traditionnellement de mise malgré les tensions géopolitiques, mais pour le patron de Rocket Lab, Peter Beck, la situation actuelle : « C’est du jamais-vu.»
En réaction aux sanctions européennes, la Russie a par exemple suspendu les lancements de sa fusée Soyouz au profit de ses clients occidentaux. Mais pour l’entrepreneur néo-zélandais qui veut faire voler en 2024 son Neutron, une fusée comparable au lanceur russe, le conflit actuel a un «un impact bien plus important que le simple lanceur Soyouz».
Selon lui, c’est tout un pan de l’industrie spatiale mondiale qui se retrouve hors-jeu : la fusée russe Proton, le lanceur américain Antares, dont «le premier étage est russe et les moteurs ukrainiens», la fusée italienne Vega (premier étage fourni par l’Ukraine, les fusées indiennes)… La fusée Falcon 9 est bien lancée à un rythme effréné mais SpaceX se concentre avant sur le déploiement de sa propre constellation Starlink.
«Que reste-t-il ? Il y a Ariane 5, mais elle est lancée deux fois par an, il y le H1 de Mitsubishi qui est lancé tous les deux ans, le Falcon 9 de SpaceX, l’Atlas de [l’américain] ULA – mais il utilise des moteurs russes bien qu’il pense avoir une solution – il y a Electron et c’est à peu près tout», détaille-t-il.
La fusée Ariane 6 doit, elle, effectuer son premier vol à la fin de l’année et son programme est déjà rempli pour les 11 vols suivants. Or de nombreux projets de constellations de satellites, pour la plupart destinés à fournir de l’internet depuis l’espace, pointent leur nez et auront besoin d’être lancés dans les prochaines années.
Ces besoins étaient identifiés mais «maintenant que Soyouz, Proton et tous ces autres lanceurs sont hors-jeu, c’en est presque une crise des lanceurs en 2024-2025», considère Peter Beck.
Une fusée Soyouz place en orbite 36 satellites destinés à la méga-constellation OneWeb