Deux personnes sont décédées au cours d'opérations policières : à l'issue d'un contrôle routier dans un cas et d'une opération antidrogue dans l'autre. Des enquêtes ont été ouvertes et la version policière a suscité la controverse.
Un homme tué à Nice, et une femme décédée à Rennes : en moins de 24 heures, deux personnes ont été tuées par des tirs policiers lors de deux refus d’obtempérer. A l’issue d’un banal contrôle routier dans un cas et d’une opération antidrogue dans l’autre, donnant lieu à l’ouverture de plusieurs enquêtes et relançant le débat sur les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent faire usage de leurs armes.
Controverse sur le contrôle routier à Nice
Sur la côte d’Azur, c’est le conducteur d’un véhicule volé de nationalité tunisienne qui a perdu la vie après avoir été repéré vers 16h30 par une brigade de sécurité routière. Celle-ci l’ayant aperçu en train de «zigzaguer dangereusement» sur la voie rapide qui contourne Nice, selon la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP).
Les policiers ont fait signe au conducteur de les suivre mais le véhicule a accéléré et pris une voie de sortie. «Coincé dans le flux de la circulation», le véhicule en fuite aurait alors fait demi-tour pour se retrouver face à la voiture de police, qu’il aurait percutée à plusieurs reprises», toujours selon la DDSP. Un des fonctionnaires de police, descendu sur la chaussée, a alors tiré «une fois», selon une autre source policière. Le conducteur, malgré des tentatives de réanimation, est décédé sur place.
Le conducteur «est un Tunisien d’une trentaine d’années, installé dans notre région depuis un an», a précisé à l’AFP Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice. «Il circulait sans permis à bord d’un véhicule volé immatriculé dans le Var», a ajouté l’élu, qui a publié des photos des véhicules endommagés. Le passager du véhicule, âgé lui aussi d’une trentaine d’années et dont la nationalité n’a pas été précisée, a été interpellé.
Aux côtés de la @PoliceNat06, rue Henri Matisse, qui a du ouvrir le feu sur un individu sans permis, à bord d’un véhicule volé. L’individu a refusé d’obtempérer à la sortie de la voie rapide et a foncé avec son véhicule sur les fonctionnaires de police.#Nice06pic.twitter.com/TDOo95Yw1O
— Anthony Borré (@anthony_borre) September 7, 2022
Les deux policiers, légèrement blessés dans le choc entre les deux véhicules, ont été transportés à l’hôpital. Deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Nice, a indiqué à l’AFP la procureure adjointe Maud Marty : une première, confiée à la Sûreté départementale, pour tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique ; une seconde, par l’IGPN (la police des polices), pour homicide involontaire par le policier auteur du tir. Ce dernier a été placé en garde à vue le 8 septembre, rapporte France Info.
Dans un tweet, le maire de Nice Christian Estrosi a dit apporter son «soutien total aux agents» de la police nationale des Alpes-Maritimes, «face à un conducteur qui leur a foncé dessus délibérément». Selon Christian Estrosi, «les refus d’obtempérer sont un délit et se multiplient» et des policiers municipaux niçois auraient ainsi été confrontés à deux délits de ce type «particulièrement violents» lors de ces dernières 24 heures.
A l’opposé de cette version, une vidéo relayée sur les réseaux sociaux a été reprise par le député LFI de Seine-Saint-Denis David Guiraud, qui a mis en doute la version des forces de l’ordre. «Quelle vie était en danger au moment du tir ?», a-t-il questionné. «Quand les syndicats disent légitime défense, la réalité dit exécution sommaire», a surenchéri l’avocat Arié Halimi rejoint par le journaliste Marc Endelweld.
Quelle vie était en danger au moment du tir ? pic.twitter.com/OrSlORWBtb
— David Guiraud (@GuiraudInd) September 7, 2022
A Rennes, une opération antidrogue
Cette affaire est survenue quelques heures à peine après qu’une femme de 22 ans a été tuée et un homme de 26 ans blessé à Rennes le 7 septembre, là aussi par le tir unique d’un policier, cette fois lors d’une interception menée dans le cadre d’une opération anti-drogue.
Vers 1h du matin, un policier aurait fait usage «à une reprise» de son arme de service, alors que des collègues de la police judiciaire de Rennes et de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Nantes procédaient à l’interception d’un véhicule «dans le cadre d’une enquête pour infraction à la législation sur les stupéfiants», a rapporté le procureur de Rennes, Philippe Astruc.
Le conducteur, connu pour trafic de drogue selon la police, a été touché au bras. Interpellé et placé en garde à vue, l’homme a été brièvement examiné à l’hôpital pour sa blessure et en était déjà sorti dans la matinée du 7 septembre. Touchée par ricochet, sa passagère est par contre décédée malgré l’intervention des secours. Domiciliée à Rouen la jeune femme de 22 ans , compagne du conducteur, était inconnue des services judiciaires.
Selon Yoann Leandri, secrétaire régional adjoint de la zone ouest du syndicat UNSA Police, «le délinquant est venu délibérément percuter le dispositif de police en se servant du véhicule à très grande vitesse comme une arme par destination». «En fonçant sur les policiers, le conducteur a mis leur vie en danger, a affirmé auprès du Parisien David Leveau, du syndicat SGP-Police Bretagne, y voyant «de la légitime défense» face à «un individu dangereux qui n’avait rien à perdre».
De plus, «une quantité de stupéfiants de 111 grammes de cocaïne a été retrouvée à proximité des lieux», dans un sachet qu’un policier a vu «être projeté depuis le véhicule» à la suite d’une première intervention d’un policier invitant, l’arme au poing, le conducteur à descendre de son véhicule, a précisé le procureur de Rennes. Outre la procédure initiale pour trafic de stupéfiants, deux enquêtes ont été ouvertes dans ce dossier : une par l’IGPN, pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner, une autre par la police judiciaire de Rennes, pour tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique.
La police confrontée à une hausse des refus d’obtempérer
Interrogé sur France Info ce 8 septembre, le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux a affirmé que «ce n’est jamais la police qui est à l’origine de ce qu’il se passe», ajoutant que la police française «est confrontée de plus en plus à des situations au cours desquelles elle est obligée de mettre en œuvre des moyens pour se protéger, se défendre ou faire cesser un certain nombre d’infractions». La polémique s’est poursuivie sur le sujet entre le député Nupes de l’Essonne Antoine Léaument, selon qui «aucun refus d’obtempérer ne mérite la mort», et le policier Abdoulaye Kanté, l’accusant d’être «comme d’habitude […] prompt à accuser les policiers» et d’encourager «la détestation de la police».
Il y a des enquêtes en cours mais comme d'habitude vous êtes prompt à accuser les policiers des que vous en avez l'occasion. Nos vies valent rien pour votre parti qui n'a eu cesse d'instrumentaliser les gens à la detestation de la #police.😑#pyromanehttps://t.co/RGbyhVa5cH
— Abdoulaye Kanté (@AbdoulayeK3) September 8, 2022
Selon Le Parisien, 27 756 cas de refus d’obtempérer ont été signalés par les forces de l’ordre en 2021. Dans ces situations, les policiers ont fait usage de leurs armes 157 fois et les gendarmes à 44 reprises. Selon un rapport sénatorial datant d’octobre 2021, le nombre de refus d’obtempérer a connu une hausse de 28% en l’espace de cinq années.
Yvelines : un policier traîné sur plusieurs mètres après un refus d’obtempérer