Dans un contexte où la Turquie joue un rôle majeur dans l'adhésion de la Suède à l'OTAN, Ankara a dénoncé la décision de la justice suédoise de refuser une extradition réclamée par le président Recep Erdogan en personne.
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a dénoncé le 20 décembre une «mesure très négative» de la part de la Suède après le refus de sa Cour Suprême d’extrader le journaliste Bülent Kenes, réclamé personnellement par le président Recep Tayyip Erdogan. Ankara a demandé un certain nombre d’expulsions d’opposants pour donner son feu vert à l’élargissement de l’OTAN à la Suède et à la Finlande.
«Le rejet de notre demande d’extradition de Bülent Kenes est une mesure très négative. Les participants au putsch doivent être renvoyés en Turquie», a déclaré le ministre en référence à la tentative de coup d’Etat de juillet 2016.
«Nous ne voulons plus entendre de paroles de la part de la Suède ou de la Finlande, ce que nous voulons ce sont des mesures concrètes», a martelé le ministre turc devant la presse. Mevlut Cavusoglu a annoncé la visite à Ankara le 22 décembre de son homologue suédois Tobias Billstrom.
Lors d’une visite du Premier ministre suédois Ulf Kristersson pour convaincre le dirigeant turc, ce dernier avait été interrogé sur les dizaines d’extraditions réclamées par Ankara dans le cadre des discussions. Recep Tayyip Erdogan n’avait alors cité qu’un seul nom à titre d’exemple, celui de Bülent Kenes, qu’il avait accusé d’être un «terroriste».
Chaud et froid sur l’OTAN
La Suède – se pliant aux exigences d’Ankara qui profite de son empressement à vouloir rejoindre l’OTAN – a expulsé début décembre un membre du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). La Turquie et ses alliés occidentaux considèrent le PKK comme un mouvement «terroriste», bien qu’il soit soutenu par de nombreuses voix dans ces pays notamment en raison de son combat contre l’Etat islamique.
Ankara avait considéré cette mesure comme étant simplement un «début». «S’ils pensaient qu’après [cette expulsion] nous allions renoncer à nos demandes, ce n’était pas réaliste», a fait valoir le 20 décembre Mevlut Cavusoglu.
La Cour Suprême suédoise, chargée des recours contre les extraditions, a retenu «plusieurs obstacles» à la remise aux autorités turques de l’ex-rédacteur en chef de «Taoday Zaman», accusé par Ankara d’avoir été complice de la tentative de coup d’Etat de 2016 et d’être membre du mouvement güléniste. La Turquie et la Hongrie sont les deux seuls pays membres de l’OTAN à n’avoir pas ratifié l’entrée des deux pays nordiques au sein de l’Alliance atlantique.
Depuis des mois, Ankara exige que la Suède accède à ses demandes pour entrer dans l’OTAN. Avec la Finlande, ce pays a résolu de rompre avec des décennies de neutralité pour rejoindre l’alliance atlantique après le lancement de l’opération spéciale en Ukraine.
Mais le processus est long et difficile, Stockholm étant confronté à un dilemme entre renoncer à l’accueil d’opposants à la Turquie d’Erdogan et la rejoindre en tant qu’allié. Depuis, le processus d’adhésion avance ou recule en fonction de la satisfaction d’Ankara.
La ratification de l’adhésion de la Suède et la Finlande à l’OTAN par la Hongrie est repoussée quant à elle au moins à février 2023 contrairement à ce qui était initialement prévu. Si officiellement la raison avancée est celle de l’encombrement législatif, certains opposants y ont vu un chantage contre la Commission européenne qui veut conditionner l’octroi de financements massifs à des réformes dans le pays.
OTAN : la Hongrie repousse la ratification de l’adhésion de la Suède et de la Finlande