Plusieurs syndicats et associations vendéennes ont lancé une pétition visant à faire rebaptiser le collège Soljenitsyne d’Aizenay du nom d'un poète ukrainien, dans le contexte d'offensive russe en Ukraine. Une initiative soulevant de vives critiques.
Révélée le 18 mars par la presse régionale, une pétition en ligne a été lancée le même jour pour demander de rebaptiser le collège Alexandre-Soljenitsyne d’Aizenay (Vendée) par le nom du poète ukrainien Vsevolod Mikhaïlovitch Eichenbaum, dit Voline. A l’initiative de plusieurs syndicats et associations locales (Sud Education 85, SGEN CFDT 85, CGT Educ’action 85, FA groupe Henri-Laborit et Attac Vendée), l’action a pour objectif d’«envoyer un signal de soutien fort au peuple ukrainien en souffrance».
«Soljenitsyne était proche de Poutine […]. Peu avare de compliments envers le dictateur russe qui lui décerna le prix d’Etat, Soljenitsyne partageait avec lui sa vision de l’unité de la Russie (donc l’annexion de l’Ukraine), un patriotisme aveugle et une fascination pour les régimes autoritaires», a entre autres argumenté le collectif à la manœuvre, ici cité par le Journal du pays yonnais. En ce qui concerne leur choix du poète ukrainien, les pétitionnaires précisent : «Qui est Vsevolod Mikhaïlovitch Eichenbaum, dit Voline ? Voline était un poète ukrainien condamné en Russie tsariste pour insurrection. Réfugié en France il dut la fuir aussi suite à un mandat d’arrêt à cause de ses prises de positions antimilitaristes lors de la Première Guerre mondiale.»
Pour rappel, l’écrivain Alexandre Soljenitsyne (1918-2008), prix Nobel de littérature en 1970, figure parmi les plus célèbres dissidents de l’Union soviétique. Il a été condamné à huit ans de détention pour avoir critiqué Staline dans une lettre interceptée par la police politique, et a puisé dans son expérience au camp d’Ekibastouz (actuel Kazakhstan) pour écrire sur le système du goulag.
Il convient en outre de noter que, si les pétitionnaires lui attribuent un «patriotisme aveugle», Alexandre Soljenitsyne s’opposait aux politiques expansionnistes, écrivant notamment dans Comment réaménager notre Russie, réflexions dans la mesure de mes forces : «Il faut choisir clair et net entre l’Empire, qui est avant tout notre propre perte, et le salut spirituel et corporel de notre peuple […] Nous ne devons pas chercher à nous étendre large, mais à conserver clair notre esprit national dans le territoire qui nous restera.» En ce qui concerne précisément son rapport à l’Ukraine, le penseur s’opposait au «cruel partage» de celle-ci et de la Russie, tout en considérant que «si le peuple ukrainien désirait effectivement se détacher [de la Russie], nul n’aurait le droit de le retenir de force», selon des citations récemment relayées par la revue Historia.
«Dérive humaine et culturelle», «absurde», «cancel culture»…
L’initiative a rapidement soulevé un vent d’indignation dans les milieux politique, médiatique et culturel français.
«Au concours du russophobe le plus c…, ces professeurs peuvent concourir !», s’est par exemple indigné l’eurodéputé pro-Zemmour Gilbert Collard, soulignant qu’Alexandre Soljenitsyne avait «révélé l’existence des goulags».
«Quelle dérive humaine et culturelle ?», a pour sa part interrogé l’ancien sénateur de Paris Yves Pozzo di Borgo.
La journaliste du Figaro Eugénie Bastié a elle regretté que «L’ext[rême]-gauche profite de la crise ukrainienne pour tenter de faire la peau au dissident Soljenitsyne». «Espérons que le collège ne cède pas a cette cancel culture», a-t-elle ajouté
«Le collège s’appelle Soljenitsyne. Auteur du terrible “Archipel du goulag”, prix Nobel et dissident russe à une époque où il faisait déjà mauvais s’opposer au régime. Imbéciles», a fustigé son confrère Laurent Bazin.
«Au moment où il faut relire #Soljenitsyne des syndicats enseignants veulent débaptiser le collège de Vendée qui porte son nom. Suivant en cela une méthode finalement très soviétique. absurde», a également regretté l’ancien ambassadeur de France en Arménie, Jonathan Lacôte.
Autre exemple : le producteur de télévision Stéphane Simon, cofondateur de la revue Front Populaire a dénoncé un «sommet de la bêtise», se demandant «si ces enseignants sont capables d’apprendre à penser».
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