Selon un rapport d'un organisme canadien basé à l'université de Toronto, des responsables du mouvement indépendantiste catalan ont été espionnés via le logiciel Pegasus. Le président du Parlement de Catalogne exige de Madrid des «explications».
Le mouvement indépendantiste catalan a accusé le 18 avril Madrid d’avoir espionné des dizaines de ses chefs de file en faisant installer le logiciel Pegasus sur leurs téléphones portables, après la publication du rapport d’une organisation canadienne documentant ces faits présumés.
Au moins 65 militants espionnés selon un rapport
«Nous avons été espionnés de façon massive et illégale grâce à un logiciel que seuls les Etats peuvent détenir. Politiciens, avocats et militants, tous victimes de la guerre sale de l’Etat espagnol», a ainsi dénoncé sur Twitter l’ex-président régional catalan Carles Puigdemont.
Hem estat espiats de manera massiva i il·legal a través d’un programa que només poden tenir els Estats. Polítics, advocats i activistes, víctimes de la guerra bruta de l’Estat espanyol per lluitar contra una idea legítima. #CatalanGatehttps://t.co/GcnbCst2kh
— krls.eth / Carles Puigdemont (@KRLS) April 18, 2022
Selon ce rapport – rédigé par «Citizen Lab», un organisme canadien basé à l’université de Toronto et cité par The New Yorker et le quotidien espagnol El Pais –, au moins 65 indépendantistes catalans ont été ainsi espionnés. Presque tous les piratages de téléphones se sont produits entre 2017 et 2020.
Parmi les personnes visées figurent l’actuel président régional catalan Pere Aragoné (qui était au moment des faits numéro deux de la région), les anciens présidents régionaux Quim Torra et Artur Mas, ainsi que des eurodéputés, des députés du parlement régional catalan et des membres d’organisations civiles indépendantistes.
Carles Puigdemont épargné
Carles Puigdemont, qui avait fui en Belgique pour échapper à la justice espagnole après la tentative de sécession de la Catalogne en octobre 2017, n’a pas été directement espionné mais nombre de ses proches, dont son épouse, l’ont été, selon l’organisme canadien.
Le gouvernement espagnol doit donner des explications immédiatement
Contacté par l’AFP, le gouvernement espagnol n’avait pas réagi le 18 avril dans l’après-midi. En juillet 2020, le président du parlement régional catalan Roger Torrent avait déjà affirmé avoir été espionné par l’Etat espagnol via Pegasus, une accusation niée par le gouvernement central. «Le gouvernement espagnol doit donner des explications immédiatement», a exigé le 18 avril sur Twitter Pere Aragonés.
La Catalogne, région du nord-est de l’Espagne, est le théâtre depuis plusieurs années d’une crise politique entre les indépendantistes, qui contrôlent l’exécutif et le parlement régional, et le gouvernement central.
En octobre 2017, les séparatistes avaient organisé un référendum d’autodétermination malgré son interdiction par la justice et déclaré unilatéralement, en vain, l’indépendance de la région. Des faits qui ont abouti en 2019 à la condamnation à la prison de neuf de leurs dirigeants.
Les tensions se sont considérablement apaisées depuis la reprise en 2020 du dialogue entre les indépendantistes et le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez, qui a gracié l’an dernier ces neuf indépendantistes au nom de la «réconciliation».
À l’été 2021, une vaste enquête médiatique avait révélé que le logiciel Pegasus avait permis d’espionner les téléphones de journalistes, d’hommes politiques, de militants ou de chefs d’entreprises de différents pays, dont le président français, Emmanuel Macron. Pegasus permet, une fois installé dans un téléphone mobile, d’espionner l’utilisateur de l’appareil, accédant à ses messageries, ses données, ou activant l’appareil à distance à des fins de captation de son ou d’image.
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