Chroniques

Après la crise maritime en mer Rouge, la Russie dominera-t-elle les flots ?

Alors que l’Occident subit des pertes dans le commerce maritime, la part de Moscou, elle, augmente. Les attaques contre les navires qui empruntent la voie maritime de la mer Rouge, si vitale pour la navigation, pourraient remodeler l’équilibre des forces dans le commerce mondial.

Cet article a été initialement publié sur RT en langue anglaise par Russian Market, un blogueur financier, journaliste et commentateur politique suisse basé à Zurich. Suivez-le sur X @runews

Au milieu d’un paysage mondial déjà turbulent, une crise géopolitique sismique est en train de se développer, avec des militants houthis qui prennent pour cible des navires empruntant des routes maritimes d’une importance cruciale. Les récentes provocations dont des navires occidentaux ont été la cible principale signalent un changement profond susceptible de remodeler la dynamique du commerce mondial.

Avec les répercussions du conflit ukrainien et des sanctions, il apparaît clairement que la Russie consolide son influence non seulement en mer Rouge, mais aussi sur d’autres artères maritimes vitales, en particulier la route maritime du Nord. Cette consolidation vient transformer l’équilibre traditionnel des forces sur l’ensemble du réseau maritime.

Attaques des Houthis et ciblage stratégique

La mer Rouge, qui joue un rôle central dans le commerce international, est aujourd’hui contestée par les rebelles houthis du Yémen, qui intensifient leurs attaques. Les dirigeants houthis ont déclaré qu’ils allaient s’en prendre à tous les navires à destination d’Israël en raison des hostilités à Gaza, et ils semblent notamment viser des navires occidentaux. Dans le même temps, de plus en plus de navires pétroliers russes poursuivent leur navigation dans les eaux pour livrer du pétrole vers l’Asie, ce qui rend la situation encore plus complexe. Si tel est le cas, ce ciblage sélectif met en lumière les subtilités géopolitiques en jeu, faisant du commerce maritime un pion dans le jeu de manœuvres géopolitiques plus vastes.

Manifestation à Sanaa organisée par les Houthis contre la coalition internationale dirigée par les Américains en mer rouge.

«Les Américains ne nous arrêteront pas»: manifestation monstre des Houthis à Sanaa

Le Yémen accorde le libre passage uniquement aux pétroliers transportant du pétrole russe via la mer Rouge jusqu’au canal de Suez. Les navires occidentaux peuvent soit naviguer 15 000 miles autour de l’Afrique, soit passer par la route maritime du Nord de la Russie ou par la voie ferroviaire via la Russie.

Alors que les grandes compagnies maritimes suspendent leurs opérations en mer Rouge en raison de menaces sécuritaires accrues, l’Europe est confrontée à des répercussions économiques avec effets immédiats et importants. La réorientation des frets pour contourner la pointe sud de l’Afrique, faisant suite aux problèmes de sécurité en mer Rouge, pose des défis considérables. Non seulement cette solution est plus longue et plus coûteuse, mais elle menace également de perturber les chaînes d’approvisionnement déjà bien réglées dont dépendent les industries européennes.

La piraterie sud-africaine sur le point d’exploser

Le renforcement de l’emprise russe sur la route maritime de la mer Rouge dans le contexte du conflit ukrainien et des sanctions imposées à Moscou fait penser à une manœuvre géopolitique calculée. Alors que l’Europe cherche activement des alternatives au pétrole russe, la volonté de Moscou d’augmenter ses exportations de pétrole vers l’Asie, qui s’est traduite par une hausse ahurissante de 140% du trafic pétrolier via la mer Rouge, souligne sa capacité d’adaptation face à la dynamique qui évolue.

La mer Rouge, historiquement une route clé pour le transport maritime occidental, traverse aujourd’hui un changement subtil mais profond dans la dynamique du pouvoir. La capacité de la Russie à naviguer et à tirer profit du paysage géopolitique avec ce caractère ciblé des attaques des Houthis, suggère une réorganisation de l’influence. L’Occident perd son emprise sur l’une des routes commerciales essentielles, alors que la Russie renforce sa position.

Le scénario en cours exige un réexamen complet des mesures de sécurité. La question cruciale qui se pose est la suivante : quelles mesures concrètes peuvent être prises pour sécuriser les routes commerciales si vitales dans ce paysage mouvant ? Une proposition convaincante émerge : déployer des navires militaires et faire des convois stratégiques pour les navires marchands. Cette mesure proactive permet de sécuriser le passage des navires en mer Rouge et d’étendre la protection jusqu’aux transits vers le canal de Suez, canal qui revêt une importance capitale.

Une autre solution pragmatique implique l’utilisation d’avions des forces navales spécialisées, positionnées stratégiquement pour protéger des zones désignées de cette route maritime. S’appuyant sur l’expérience acquise de faits déroulés dans le passé, en particulier dans le domaine de la lutte contre la piraterie, la mise en place de convois apparaît comme une méthode particulièrement efficace pour protéger les navires marchands.

Dans ces eaux turbulentes, l’Occident se trouve à un tournant primordial car il doit non seulement faire face à des défis physiques, mais aussi naviguer dans les courants nuancés de la géopolitique. Il est donc urgent de prendre conscience de l’évolution des circonstances et des aspects stratégiques en jeu. Dans un paysage où le commerce mondial s’entrecroise avec les complexités géopolitiques, la capacité à s’adapter et à mettre en œuvre des mesures de sécurité efficaces devient primordiale.

La mer Rouge, autrefois symbole d’un commerce sans faille, est aujourd’hui un symbole d’adaptabilité et de résilience face à l’évolution de la dynamique mondiale.

Le pivot arctique de la Russie

Pendant ce temps, la Russie reconfigure ses livraisons de pétrole par la route maritime du Nord vers la Chine, en contournant les sanctions et en profitant d’économies de temps et de carburant. La route, qui s’étend sur environ 5 500 kilomètres le long de la côte arctique russe, offre un itinéraire plus rapide vers le port chinois de Rizhao qui prend 35 jours seulement, soit 10 jours de moins que l’itinéraire traditionnel plus au sud, via le canal de Suez. La motivation de la Russie réside dans les avantages considérables liés à la réduction des coûts en termes de temps et de carburant, ce qui constitue une alternative attrayante pour ses exportations de pétrole.

Est-ce que l’itinéraire du canal de Suez vers la mer Rouge deviendrait-il un peu plus délicat pour le commerce entre l’Europe et l’Asie ? L’Europe pourrait envisager une autre alternative : la route arctique de la Russie ! L’Europe pourrait même demander gentiment d’utiliser l’un des brise-glaces russes à propulsion nucléaire, qui aident déjà à exporter du carburant vers l’Asie.

Rosatom, qui supervise la route en question, souligne que les navires qui ne peuvent pas naviguer dans les eaux glaciales peuvent désormais emprunter la route en toute sécurité lorsque les conditions s’améliorent en été et en automne. Ce changement stratégique suggère que la Russie explore l’utilisation de navires non libellés «glace», ce qui pourrait modifier les pratiques de navigation conventionnelles dans l’Arctique.

La position proactive de la Russie est également illustrée par l’expansion de sa flotte de l’ombre, qui assure la continuité de ses revenus pétroliers en dépit des sanctions. Le vice-Premier ministre Iouri Troutnev prévoit une année record pour l’artère arctique, avec un volume des frets qui devrait dépasser les 36 millions de tonnes, soit neuf fois plus qu’en 2015.

Cependant, des défis persistent, notamment dans le domaine de l’assurance en raison des sanctions qui perturbent l’assurance des navires russes. Troutnev évoque un éventuel effort de collaboration entre la Russie et la Chine pour résoudre ce problème, en soulignant le potentiel pour les entreprises chinoises d’offrir une assurance alternative aux navires russes navigant sur la route du Nord. Alors que la Russie se prépare à utiliser toute l’année cette voie maritime grâce à ses brise-glaces nucléaires, l’Arctique devient une étape cruciale pour la résilience économique ainsi que pour des manœuvres géopolitiques. Ce pivot stratégique vers l’Arctique non seulement offre une protection à la Russie contre les sanctions, mais positionne également cette route maritime du Nord comme une force transformatrice en matière de transport maritime mondial dans sa dynamique.

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