Alors que Biden a sous-entendu qu’Erdogan pourrait obtenir un feu vert à l’achat de F-16 s’il donnait son aval à l’entrée de la Suède dans l’OTAN, le chef du Comité sénatorial des affaires étrangères a rappelé son opposition à cette vente.
«La Suède n’est qu’une partie de l’équation.» Interrogé le 30 mai sur les récentes déclarations de Joe Biden, le sénateur démocrate Bob Menendez a réitéré le refus d’autoriser la vente de F-16 à la Turquie. Car au Congrès américain, celle-ci ne fait pas l’unanimité, notamment en raison de la politique grecque d’Erdogan.
Pourtant, la veille, depuis la pelouse de la Maison Blanche, le président Joe Biden avait déclaré à la presse s’être entretenu avec son homologue turc. Un échange durant lequel Recep Tayyip Erdogan aurait réitéré son intérêt pour l’achat d’avions de combat américains : «J’ai parlé à Erdogan. J’ai félicité Erdogan. Il veut toujours travailler sur quelque chose sur les F-16», avait ainsi rapporté Joe Biden aux journalistes. «Je lui ai dit que nous voulions un accord à propos de la Suède, alors faisons-le. Et donc nous reprendrons contact l’un l’autre.»
President Joe Biden says he spoke to Turkey’s President Tayyip Erdogan about Ankara's desire to buy F-16 fighter jets from the US and Sweden’s NATO bid https://t.co/zN0KK6iZVCpic.twitter.com/2x2aVLwpta
— Reuters (@Reuters) May 30, 2023
Cette vente, qui selon le président turc aurait été proposée par les Etats-Unis – ce que nie la partie américaine – en dédommagement des fonds investis par la Turquie dans le programme F-35 dont elle a été exclue, s’est progressivement transformée en marchandage. Pour Ankara, qui a déposé une demande officielle auprès du département d’État américain en 2021, il s’agit d’acquérir 40 F-16 ainsi que 79 kits de modernisation pour sa flotte actuelle, afin de porter une partie de ses appareils au dernier standard. Une commande chiffrée à 20 milliards de dollars.
Jugée «conforme aux intérêts et à la sécurité nationale des États-Unis» – et à ceux de l’OTAN – par le département d’Etat, Joe Biden avait déclaré fin juin 2022 son soutien à cette vente lors du sommet de l’Alliance à Madrid. «J’ai besoin de l’approbation du Congrès pour faire cela et je pense que je peux l’obtenir», avait alors affirmé le président américain.
Aval du Congrès et variable grecque
C’était sans compter sur le caucus hellénique au Congrès des Etats-Unis, fort de 130 membres. Deux semaines après cette déclaration de Joe Biden, sous la houlette de Chris Pappas – un élu démocrate d’origine grecque –, la Chambre des représentants adoptait un amendement conditionnant la vente ou le transfert des jets à la certification que cela soit essentiel à la sécurité nationale des États-Unis.
Mais le verrou du Comité des affaires étrangères du Sénat pourrait s’avérer beaucoup plus difficile à lever pour l’administration Biden. Son aval est nécessaire à toute exportation d’armements états-uniens. Commission sénatoriale que préside Bob Menendez. Or, il est de notoriété publique que Bob Menendez n’apprécie nullement la politique que mène Erdogan, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. «Le président Erdogan continue de saper le droit international, de ne pas respecter les droits de l’homme et les normes démocratiques, et de se livrer à un comportement alarmant et déstabilisateur en Turquie et contre les alliés voisins de l’OTAN», avait-il notamment déclaré mi-janvier 2023, promettant de bloquer cette vente.
Selon Bob Menendez, l’administration Biden ne l’aurait pas contacté depuis l’échange entre les présidents américain et turc. «Peut-être que la raison pour laquelle ils ne m’ont pas contacté est que j’ai été clair comme de l’eau de roche», a-t-il déclaré aux journalistes le 30 mai. Pour autant, celui-ci laisse la porte ouverte si Ankara met un terme à sa «belligérance» vis-à-vis d’Athènes. «Si c’est le cas et que nous pouvons le voir à travers des engagements substantiels et diverses indications qui auraient effectivement lieu, il y a une voie à suivre, du moins pour moi», a ajouté l’élu démocrate.
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Suite à sa médiatisation, en octobre 2021, la demande officielle turque avait reçu un accueil mitigé outre-Atlantique. Certains ont vu dans cette potentielle vente l’opportunité d’insuffler un nouveau souffle à la coopération militaire américano-turque. D’autres, en revanche, ont perçu une «menace» à la «sécurité nationale» des Etats-Unis, à l’instar d’une douzaine d’élus démocrates et républicains de la Chambre des représentants qui avaient exprimé leur «profond sentiment d’inquiétude» dans une lettre à Joe Biden.
De son côté, le président turc a sous-entendu qu’en cas de refus de Washington, il pourrait à nouveau se tourner vers un concurrent. «Les Etats-Unis ne sont pas les seuls dans le monde à vendre des avions de combat», avait déclaré, en septembre 2022, Recep Tayyip Erdogan dans une mise en garde à Washington. «L’Angleterre, la France, la Russie en vendent. Il est possible de s’en procurer partout», avait ajouté le chef d’Etat turc.
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