La Russie a adopté début septembre une loi introduisant, dans certaines régions, un régime juridique expérimental de finance islamique.
Cet article a été initialement publié par RT en langue russe.
Depuis le 1er septembre, la Russie a lancé un essai d’introduction du système bancaire islamique. Dans ce modèle de financement, les banques n’ont pas le droit de percevoir des intérêts bancaires auprès de leurs clients. Pour être rentables, elles doivent recourir à des programmes de prêts à tempérament, de crédit-bail et de financement par actions.
L’initiative a été approuvée par le président Poutine au début du mois d’août. Au cours des deux prochaines années, le mécanisme sera expérimenté en Tchétchénie, au Daghestan, au Tatarstan et au Bachkortostan [quatre républiques russes à majorité musulmane]. Le gouvernement pourrait, cependant, élargir le nombre de participants au projet. Selon des experts et des fonctionnaires, cette initiative permettra d’accroître les services financiers pour les citoyens et d’inciter les entrepreneurs du Moyen-Orient à investir dans l’économie russe.
Plus clairement, la finance islamique propose une activité financière conforme aux principes de la charia. Dans ce système, il est interdit de percevoir des intérêts auprès des clients ainsi que d’effectuer des transactions présentant un degré élevé de risque et d’incertitude. Les banques, quant à elles, génèrent des profits grâce à des programmes de prêts à tempérament, de crédit-bail et de financement par actions.
«Par exemple, en octroyant des crédits aux entreprises, les banques se rémunèrent non pas sur les intérêts, mais sur une partie des bénéfices réalisés par l’entreprise qui a reçu le financement. Dans le cas des crédits à la consommation, ou plus particulièrement des prêts hypothécaires, la banque peut proposer des prêts à tempérament ; ainsi, le client paiera la somme du crédit durant une certaine période sans intérêts supplémentaires. Le supplément sera déjà inclus dans le prix», explique l’analyste financier chez BitRiver Vladislav Antonov.
Selon les précisions de la Douma, les banques impliquées dans le projet ne sont pas autorisées à financer des activités liées à la production et au commerce du tabac, des boissons alcoolisées, des armes, des munitions, sans oublier l’industrie des jeux d’argent. Les personnes physiques et morales peuvent utiliser les services bancaires islamiques sans distinction d’appartenance sociale, raciale, nationale, linguistique ou religieuse.
« Des entrepreneurs du Bachkortostan, du Tatarstan et des républiques du Caucase du Nord ont proposé à maintes reprises d’introduire le système bancaire islamique. Nous avons décidé d’offrir cette possibilité aux entreprises. En outre, nous avons été approchés par des partenaires du Moyen-Orient qui souhaitent participer à nos projets et investir de l’argent, mais uniquement dans le cadre des principes financiers islamiques. Tout ce qui est profitable à l’économie russe doit être utilisé », a communiqué Anatoli Aksakov, chef de la commission des marchés financiers de la Douma d’État.
Une nouvelle sphère d’activité bancaire, selon Kadyrov
Le dirigeant tchétchène, Ramzan Kadyrov, s’est également exprimé plus tôt sur la nécessité de légaliser la banque islamique en Russie. Selon ses arguments, la république dispose déjà d’une expérience dans la mise en œuvre de projets individuels basés sur ces modèles de financement, mais l’incertitude juridique a empêché le bon développement de ce système. L’approbation de l’initiative au niveau législatif devrait désormais permettre une plus grande implication financière de la population et créer une nouvelle sphère d’activité bancaire, qui n’est pas en contradiction avec les normes religieuses, soutient Ramzan Kadyrov.
«Cela rendra plus accessibles les services financiers non seulement aux musulmans, mais aussi aux citoyens d’autres confessions… Le système en question a fait preuve d’efficacité dans des pays du monde musulman, il y a longtemps… Je suis certain que l’introduction d’un tel mécanisme en Russie donnera une impulsion concrète aux relations avec les pays de l’Organisation de la coopération islamique et contribuera à l’émergence d’un système de paiement alternatif dans le pays», a écrit Ramzan Kadyrov sur Telegram.
Pas de concurrence entre secteurs bancaires
Selon Vladislav Antonov, il est peu probable que l’émergence de ce nouveau système entraîne une importante fuite des capitaux du secteur bancaire traditionnel. L’ampleur des opérations de financements par des partenaires sera relativement faible et ne constituera pas, par conséquent, une menace pour les activités des organismes de crédit traditionnels, pense-t-il. Une opinion partagée par Anatoli Aksakov.
«Cette initiative viendra au contraire apporter un complément au système bancaire déjà existant. Il s’agit d’une nouvelle orientation qui permettra d’utiliser un autre outil pour accroître les investissements dans l’économie et dans des projets à grande échelle. Le montant des fonds, dans le cadre de la finance islamique, se compte en milliards de roubles, plutôt qu’en trillions comme dans le secteur bancaire traditionnel. Il n’y a donc pas de concurrence possible», a expliqué le député.
D’après lui, la banque Ak Bars est prête à prendre part au projet. Quant aux banques Sberbank et VTB, elles envisagent actuellement la possibilité de rejoindre l’initiative. Pour ce faire, elles devront créer des branches spéciales qui mettraient en œuvre la finance islamique, a noté Aksakov. Pour les autres participants au projet pilote, qui ne sont pas des banques de crédit ou de non-crédit, le capital minimum a été établi : depuis du 1er septembre 2023, le montant est de 10 millions de roubles et à partir du 1er janvier 2024, il sera de 15 millions de roubles.