Deux jours après ses déclarations suggérant que la défense anti-aérienne ukrainienne aurait pu être à l'origine de la chute d'un missile sur un immeuble de Dnipro, Alexeï Arestovitch a présenté ses excuses et démissionné de ses fonctions.
Le conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, Alexeï Arestovitch, a démissionné de son poste ce 17 janvier après l’indignation suscitée en Ukraine par ses déclarations suggérant que le missile ayant tué au moins 41 personnes à Dnipro le 14 janvier aurait été abattu par la défense anti-aérienne ukrainienne, alors que Kiev a attribué la responsabilité de cette frappe meurtrière à l’armée russe. Alexeï Arestovitch avait néanmoins attribué la responsabilité finale du drame à la Russie, qui, de son côté, a affirmé que c’était la défense aérienne ukrainienne qui était responsable d’avoir fait chuter le missile russe qui ne ciblait, selon Moscou, aucunement l’immeuble résidentiel.
Le conseiller de Volodymyr Zelensky a ainsi annoncé sa démission sur les réseaux sociaux en la qualifiant d’«exemple de comportement civilisé», après avoir présenté publiquement des excuses et être revenu sur ses propos dans un autre message sur Telegram. «Je présente mes sincères excuses aux victimes et à leurs proches, aux habitants de Dnipro et à quiconque a été profondément blessé par ma version préliminaire erronée au sujet de la raison de la frappe de missile russe sur un immeuble résidentiel», a-t-il écrit sur le réseau social.
Le conseiller démissionnaire a par ailleurs déploré avoir été la cible de propos «haineux», suite à ses propos, qu’il a lui-même qualifiés d’«erreur sérieuse». Il a néanmoins mis en cause l’attitude de l’opposition ukrainienne qu’il a accusé de «diviser les Ukrainiens» en traquant les «traîtres», estimant que les luttes politiques internes étaient récupérées «par le Kremlin». Interrogé en conférence de presse ce 17 janvier sur la démission d’Alexeï Arestovitch, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a refusé de la commenter, soulignant qu’il se concentrait sur les «affaires intérieures» russes.
Le 15 janvier, au lendemain du drame de Dnipro, Alexeï Arestovitch avait assuré que le missile en cause, bien que tiré selon lui par les forces russes, aurait en fait été abattu par l’armée ukrainienne avant de s’écraser sur l’immeuble. «Il a été abattu. Il est tombé sur l’entrée de l’immeuble, […] mais il a explosé quand il est tombé», avait-il expliqué en citant une information donnée par une connaissance dans l’armée lors d’une interview sur YouTube avec l’ancien avocat Mark Feyguine, désormais commentateur politique.
Il avait néanmoins attribué ensuite la responsabilité de la tragédie à Moscou, expliquant «que le drame n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu la frappe russe» et que «personne ne blâme l’Ukraine», comparant l’affaire à la chute d’un missile de la défense antiaérienne en Pologne qui avait tué deux personnes en novembre.
La version présentée par Alexeï Arestovitch lui a valu des propos peu amènes de la part, notamment, du maire de Dnipro, Borys Filatov, qui a déclaré que le Service de sécurité ukrainien (SBU) et les services de contre-espionnage étaient «obligés de répondre» à des affirmations. «Je dis depuis le premier jour de la guerre qu’Arestovitch est un animal narcissique et une bouche à m***e», a-t-il fustigé, en précisant que ces défauts n’avaient pas empêché «quelqu’un, au bureau du président [Volodymyr Zelensky]» de «parier sur lui».
Moscou affirme ne pas être responsable de la tragédie, Kiev et ses alliés dénoncent un «crime de guerre»
L’armée ukrainienne a pour sa part affirmé que l’immeuble résidentiel touché à Dnipro a été frappé par un missile russe Kh-22, précisant qu’elle n’était pas en capacité de les intercepter. Moscou a rejeté les accusations portées à son encontre : le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, lors d’une conférence de presse tenue le 16 janvier, a ainsi réaffirmé que «les forces armées russes ne frappent pas les immeubles résidentiels ou les infrastructures sociales», mais uniquement les «cibles militaires, qu’elles soient évidentes ou camouflées». Et d’ajouter : «La tragédie [de Dnipro] a été le résultat de l’action d’un contre-missile de la défense aérienne [ukrainienne].»
Dans son allocution prononcée dans la soirée du 16 janvier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a promis que «chaque personne coupable de ce crime de guerre sera identifiée et traduite en justice», imputant la responsabilité de la frappe à Moscou. De la même manière, le Premier ministre suédois Ulf Kristersson, dont le pays assure la présidence de l’UE, a réaffirmé que «les attaques intentionnelles contre des civils sont des crimes de guerre et ceux qui en sont responsables doivent être poursuivis aussi longtemps qu’il le faudra», au cours d’une conférence de presse commune avec le président du Conseil européen Charles Michel. Selon les autorités européennes, la frappe du 14 janvier vient s’ajouter à la liste des «attaques systématiques et continues» auxquelles se livrerait la Russie «contre les civils» depuis le début de son offensive en Ukraine.
De son côté, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a «condamné», par l’intermédiaire de l’un de ses porte-parole, la frappe, en la qualifiant de «nouvel exemple de suspicion de violations du droit de la guerre».
Les deux parties prenantes au conflit s’accusent réciproquement de multiples bombardements visant la population civile. Le 14 janvier, jour même de la chute du missile sur l’immeuble de Dnipro, l’armée russe avait accusé Kiev d’avoir «mené 27 bombardements visant des zones peuplées de la République populaire de Donetsk (RPD)». Deux jours plus tard, une frappe sur un centre commercial de Donetsk, attribuée par Moscou à l’armée ukrainienne, avait fait au moins deux morts.
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